Si je ne suis pas toujours très satisfait des véhicules occidentaux auxquels je reproche leur taille, leur masse, leur complexité, il y a un véhicule qui sort, à mes yeux, du lot : le M2 Bradley.
J’ai « découvert » le M2 Bradley dans un livre sur les blindés qui m’avait été offert en 1984. Le texte de présentation ne semblait pas parler de l’engin avec enthousiaste.
Je ne reviendrai pas sur les origines ni sur l’histoire de tous les modèles, bien d’autres l’ont déjà fait ou le feront mieux que moi. Je reviens juste sur le moment où le véhicule est expérimenté par l’armée américaine.
Le véhicule remplace le M113 qui venait de faire la guerre du Vietnam. L’engin était simple, rustique, facilement transportable par avion, amphibie et peu coûteux. Mais ce n’était qu’un simple « camion blindé » transportant la troupe. Au Vietnam, une version « cavalerie » est mise en service pour privilégier le combat embarqué. Pour cela, il ne disposait que de la mitrailleuse calibre 50 et de 2 M60.
Au même moment, en URSS, l’infanterie mécanisée s’équipait d’un nouveau type d’engin. Les VCI (véhicule de combat d’infanterie) BMP1 et BMD1. Les véhicules étaient conçus pour un combat de dragons, c’est-à-dire une partie dynamique en combat embarqué / amphibie et une partie assaut et occupation du terrain en débarqué. La diversité des armes embarquées dans les sections de combat offraient un panel de solutions tactiques. Le choix était justifié par le combat nucléaire et la volonté de limiter les morts après la boucherie de la Seconde Guerre mondiale.
Au États-Unis, on chercha une réponse à ce nouveau défi tactique. Les Américains étaient revenus du Vietnam avec des doctrines de guerre insurrectionnelle. Ils devaient immédiatement répondre aux défis posés par le Pacte de Varsovie. Ils mirent au point une nouvelle stratégie opérative appelée Air land Battle (bataille aéroterrestre).
Le principe, dit simplement, est de frapper dans la profondeur du champ de bataille pour empêcher les 2e et 3e échelons de venir aider le premier échelon. Les corps de bataille de l’OTAN devaient « juste » arrêter le premier échelon avec le minimum de pertes et recevoir les échelons suivant déjà éprouvés. Ainsi, il était possible d’imaginer gagner une guerre conventionnelle en Europe.
Les armes qui devaient faire la différence étaient l’Apache, le MLRS, le M109, le Stinger, le M1 et le M2 Bradley.
Le M2 Bradley qui apparaît en 1977 doit combattre avec le futur M1. Le char avait adopté peu de temps auparavant la turbine comme moteur, ce qui lui donnait une grande vitesse de pointe et de très fortes accélérations.
Toute suite, on critiqua le Bradley pour son incapacité théorique à suivre le M1. Puis l’infanterie critiqua le nombre réduit de combattants embarqués. Au départ, il n’y avait que 6 fantassins embarqués, ce qui est peu pour combattre au sol. Mais les personnels pouvaient tirer de l’intérieur, ce qui était en théorie un avantage. Dans la réalité, cette capacité fut annulée par le montage de blindage supplémentaire.
D’autres critiques étaient faites quant à sa conduite de tir et surtout son coût. Pour la première fois en effet, la tourelle était armée d’un canon mitrailleur de 25mm stabilisé pouvant tirer des munitions à l’uranium, de missiles TOW, une caméra thermique et conduite de tir moderne. En fait, il avait les capacités d’un char de combat. On peut mettre en parallèle l’arrivée de l’AMX30 B2 dont tout les engins n’étaient pas équipés de thermique et pouvaient encore moins tirer en roulant !
Pourtant, avec l’arrivée des budgets du plan Reagan, le M2 fut quand même acheté et, dés le départ, modifié. Très vite, on augmenta le blindage en raison de l’arrivée du BMP2 et son 30mm. On remplaça le TOW par le TOW2. On rajouta une place à l’arrière pour passer à 7 combattants (8 dans les versions ultérieures). On mit un dispositif de protection NBC.
Le M2 était supérieur à tout ce qui se faisait à l’époque, même côté occidental. Il faut attendre le CV90 pour un véhicule qui commence à l’approcher.
Engagé pendant la 1ere guerre du Golfe, le Bradley va détruire plus de véhicules que le M1( plus de 1000 engins). Il va suivre le M1 sans problème. Dix-sept véhicules seront détruits au feu mais la protection de l’engin assura une grande survie de l’équipage, ce qui en fait un véhicule apprécié.
