« Les Ghanéens blancs »

 



Au cours de ma carrière, j’ai eu l’opportunité de partir en mission extérieure où j’ai découvert et partagé des moments avec des forces étrangères. Un jour, au Liban, j’ai discuté avec un camarade étranger. Comme tout soldat, on se racontait nos vicissitudes, lorsqu’il me dit que certains camarades étrangers appelaient les Français les «Ghanéens blancs » : ils ont des ambitions d’Américains avec des moyens d’Africains.

La remarque peut certes sembler peu flatteuse, mais elle est représentative d’une réalité peu glorieuse. Le choix de la haute technologie a concentré nos efforts budgétaires sur certains équipements. C’est ainsi que l’argent de l’armée de terre est consacré au char Leclerc, au VBCI, à l’hélicoptère Tigre, au Jaguar, au Griffon, au Serval, au MMP etc. Ces équipements sont certes performants, mais surtout très chers, que ce soit à l’achat ou à l’entretien.

Les efforts consentis depuis 2014 pour remettre en état une armée abîmée par plus de 30 ans de réduction budgétaire, ne peuvent se faire du jour au lendemain. Surtout que tout arrive en même temps : la mise en service de 4000 engins de classe médian, le renouvellement de nos forces stratégiques, le remplacement du Rafale, du porte-avion etc. Tous ces programmes sont encore plus chers que leurs prédécesseurs.

La France ne peut pas augmenter le budget de défense à l’infini. Les retards ne seront pas rattrapés. Le choix est donc fait d’abandonner certains programmes ou d’allonger leur temps de renouvellement. Or, dans un monde en continuel changement, cela peut être risqué.

Dans les années 1960, la France s’est déjà retrouvée dans la même situation. Elle a fait le choix de produire et de se concentrer sur la création d’une triade nucléaire. Pour les forces conventionnelles, elle a fait le choix de construire des équipements à coût maîtrisable. Loin de construire des équipements équivalents à ceux des Américains, elle se focalise sur des équipements plus légers et moins chers. On aura ainsi le Mirage III, l’AMX30, le VAB, L’AMX10, le porte-avions Clémenceau, le Jaguar, le Super-étendard etc.

Tous ces équipements étaient inférieurs aux derniers équipements produits aux USA, mais au combat, ils ont largement tenu leur rang. Ainsi, le Mirage III fait partie des avions à réaction qui a abattu le plus d’avions ennemis en combat aérien. Pragmatique, le choix d’une armée à la juste échelle des moyens disponibles a permis de garder une position indépendante.

Souvent évoqué dans le blog, le choix de ces justes moyens devrait guider une nouvelle réforme des armées qui nous permettrait de garder notre place dans le concert des nations.

Que pourrait-on donc faire aujourd’hui pour une réforme allant dans le même sens que celle des années 60 ?

Le premier changement  porterait sur le remplacement du Rafale. Un système de combat aérien très cher est-il vraiment nécessaire ?  Aujourd’hui, le Rafale a encore une marge de progrès, avec la série 4, puis 5. Le contrôle des drones est le prochain bon technologique et il pourrait être atteint par un système de taille équivalente à celle du Rafale. Un couple super-Rafale-Neuron serait peut-être une solution financièrement solvable.

L’adoption d’un tel système entraînerait une modification du choix de porte-avions. Construire un porte-avions de 75000 tonnes ne serait ainsi pas nécessaire . En revanche, on pourrait en fabriquer deux de 45000 tonnes, ce qui dispenserait de construire un nouveau moteur nucléaire.

Dans le domaine des hélicoptères, la menace sol-air rend dangereuse toute action de feu direct. L’introduction de nouveaux missiles comme le MHT Akeron permettrait des frappes longue distance au-delà de la vue. Il ne serait donc pas nécessaire de disposer d’hélicoptères lourdement protégés ou très furtifs. Agissant à partir des lignes de contact, les hélicoptères seraient en mesure d’apporter une frappe massive de missile sur un ennemi ayant menaçant.

Pour cela l’hélicoptère H160 est une solution adaptable à de multiples missions. Disposer d’un grand nombre de ces hélicoptère nous permettrait d’avoir une adaptabilité étendue et, là encore, moins coûteuse.

Dans le domaine des blindés, si le changement de la partie médian est pris en compte par le programme Griffon et Jaguar et Serval, le segment « lourd » ou à chenille aurait dû être intégré par le programme MGCS.

Le choix, pour moi, devrait se porter sur une famille d’engins. Les véhicules de combat apportent des effets. Ceux-ci ne sont pas obligatoirement liés à la qualité intrinsèque de la monture. La capacité de mettre en synergie les effets grâce au système de communication et une NEB, liés à des moyens de renseignement, apportent la supériorité sur le champ de bataille  ici .

La Suède va renouveler le CV90 qui n’est pas seulement un VCI mais aussi une famille d’engins. Il serait intéressant de collaborer pour construire une famille d’engins qui nous apporterait le segment lourd qui nous manque.

Ainsi réformée, la France pourrait trouver une marge de manœuvre financière pour financer et en même augmenter le volume de nos forces. Cela est essentiel pour ne pas se retrouver dans une situation stratégique défavorable à nos futures actions. 

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