VERS LA GUERRE ?

 


 

Le pire scénario

Les Etats-Unis ont décrit les différents scenarii de conflits à court ou à moyen terme. Le pire de ces scenarii est l’engagement contre deux puissances majeures et une puissance régionale, en l’occurrence, une guerre contre la Russie, la Chine et l’Iran. Dans un précédent article https://voxmilitaris.blogspot.com/2022/12/avis_31.html, j’avais écrit à propos des risques qui pesaient stratégiquement dans la période 2015/2035 : désarmement occidental et particulièrement de l’Europe, absence de politique de puissance mais plus de soumission aux Etats-Unis, et un manque complet de vision nous ont enfermés dans un piège.

Ce piège est celui qui doit entraîner la fin de la domination occidentale du monde, domination qui a vu le jour il y a maintenant 500 ans, lorsque Christophe Colomb a découvert l’Amérique. Cette position dominante a connu des hauts et des bas mais, globalement, elle a permis aux pays européens d’être les plus grandes puissances coloniales du XVIe au XXe siècles, puis aujourd’hui, à l’occident global d’être la plus grande puissance économique au monde.

Cette suprématie a été remise en cause d’abord par les Chinois, à la fin des années 1970. Très en retard, la Chine s’est construit un outil étatique, éducatif, économique et maintenant militaire lui permettant de devenir un concurrent direct des Etats-Unis. Bien consciente de sa faiblesse initiale, la Chine a élaboré pas à pas les instruments qui lui ont permis d’être la puissance qu’elle est est aujourd’hui. Comprenant l’importance de l’industrialisation pour sa croissance, elle a profité de la mondialisation des années 2000 pour s’accaparer une grande partie des moyens productifs occidentaux. La prise en compte très tôt de la révolution informatique avec le besoin en terres rares permettra à la Chine d’ici 2025 de posséder 85% de ces ressources.

Puis ce fut au tour des Russes. La réélection de Vladimir Poutine  en 2005 a failli mal tourner pour lui car les services secrets occidentaux voyaient d’un mauvais œil la présence  d’un pouvoir de plus en plus fort au sein de la Russie. S’appuyant sur ses anciens camarades du KGB, le président russe a fraudé massivement pour s’assurer sa réélection. Conscient que l’occident ne comptait pas intégrer la Russie au bloc occidental, il a choisi le chemin d’un effort de modernisation de son pays tout en s’appuyant sur un retour des traditions et d’un certain conservatisme.

 A partir de 2008, Poutine accélère la modernisation de son armée mais la réalité est plus complexe. La richesse du pays s’appuie encore massivement sur les énergies fossiles. La Russie profite alors d’un vent écologiste en Europe occidentale pour vendre massivement du gaz. Cela a grandement contribué à la croissance de l’Allemagne et d’une partie des pays de l’est de l’Europe (mais aussi de la Turquie).

L’Iran, enfin, a failli subir le sort de l’Irak. Bien conscient de sa place particulière au Moyen Orient, l’Iran a développé un réseau d’influence s’appuyant sur la communauté chiite. Créant des contre feux, les Iraniens sont derrière l’insurrection en Irak, la guerre du Liban de 2006 et la guerre au Yémen. Avec la guerre en Syrie, ils s’allient de fait avec la Russie et le pouvoir de Bachar al-Assad pourtant alaouite. Mais ils s’allient aussi, de manière indirecte avec des sunnites comme le Hamas. Ayant la capacité de créer de multiples conflits au Moyen Orient, l’Iran s’est doté d’une force militaire adaptée à la guerre insurrectionnelle et la techno guérilla. Sa politique a permis d’éloigner les Etat-Unis du Moyen Orient et d’ainsi créer les facteurs d’un nouvel Orient plus autonome et puissant. Les accords de paix entre l’Iran et l’Arabie Saoudite en sont l’exemple.

Le piège est en place

La première contre-attaque stratégique vient de la Russie et l’intervention en Ukraine en 2022. En se lançant dans une guerre de conquête, la Russie a obligé la communauté internationale à se positionner  à l’aune de cette événement. L’Occident trop sûr de lui, s’aperçoit alors que le soutien réel à l’Ukraine se limite à l’Occident Global. Mais, de son côté, la Russie sous-estime la réponse occidentale et la guerre rapide se transforme en guerre longue qui, étonnamment, va profiter de manière indirecte au deux autres compétiteurs. En effet, si les Russes sont à deux doigt de s’effondrer pendant l’automne 2022, l’incapacité de l’Occident de soutenir massivement l’Ukraine va permettre à la Russie de se ressaisir. La contre-attaque manquée des Ukrainiens de l’été 2023  laisse aux Russes l’initiative.

