Vers la guerre ?

 



La récente déclaration du chef d’état major des armées sur la nécessaire préparation de nos armées à un conflit avec la Russie dans 3 ou 4 ans (1) nécessite aujourd’hui, selon moi, que nous nous posions des questions sur le chemin que nous sommes en train de prendre.


D’abord, j’analyse son propos par rapport à ce qui a été rapporté dans les media. Première affirmation : il faudra 3 ou 4 ans aux Russes pour relancer une action après la fin de la guerre en Ukraine. Cette affirmation du général repose sur une poursuite de la guerre par l’Ukraine. Plusieurs autorités comme le président Zelenski ont déclaré que la situation va basculer dans les mois qui viennent et que la phase décisive du conflit est proche. Sauf que cette phase décisive pourrait se faire à l’avantage de la Russie, ce qui est, pour l’instant, un non-dit.


Politiquement, les propos du général tombent « à plat ». En effet, en France, l’on voit aujourd’hui le débat se focaliser sur la réforme des retraites et le vote du budget. Très peu de média ont vraiment exploité l’information, ce qui en dit long sur la préparation morale du peuple à la guerre.

Et c’est d’ailleurs là où le bât blesse, le général Schill a, lui, reparlé de la nécessité d’un retour au service militaire. Bien qu’écoutée, là encore, l’information n’a pas fait grand bruit.

En réalité, le pays n’est pas prêt à la guerre. Il est tellement divisé qu’il est difficile d’avoir un axe commun fort pour amener le pays vers la guerre.


Pour beaucoup de Français, seuls les professionnels iront faire la guerre et celle-ci ne changera pas leur vie. D’autres forces poussent pour une fragmentation du pays encore plus fortes ainsi que la possible « révolution de la rue » s’appuyant sur les islamistes et une population étrangère malheureusement inondée de signaux contradictoires sur la nature de notre pays.


Ces faiblesses sont exploitées autant par des concurrents régionaux (Algérie, Turquie, Quatar etc ) que par nos compétiteurs (la Russie, la Chine, l’Iran etc). De plus, il y a l’influence grandissante de nos « alliés » comme les États Unis et les autres pays européens, sans parler de Bruxelles, qui poussent à des transformations quelquefois à contresens des intérêts français.


La crise économique qui commence à poindre son nez aujourd’hui, crise due autant aux sanctions anti-russes, une instabilité politique et financière, la fin du libre-échange, la croissance des normes et des obligations, et l’incapacité à défendre nos intérêts propres (je ne reviens par sur les accords scandaleux avec la taxe américaine à 15 %) sont autant de maux qui minent notre pays. Le chômage de masse tire la classe moyenne basse vers la pauvreté. Celle-ci va mettre en pression un système social déjà à bout de souffle, ce qui va engendrer encore plus d’inégalité et de tensions.

Les temps sont donc propices à une instabilité à l’intérieur du territoire qui risque d’être croissante. Dans ce contexte, le danger d’un conflit externe, qui, de surcroît, ne menace pas l’indépendance du pays risque d’exacerber encore plus les divisions et les envies de révolte.

L’ancien chef de la DGSI Pierre Brochand souligne déjà le risque de guerre civile en France (2). L’avocat et président du CRSI (Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure) Thibault de Montbrial lance l’alerte sur l’état catastrophique du pays dans le domaine de la sécurité intérieure (3). En parallèle, l’OTAN affirme que le conflit a déjà commencé sous une forme hybride (4).


La France pourrait devenir un nouveau Liban si l’afflux d’étrangers non intégrés se poursuit. Le risque d’éclatement pourrait survenir le jour où des mouvements populaires de « non immigrés » passent à l’action violente comme en Angleterre ou en Irlande (5). Ces mouvements pourraient alors être exploités par nos compétiteurs externes selon leurs origines ou leurs croyances.

Naturellement, cela reste hypothétique mais doit être pris en compte dans le cadre de l’hybridité des conflits. Il faut toujours connaître ses faiblesses autant que celles de l’adversaire (Sun Tzu) .

