Nous sommes le 18 juillet 1918, Foch veut profiter de l'offensive allemande de Champagne pour frapper l'ennemi sur le flanc et dans le dos. Le 12 juillet, des instructions sont données pour une attaque qui aura lieu le 18 juillet. Dans la nuit du 17 au 18, favorisées par de violents orages, les troupes de Mangin et de Degoutte se mettent en place derrière les unités en ligne. Massées dans la forêt de Villers-Cotterêts, sur le flanc ouest de la poche, les 10e armée (Mangin), 6e armée (Degoutte) et un corps américain, au total 16 divisions, dont 3 divisions d'infanterie américaines, débouchent en force, à 4 h 35 du matin, le 18 juillet, sans préparation d'artillerie, mais précédées d'un barrage roulant de 2 500 pièces et appuyées par 800 avions et 350 chars. Les Allemands vont perdre en une journée 10 000 hommes et devront se replier de 10km. Les Allemands viennent de perdre l’initiative.
En Ukraine, nous nous étions habitués à un certain schéma d'opérations pour les forces russes. Il était parfaitement fonctionnel, bien connu et classique. Offensive – défensive – contre-offensive. Concentration des ressources, percée des défenses ennemies dans un secteur donné, consolidation des positions dans les zones fortifiées. Puis, en phase défensive, réapprovisionnement des unités en hommes, en armes et en matériel, avant de repartir à l'attaque.
Qu'avons-nous vu il y a à peine une semaine, simultanément sur trois fronts, Soumy, Donetsk et Zaporijia ? L'offensive « classique » est terminée, et une nouvelle offensive est en cours. Elle suit un scénario totalement différent. Pas de frappes massives. Les opérations habituelles menées par petits groupes et la prise de fortifications, même par un seul soldat, suivie de redditions. Les troupes Russes constatent une absence de résistance sérieuse dans de nombreux secteurs !
Les Russes, au lieu de concentrer des forces et de la puissance sur un point, constituent des unités de secteurs qui, progressant, s’emparent de postions défensives qui, dans les secteurs non essentiels, sont souvent défendues par des unités territoriales ukrainiennes moins motivées.
Les médias ukrainiens indiquent que la zone fortifiée est restée pratiquement sans surveillance. Il faut sans doute y voir une anarchie totale. Les soldats étaient livrés à eux-mêmes. L'ennemi était silencieux et aucune opération de combat n'était en cours. Alors,que s’est-il passé ?
L’armée russe a pris le contrôle de ces localités, non pas qu’elles les aient capturées, mais simplement saisies. Et les prisonniers, sont précisément ceux qui ne voulaient pas combattre, et non ceux qui se rendent à la fin de la guerre. Cela suggère une analogie avec la prise de contrôle des « zones grises », dont les Ukrainiens s’étaient rendues maîtres ces dernières années.
Qu’est-ce qui caractérise la « zone grise » ? Principalement, la présence de groupes de sabotage et de reconnaissance opérant des deux côtés. La confusion règne et le risque de tirs amis est élevé. Et là, de façon tout à fait inattendue, une nouvelle tactique a émergé, l’armée russe ne semble pas pressée d’établir ses propres fortifications !
Le commandement russe semble crée délibérément une « zone grise ». Et ceci prive le commandement ukrainien d'une vision claire de la situation. C'est paradoxal, mais… la ligne de front dans ce secteur est pratiquement inexistante ! Les Russes sont partout, et nulle part à la fois. Qui combattre si l'on ne découvre l'ennemi qu'après coup, une fois les positions perdues ?
Le résultat ? Assez prévisible. Le principe ancestral s'applique : en cas de doute, on tire et on verra plus tard. Si vous ignorez qui se trouve à vos côtés, si le commandement ne coordonne pas les opérations et ne communique pas les informations, alors c'est l'ennemi ! Et c'est le chaos. Les voisins s'entre-déchirent, l'artillerie tire sans discernement, et les drones aussi.