L’Occident s’est vidé de son arsenal pour cette guerre en Ukraine, et particulièrement, les Européens qui avaient massivement dégraissé leurs armées déjà avant la guerre pour profiter des « dividendes de la paix ». Même la toute puissante Amérique se trouve en difficulté.

C’est le moment que choisit le Hamas pour frapper Israël. A la surprise générale, l’attaque provoque un massacre d’une nature telle que l’on n’avait pas vue depuis la Shoa. La réponse militaire israélienne clive les positions politiques en Occident et en Orient. Si globalement les gouvernements occidentaux condamnent l’attaque, une partie des populations confond la résistance armée palestinienne et le terrorisme du Hamas. De l’autre côté, la rue arabe demande la guerre contre Israël pour répondre aux bombardements de représailles.

A ce jeu, c’est l’Iran qui joue sa carte. Si la guerre se déclenche au sud Liban, dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, en Syrie avec le Golan, puis en mer Rouge, face au Yémen ou dans le Golfe Persique, c’est tout le Moyen-Orient qui risque de s’enflammer. Les Etats-Unis seront alors obligés de réagir, mais dans des conditions défavorables.

L’ultime danger est que la Chine ou un de ses alliés comme la Corée du Nord en profite pour enclencher un conflit. L’Occident serait alors débordé. La dépendance économique actuelle de l’Occident au commerce mondial peut mettre en déséquilibre l’économie de tous les pays occidentaux. Les problèmes liés aux dettes souveraines risqueraient de nous mettre en grande difficulté.

Un tel scenario créerait des troubles dans nos pays pour des raisons économiques, culturelles et cultuelles. Il est même possible de craindre d’éventuelles guerres civiles.  Les sociétés occidentales ayant pris le parti d’un individualisme forcené, il y a fort longtemps qu’elles n’ont pas été confrontées à un si grand danger.

La dispersion des armes des conflits risque de renforcer, plus tard, les guérillas en Afrique, principalement. Peut-être que demain un putsch fera tomber les militaires au pouvoir au Mali, au Niger et au Burkina Faso. On peut aussi imaginer que les même pays qui nous avaient chassés nous demanderons de nouveau de venir les sauver du risque djihadiste.

La question est donc de savoir si la France est actuellement prête à relever tous ses défis. Je peux affirmer que non.

1940, aujourd’hui : comme un air de déjà vu…  

Je fais ici malheureusement un triste constat : l’histoire n’est jamais la même mais les mêmes principes provoquent les mêmes désastres. En 1933, Hitler prend le pouvoir ; en 1935 il instaure le service militaire ; en 1936, il annexe la Rhénanie, en 1938 l’Autriche et les Sudètes, en 1939 la Pologne, en 1940 la France...

Pourquoi cet échec ?  S’il est juste de l’expliquer par les mauvais choix du généralissime Gamelin, une des raisons cachées a été le retard pris par le pays pour se mettre en ordre de bataille. Si globalement, jusqu’en 1936, les efforts sont équivalents entre la France et l’Allemagne, la différence se fait en 1937. L’effort allemand représente alors plus 67% de PNB. Les usines de guerre sont aux 60 heures. En France, il faut attendre l’Anschluss, mais surtout la crise des Sudètes pour voir notre effort se lancer. Nous avons perdu une année qui nous manquera ces terribles mois de mai-juin 1940.

Aujourd’hui, notre effort militaire pèse toujours à peine plus de 2% du PNB national. Les réformes engendrées ne font que remettre un équilibre entre les hommes/moyens et le budget. La montée à 2,30% de l’effort national cache en réalité un effort bien moins important. En effet, 0,65% de l’effort est consacré à la modernisation des armes nucléaires. Ce qui ne laissera en réalité que 1,65% de l’effort consacré à nos armées.

Bien trop tardif, l’effort est censé donner ses fruits pour une « armée au combat » en 2030. Si les événements cités plus haut se précipitent, il sera déjà trop tard. Une fois de plus, trop tard, comme en 1870, en 1914, en 1940, en Indochine, en Algérie, en Afghanistan, en Afrique…  

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