D’autre part, il y a d’autres problèmes liés au choix d’armée que nous avons fait il y a maintenant une dizaine d’années. L’armée de terre est trop petite. Il est prévu de déployer une division en 2030 avec deux brigades de combat et un commandement de corps d’armée, mais cela reste trop petit. La Force opérationnelle terrestre est à 77 000 hommes. Nous pouvons en déployer 30 000 avec une relève, mais vue la taille du « morceau » à avaler, cela fait un peu juste même avec des alliés.

Certes nous ne partons pas tout seuls à la guerre. Cependant, même dans le meilleur des scenarii, Il ne sera possible de remplacer par les réservistes que les premières pertes. Ensuite, il faudra former des soldats parmi la population civile sans que l’on ait ni l’infrastructure, ni les équipements, ni l’encadrement indispensables. Il faudrait idéalement que cela se fasse bien avant le conflit. Le CEMAT a raison quand il parle de l’importance d’un retour de la conscription pour les forces armées (6).


La masse est également nécessaire pour protéger les forces déployées et le territoire national. Il faudrait donc une défense sol air multicouches. Pour l’instant, celle-ci est fort mince. Il faudrait des moyens de frappe dans la profondeur tout en sachant que l’adversaire pourrait aussi avoir une autre attitude dans les espaces fluides (tout ce qui n’est pas terrestre). Il pourrait accepter de perdre les avantages de l’espace en déclenchant une guerre spatiale qui pourrait être une vraie catastrophe économique pour la France, l’Europe et le monde. L’arme nucléaire tactique pourrait être employée en premier, ce qui causerait des problèmes à nos forces. L’ennemi pourrait frapper avec des armes conventionnelles des installations stratégiques tout en restant sous le seuil de réponse nucléaire etc.

Il ne faut pas négliger non plus le risque d’intervention de proxy comme l’Algérie dont on connaît les liens avec la Russie. Une politique d’exacerbation des revendications communautaires en pleine guerre est extrêmement dangereux.

La notion de défense côtière doit être réhabilitée avec des patrouilleurs ou des drones lance missiles, des missiles tiré du sol, des mini sous marins diesel etc. Il faut donc pouvoir répondre à des menaces multispectrales et multidirectionnelles.

je ne parle même pas de guerre informationnelle ni de cyberguerre. Il semble que nous ne soyons pas mauvais dans ce domaine mais les Russes sont très forts en guerre électronique.


Ainsi, la guerre est une boîte de Pandore qu’il ne faut savoir ne pas ouvrir car on n’en connaît pas toute les conséquences . Mais si l’on décide de l’ouvrir, il faut savoir que la vie ou la mort de la nation est engagée.

Pour ma part, je reste un partisan de Sun Tzu lorsqu’il explique que la guerre se gagne avant d’être menée. Il faut d’abord résoudre nos problèmes, stabiliser politiquement, économiquement et socialement le pays. Il faut également mettre en place une vraie politique de montée en puissance avec un vrai réarmement crédible. Nous devons accepter de passer à la défensive stratégique en vue de préparer une armée nationale qui sera à même d’assurer la sécurité, la liberté et l’indépendance de la France avec le soutien de ses partenaires.

(1) https://www.cnews.fr/monde/2025-10-23/se-tenir-pret-un-choc-militaire-dans-3-4-ans-le-chef-detat-major-des-armees ; https://www.youtube.com/watch?v=GyM6FEKEo1k

(2) https://www.lefigaro.fr/vox/societe/immigration-de-masse-insecurite-risque-de-guerre-civile-le-cri-d-alarme-de-pierre-brochand-ex-dgse-20251017 

(3) https://www.lefigaro.fr/vox/societe/thibault-de-montbrial-seul-un-choc-d-autorite-peut-eviter-la-catastrophe-a-la-france-20251014

(4) https://www.lefigaro.fr/international/guerre-hybride-face-a-la-russie-l-otan-cherche-la-riposte-20251015

(5) https://www.leparisien.fr/international/royaume-uni/nous-voulons-retrouver-notre-pays-a-londres-une-manifestation-anti-immigration-rassemble-plus-de-100-000-personnes-13-09-2025-YWBSQ3VQDJBZZFLXBRP5ZIEGXM.php ; https://www.courrierinternational.com/article/violences-a-dublin-deuxieme-nuit-de-manifestations-antimigrants-devant-un-centre-d-accueil_236619

(6) https://www.youtube.com/watch?v=GyM6FEKEo1k


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