Pour acquérir la supériorité tactique, l’AMX30

 


En 1956, la France, l’Allemagne et l’Angleterre décidèrent de mettre en commun leurs compétences pour construire un char en commun dans le cadre du programme FINABEL. Chaque nation fabriqua en fin de compte son char avec sa vision de la fonction des blindés. L’Angleterre, traumatisée par les chars Tigre et Panthère, privilégia un char lourd bien protégé et armé mais lent, le Chieftain. Les Allemands, eux, voulaient un engin médian aussi bon en mobilité, en protection et en puissance de feu ; cela à donné le Léopard1.


En France, la situation était différente. La France investissait une partie de son budget dans les armes nucléaires. Pour elle, nul besoin de tout miser sur les armes conventionnelles. Le but de ces armes était de couvrir les menaces conventionnelles avant les frappes d’avertissement nucléaires.


La France, en deuxième échelon, devait aussi être capable de servir de réserve stratégique pour l’OTAN, alors que nous étions sortis de son système de commandement. La mission était alors de nous projeter en Hollande/Belgique ou en Allemagne. Cela explique l’organisation de de notre 1ere armée en trois corps. Le 2e corps en réserve en Allemagne devait être en mesure d’intervenir dans la trouée de Fulda. Le 3e corps qui se trouve dans le nord de la France devait intervenir en Hollande/Belgique et le 1er corps en réserve des deux premiers était l’ultime rempart dans l’Est de la France.


L’ennemi devait empêcher une intervention française en procédant à des frappes dans la profondeur avec des armes conventionnelles, mais surtout chimiques et nucléaires. Les infrastructures seraient aussi une cible prioritaire. D’autre part, la nécessité d’être apte à franchir les cours d’eau nombreux en Europe imposait de nouvelles capacités de franchissement.


Les ponts, entre autres, ne pouvaient, en partie, à cette époque, pas être franchis par les véhicules les plus lourds. L’importance de la mobilité stratégique limita la masse du véhicule aux alentours de 30 tonnes.


L’arrivée de nouvelles munitions charge creuse à forte pénétration faisait abandonner l’idée au concepteur de protéger les chars avec de lourdes carapaces en acier. La protection serait obtenue par de la mobilité et la la vitesse de détection des objectifs.


Le char qui serait alors conçu en France ferait la synthèse de tout ces prescriptions. Le nom de l’AMX 30 fait référence à l’Atelier d’Issy-les-Moulineaux, et 30 à la gamme de tonnage. Loin d’être un engin à la pointe de la modernité, le char se focalise sur ses fonctions mobilité, renseignement et feu. Facile d’emploi pour les appelés du contingents, le char ne brille pas par une technologie complexe pourtant disponible à cette époque. En effet, sur les autres chars qui entrent en service à l’époque, les ingénieurs montent des caméras et des écrans, des stabilisations pour les armements, des blindages composites complexes.


L’AMX30 n’a rien de tout cela. Avant sa modernisation à mi-vie, il n’y a pas de caméra pour le combat de nuit, ni de conduite de tir moderne. L’AMX30 tire sa force de l’idée qu’un char peut gagner son duel grâce à sa capacité d’observation. Son TOP7, son collier d’épiscopes panoramiques permet de déceler une cible rapidement à plus de 2000 m. Sa précision de tir permet de faire but avec une grande probabilité au premier coup. La formation des équipages et la maîtrise tactique doivent faire le reste. Si la protection balistique est limitée, il est en mesure de se battre et survivre dans un atmosphère contaminée.


Employé dans des divisions blindés plus légère et plus mobile, l’AMX30 va donner une famille d’engins permettant d’alléger la charge logistique. Cette capacité va donner une plus grande mobilité stratégique à nos corps de bataille. Cette capacité de manœuvre suit aussi les réformes divisionnaires. Le commandements cherche la destruction du corps de bataille ennemi par la manœuvre, si possible sur les flancs ou à front renversé.


Pour cela, la manœuvre doit être rapide et puissante et ainsi, ne pas laisser le temps à l’ennemi de réagir. Mais il n’y a pas que la manœuvre pour gagner. La France avec l’AUF1 va disposer du premier canon automoteur à très grande cadence de tir. Capable d’un tir rapide et de changer rapidement de position, l’AUF1 est une arme redoutable, apte à effectuer des tirs puissants et rapides. Ultime arme d’avertissement, l’AMX PLUTON est capable d’une frappe nucléaire tactique sur les forces ennemies, ce qui devait ensuite permettre de créer des espaces pour l’infiltration des groupements interarmes.


Le choix d’un engin si léger dans un combat de haute intensité est aujourd’hui inopportun. Les progrès de la protection, de la mobilité et de la puissance de feu ne laissent que peu de chances de survie à un engin aussi léger. Pourtant, actuellement, un grand nombre d’engins qui sont engagés en première ligne, ne sont que faiblement protégés, comme les VCI, VBTT. Leur survie est obtenue que grâce à l’adresse des chefs tactiques, leur mobilité et le camouflage.


En ne privilégient pas la haute technologie, l’AMX30 a dû compenser son infériorité par d’autres moyens. La réalité de la haute intensité ne laissait que peut de doute sur les chances de survie des blindés en cas de conflit. Pourtant, les conflits au Moyen Orient en 1967 et 1973 allaient démontrer que la technologie augmente de 25 % la capacité de combat, alors que l’instruction, la connaissance tactique l’augmente de 100 %.


Un officier américains a déclaré d’ailleurs qu’en 1991, la qualité de la formation des équipages aurait fait gagner la guerre même si ils n’avaient pas servi dans des M1 Abrams.


En France, la doctrine de 1 coup, un but se différenciait de la doctrine des autres pays qui privilégiaient un tir avec correction qui consomme plus de munitions. La puissance supérieure du canon de 105 F1 nous donnait l’avantage en portée et en précision. La présence du canon de 20mm en coaxiale donnait une polyvalence que les autres engins n’avaient pas, en particulier dans la lutte contre les aéronefs lents.


La supériorité technologique fait quelque fois oublier que l’essentiel n’est pas la machine, mais les hommes qui la servent. Bien des équipages de Leclerc ont fait l’expérience des qualités manouvrières des AMX30 correctement commandés par des équipages connaissant parfaitement les actes élémentaires lors des manœuvres au CENTAC (centre entraînement tactique).


La qualité des équipages en haute intensité fait la différence plus sûrement que la haute technologie. En effet, la puissance des armes ne laisse que peu de chance de survie, quelque soit le type d’engin. La dernière offensive ukrainienne l’a montré. La compétence des équipages et des chefs tactiques moins bien formés sur les véhicules occidentaux n’ont pas sur faire la différences, alors qu’ils devaient faire la différence avec leurs machines. L’AMX30 a été l’expression d’une doctrine dont les concepteurs ont bien compris que le feu tue et que la différence devait se faire sur d’autres facteurs. Il rappelle en cela son lointain prédécesseur le M4 Sherman.

https://voxmilitaris.blogspot.com/2022/12/reflexion-le-m4-sherman-30102022-nee-de.html



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