Vers la Guerre?

 

Vers la Guerre?


Le conflit ukrainien nous a fait redécouvrir les éléments propres à la guerre inter-étatique de grande puissance. Outre son caractère total, touchant tous les spectres de la guerre, c’est-à-dire politique, diplomatique, économique, sociale et militaire, elle touche aussi tous les espaces solides ou liquides (mer, air, espace, cyber, informationnel).

La France ne s’attendait pas au déclenchement de la guerre malgré les nombreux avertissements russes. En 1990, à la chute du Mur de Berlin, la France a voulu, comme tous les pays européens, profiter des dividendes de la paix. Elle s’est désarmée lentement. Au lieu de poursuivre la politique d’autosuffisance pratiquée depuis le début de la Vème république, elle a commencé à privatiser ses entreprises de défenses, puis  à chercher des coopérations pour fabriquer ses armements. Les programmes sont devenus aussi plus complexe et chers, que ce soit pour le char Leclerc, le Rafale, les frégates FREMM, le NH90, le Tigre, etc… 

 Ses équipements sont à la pointe de la technologie. Construites en petite quantité, ces machines sont capables de haute performance. Mais elles sont complexes à construire, à entretenir, à soutenir et à utiliser.  Dans ce sens, les engagements de la France de 1990 à 2022 permettaient de gérer ces problèmes, mais la menace d’un conflit de haute intensité change la donne.  

 La guerre en Ukraine rebat les cartes de la stabilité mondiale. Le retour d’un monde multipolaire va provoquer une augmentation du risque de conflit entre états. Il existe un créneau historique ou la supériorité de l’Occident pourrait être remise en cause.

En effet, un certain nombre de pays dans le monde ont investi massivement dans leur défense. Ils n’ont pas seulement investi dans l’achat d’équipements, ils l’ont fait aussi  dans leurs industries de défense. Ils ont aligné un discours politique interne avec des actions diplomatiques agressives. La Russie est le premier de ces pays à remettre en cause la domination du monde par l’Occident.

Du côté occidental, le processus est inverse. En Europe, la politique de désarmement et d’intégration à l’OTAN allait de paire  avec une politique toujours plus soumise aux Etats-Unis. Mais, 30 ans de guerre et d’interventions dans le monde n’ont pas dessiné un monde plus sûr. Si les victoires contre les forces militaires des pays « voyous » étaient rapides et expéditives, la stabilisation des pays et des zones de conflits étaient bien plus complexe.

En Irak, en Afghanistan, en Libye, au Mali et ailleurs, les opérations militaires occidentales se terminent mal. La volonté d’imposer les « valeurs » occidentales par la guerre et la soumission économique est contrecarrée par des organisations terroristes et des mouvements insurrectionnels.

L’incompréhension est d’abord politique. Le libéralisme est une vision du monde où tout est réglé par le droit, que ce soit la relation entre les hommes, les organisations ou les états. Mais pour les libéraux, seuls le droit occidental est universel et doit être partagé par tous. Cette conviction est renforcée par les accords internationaux, le retour de la place de l’ONU et des organisations gouvernementales ou non gouvernementales.

Mais la réalité est bien différente. Si les états suivent, plus en raison de la toute-puissance américaine et occidentale, les peuples, eux, trouvent d’autres valeurs plus anciennes et plus fortes pour faire contre-pouvoir. La guerre à l’Occident de ces peuples va permettre à d’autres états de remonter en puissance. La Chine en est l’exemple : en 2000, elle entre dans la mondialisation et en l’espace de 20 ans, elle va faire un bond technologique, sociétal, économique et surtout militaire. Les arsenaux chinois sortent, en tonnage, l’équivalent de la flotte française tous les ans. Aujourd’hui, elle a plus de navires que l’US Navy,  même s’ils ne sont pas encore tous au même niveau. Cependant, le niveau atteint met en doute pour cetains la capacité des Etats-Unis à gagner une guerre contre la Chine.

Si la puissance militaire est remise en cause, c’est aussi la force de la société qui doute. Le wokisme en est l’exemple. Désirant accuser l’homme blanc de tous les maux de la planète, remettant en cause les valeurs traditionnelles interprétées comme patriarcales, le wokisme, avec l’écologisme, démantèle la société occidentale de l’intérieur. La volonté de dénaturer l’Homme par la « théorie du genre » crée une société manquant de valeurs guerrières comme le courage ou l’honneur. Sans ambition sociétale, l’Occident abandonne ses origines et son histoire. Un discours culpabilisant, anti colonialiste et écologiste appauvrit le liant social et la fierté d’appartenir à une nation.

Un autre discours fait prévaloir l’individu sans attache, qui peut s’amalgamer partout et à toute société. Un monde universel sans frontière où dans la logique libérale tout se vaut. Le résultat est un Occident instable, où la violence est plus présente et intense entre les individus mais aussi contre les états .

Ayant délocalisé une grande partie de son industrie, dépendant de l’énergie et des matières premières venues du monde entier, l’Occident est aujourd’hui dans une situation sensible de dépendance, tout particulièrement l’Europe. La production des composants électroniques dont dépend l’avenir technologique de l’Occident, est dangereusement menacée par la pandémie, la crise économique et le risque de guerre. La dépendance au monde n’a jamais été aussi forte. Les puissances qui disposent de ces richesses en profitent pour peser toujours plus sur la diplomatie mondiale. C’est le cas du Qatar qui grâce à son gaz, s’est créé une richesse qui lui permet de jouer un rôle dans le concert des nations.

Mais l’Occident n’a pas dit son dernier mot. Il reste un monde économiquement puissant et riche qui dispose de richesses non exploitées. Les mondialistes universalistes se « réveillent » et « découvrent » un monde beaucoup plus explosif. Un changement de discours par rapport à la croissance sans fin ou la paix éternel est le signe d’un changement des élites sociétales. Si pour l’instant, il y a un début de changement, les mesures ne prendront plein effet que dans 10 ou 20 ans.

En attendant, il existe un créneau historique où nos compétiteurs pourraient chercher la confrontation. Notre situation de faiblesse est vue comme une opportunité pour remettre en cause la suprématie occidentale. La volonté de recréer un monde multipolaire après 30 ans de cette suprématie,  avec de nouvelles ambitions hégémoniques, va faire émerger un monde beaucoup plus instable sur les dix à vingt ans qui viennent avec ,au bout du compte, un risque de conflit armé aux conséquences stratégiques bien pires que ce que nous avons connu jusqu’à présent.  

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