Les années 90 et la révolution dans les affaires militaires doivent préparer le remplacement du Bradley et du M1. Les travaux sur des engins plus légers, mieux connectés, doivent permettre de disposer de la « protection » informationnelle. L’armée américaine dépense des sommes importantes au Futur Combat Systèms (FCS). Cela n’empêche la modernisation du M2 avec la numérisation du véhicule, l’apport de nouvelle caméra thermique et de nouveaux missiles.
En 2003 pour la 2eme guerre du Golfe, le M2 est toujours le fer de lance des forces mécanisées américaines. S’il n’y a pas grand-chose à raconter à propos de la phase initiale, c’est encore le Bradley qui sera à la manœuvre dans les combats en zone urbaine comme à Fallouja.
C’est toujours sa protection qui va le faire revenir sur le devant de la scène. Pendant que les Hummers et les Striker servaient bien souvent de corbillard pour leurs servants face au IED, le Bradley, lui, restait le véhicule le plus sûr pour son équipage. Bien qu’il soit souvent attaqué, le Bradley modernisé et renforcé de briques réactives, d’un renforcement du planché et de nouvelles sécurités incendie, devient un des véhicules les plus sûrs et létales du champ de bataille. Prêt de 150 Bradley ont été détruits entre 2003 et 2011, mais il aura sauvé la vie à des centaines de combattants et justifia d’une certaine manière avec le M1 la fin du FCS.
Presque 50 ans après sa sortie, le M2 se retrouve de nouveau au devant de la scène. En 2022 , pour soutenir les Ukrainiens, les Américains fournissent des M2 A2. Le véhicule va être rapidement engagé et révéler encore une fois ses qualités. La scène la plus connue est l’attaque par deux M2 d’un T90M. Au grand désarroi des Russes, le char fut endommagé sans pouvoir riposter. Le Bradley prouve sa résistance aux mines, aux attaques à la roquette, et même aux attaques de drones. On parle d’un M2 ayant résisté à 6 attaques de drones !
Je rappelle que lors de tests comparatifs, les Russes durent admettre l’incapacité du canon de 30 mm à pénétrer l’arc frontal, la haute résistance aux mines et aux RPG, même à charge tandem. Ils reconnaissent l’aspect pratique de la rampe d’accès arrière, du système anti incendie, de la précision et de la capacité de perforation du 25mm. Ils reconnaissent la supériorité de la puissance de feu et de la protection par rapport au BMP3 qui est pourtant leur vitrine.
Pourquoi un tel destin ? Je pense qu’il est dû à l’excellence de la conception initiale. Imaginé autour d’organes mécaniques sûrs (moteur diesel Cummins, barre de torsion en suspension), le char s’est garanti la mobilité. Puis il y a l’ajout de hautes technologies au bon endroit (caméra thermique, canon stabilisé, missiles guidés, NEB). Les Américains se sont donné les moyens d’en produire beaucoup qu’ils ont fait évoluer. Pour cela, ils n’ont pas hésité à abandonner certaines fonctions comme le tir aux meurtrières et l’amphibie ce que les russes n’ont pas osé.
A la fois simple et complexe, le M2 a donné la supériorité au corps de bataille américain. Même aujourd’hui, l’engin reste très performant dans sa dernière version. Il va subir encore des modifications avec l’ajout d’un groupe motopropulseur hybride, de nouveaux senseurs et même peut-être de nouveaux missiles encore plus performants.
En fait, le M2 reste à mes yeux la plus belle réussite de l’industrie militaire américaine après le M4 Sherman.
Il est quand même bon d’imaginer un VCI à la française de 32 tonnes (poids du VBCI lourd) doté d’une protection renforcée (le VBCI est déjà niveau 5…) de briques réactives, d’une tourelle biplace dotée d’un canon de 25mm M811 stabilisé entièrement dont je pense qu’il est au moins équivalent au 25mm M242 américains (voire meilleur) et d’un pot à deux missiles antichar MMP permettant de tirer au-delà de la vue et qui serait, naturellement, chenillé !

Donc un VBCI à chenilles avec une tourelle biplace, ce serait pas mal non ?
RépondreSupprimerLe 25mm de la tourelle VBCI ne permet pas de tir précis en roulant, donc il faut aussi la stabilisation, la conduite de tir et ne pas oublier les missiles .
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