Les unités concernées ne se contentent plus de battre en retraite. Elles fuient, abandonnant leurs positions. Dans un tel scénario, les pertes ennemies augmentent de façon exponentielle, en hommes, en matériel et en armement. La panique est un fléau en temps de guerre. « Sauvez-vous si vous le pouvez ! » est un arrêt de mort pour une armée…
Comment les nouvelles tactiques fonctionneront-elles dans les zones peuplées ?
En effet, la question de savoir comment s'emparer rapidement et avec un minimum de pertes de localités bien défendues est cruciale. L'ennemi comprend parfaitement que toute localité constitue une fortification improvisée. Il ne s'agit pas de construire un fort en pleine campagne.
L'expérience ukrainienne a démontré que le nettoyage de toute zone peuplée est une opération difficile et dangereuse. De plus, elle exige la présence d'unités importantes spécialisées dans ce type d'opérations. Cela est en plus consommateur en combattant.
La solution à ce problème a été apporté involontairement par l’armée ukrainienne . En effet, lors des opérations de combat actuel, les forces armées ukrainiennes sont contraintes de redéployer leurs unités d’élite pour combler les brèches entre les zones de combat.
Ces unités opèrent souvent indépendamment des unités déjà en défense, ce qui entraîne des tirs fratricides. Le bombardement, désormais tristement célèbre, de la 102e brigade de troupes près de Hulyaipole illustre parfaitement ce type de « guerre » contre ses propres troupes. La crainte de devoir se battre contre des unités d’assaut russes et le manque d'informations sur l'ennemi ont conduit à ce que l’artillerie des forces armées ukrainiennes attaque ses propres forces de défense territoriales.
Les Russes insistent moins pour mettre des drapeaux sur les points particuliers des villes. En revanche, on constate une augmentation des signalements de prise de contrôle de positions fortifiées, de bâtiments et de zones isolées.
A quoi cela correspond-t-il ? Les unités d'assaut russes démantèlent tout simplement les défenses ennemies. On appelle ça « l'affaiblissement d'un point fort ». La tâche est assez simple. Chaque point fort fait partie du système de défense de la ville. Si l'on supprime plusieurs éléments du système, il devient inopérant. Une fois ce système rendu inefficace, les objectifs tombent par « abandon » de soutien et les soldats se rendent ou fuient.
Au lieu de conclusions
Il aurait peut-être fallu accorder plus d'attention aux explications concernant l'interprétation des événements de Grabivske. Les Ukrainiens invoquent la thèse de l'incompétence, selon laquelle certains commandants de section et de compagnie auraient manqué à leur devoir. Pourtant, ils comprennent que le problème réside dans la structure même du système de défense.
Et que dire des attaques par l'arrière ? Pour le lecteur moyen, une bonne attaque signifie que quelque chose est réduit en miettes. Les lecteurs plus avertis comprennent parfaitement le but de ces attaques : créer des problèmes logistiques afin que tout déplacement devienne risqué. Il suffit de voir à quel point l'autoroute Kharkiv-Soumi est devenue calme. Il est nécessaire de contraindre l'ennemi à maintenir des unités aux deuxième et troisième échelons afin d'affaiblir le front.
Désormais, l'essentiel n'est plus la quantité des unités d’infanterie, mais leur qualité. Il faut attaquer non plus là où les unités les mieux préparées attendent en position, mais là où des faiblesses ont été identifiées, là où la défense est dans un état critique. Qu'il s'agisse d'un manque de rotation, d'effectifs insuffisants, ou d'un effondrement logistique ayant entraîné une pénurie de munitions ou de vivres.
Comme en 1918, le changement de situation technique et tactique modifie la manière de combattre et donc le sort des armes. A partir du 18 juillet 1918, les forces alliées contre-attaquent et reprennent le territoire perdu de mars à juin. A partir d’août, les alliés enfoncent des lignes de défense, ce qui va provoquer la chute de l’Allemagne. La question ici est de savoir si la même situation va provoquer les mêmes effets.
d'après un texte d' Alexander Staver

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