Le temps passe, les minutes s’égrènent vers la fin du programme SCAF. Huit ans déjà que ce programme politique alimente les gazettes des spécialistes en aéronautiques. Il est toujours surprenant quand on regarde avec un peu de recul la situation déjà annoncée. Le programme Eurofighter avait déjà, en son temps, montré plus que ses limites face au Rafale. L’Eurodrone verra les budget exploser pour un appareil en retard d’une guerre. L’A400M sera un gouffre financier au fond duquel la répartition des différents composants (principalement le moteur) sera source de difficultés. On peut parler du NH90, du Tigre aussi qui n’ont pas arrêté d’avoir des problèmes (les deux sont remplacés dans beaucoup d’armées qui les avaient achetés).
Les « succès » européens étaient plus politiques que techniques. Il fallait faire des « économies » qui en réalité, n’en étaient pas. Quand on fait un aéronef en commun, c’est collectivement que l’on paie le programme, mais aussi collectivement que l’on partage les bénéfices. A la différence de ces programmes, le Rafale a certes coûté très cher (46 milliards d’Euro), mais il reste 3 fois moins cher que le Typhoon ! Il y a actuellement 225 Rafale commandés pour la France et déjà 273 à l’export (sans parler de la commande de 114 par l’Inde). En fait, le programme de conception de l’avion est depuis longtemps remboursé.
Les mantras de certains politiques et media ont pourtant la vie dure : « nous sommes plus forts à plusieurs », « cela coûte moins cher à plusieurs » etc. Nos compositeurs de la finance ne démordent pas de la doxa qui consiste à faire de la collaboration l’alfa et oméga des programmes d’armement même si c’est aux dépends des besoins réels.
En effet, les Allemands ne veulent ni d’un avion qui décolle d’un porte-avions, ni d’un porteur d’armes nucléaires. Peu importe, l’important, c’est la collaboration.
Mais cette collaboration ne concerne pas que le financement, elle passe aussi par un partage de la technologie. Cela impliquait céder, au nom de l’Europe, les brevets technologiques aux Allemands car telle est la loi en Allemagne. Il aura fallu la ténacité du PDG de Dassault pour nous sauver d’une énième perte de compétences. Les politiques étant, quant à eux, résignés à tout donner à l’Union européenne, même nos pépites technologiques.
Mais les arguments du PDG ont fait mouche et ont touché une partie des politiques. D’autre part, les ventes de Rafale dans le monde explosent et cela compte. Dassault est une entreprise puissante. Il parvient à être le leader du programme comme meilleur fournisseur. Cependant l’Allemagne qui voit ses budgets de défense augmenter, ne voit pas la chose de la même manière. Les Allemands veulent une coopération sur le modèle de l’Eurofighter. Quand on sait combien cela a coûté, il faut vraiment chercher où seront fait les bénéfices financier à la fin du programme.
Les politiques étant ce qu’ils sont, ils veulent quand même une solution dans le cadre d’une coopération au nom de cette fameuse Europe. Alors ils insistent encore dans l’espoir que cela va fonctionner. Pourtant, aussi bien en Allemagne qu’en France, les partisans de la fin du programme sont de plus en plus nombreux et déterminés. En Allemagne, se sont les parlementaires qui sont les plus actifs au nom des intérêts du pays. En France, Trappier est seul à défendre sa position mais il a un atout puissant. Il vend du Rafale comme des « petits pains ». Il sait mettre en place des coopérations économiquement viables avec des partenaires européens comme dans le cadre du Neuron. Et ses arguments font toujours mouche : la France peut fabriquer un avion tout seul, il faut juste avoir la volonté politique (or cela est une autre histoire).
Le MGCS suit le même chemin. KNDS n’a jamais été une entreprise pour la construction d’un système commun. Au contraire, chacun a continué sur son chemin. Les contrats de ventes de chars dans toute l’Europe assurent de nouveau la croissance de Krauss-Maffei Wegmann et les Allemands veulent unir leurs deux grands groupes pour devenir le leader absolu de l’Europe. L’entrée en bourse du groupe KNDS privatisera définitivement l’entreprise et fera disparaître un concurrent aux entreprises Allemandes.
Ce sera bientôt la fin des coopérations avec l’Allemagne. Nous avons perdu 10 ans dans ces programmes voués à l’échec. Pour le programme MGCS, j’avais déjà écrit en long et en large sur les raisons d’abandonner un tel programme. Le programme SCAF allait s’effondrer de lui même. Il est facile de dire « je vous l’avez bien dit », mais une analyse simple de la nature des interlocuteurs aurait permis de prédire le résultat. D’une part, il y avait deux visions du monde et de l’Europe. La première consiste à croire que l’avenir ne pouvait être que fédéral. Au nom de cette idée, on peut tout mettre au « pot » commun. D’autre part, il y a la vision patriote qui consiste toujours à défendre les intérêts nationaux. Les deux ensemble donnent un « duo » déséquilibré en faveur de l’une de ces visions. Les Allemands ont, à mon sens, raison de défendre leurs intérêts. En revanche, la politique des dirigeants français est beaucoup plus critiquable. Le PIB/habitant stagne depuis 2008, ce qui veut dire que la croissance française est faible. Nous passons de 5e puissance économique en 2017 à la 7e (voir 9e ) . La dette a pris 1800 milliards d’Euros entre 2008 et aujourd’hui.
La France a pourtant toujours des atouts, mais faut-il d’abord les défendre au lieu de les brader. Demain, le programme SCAF sera arrêté et avec lui le programme MGCS. La France peut continuer le programme et fabriquer un avion qui sera un digne successeur du Mirage III, Mirage 2000, du Rafale. La France sait faire faut-il qu’elle y croie. Quand au MGCS, je pense qu’il faut profiter de la fin de ce programme pour réfléchir froidement à quoi va ressembler la guerre des blindés dans le futur. Là encore, nous avons des compétences et il faut les mettre en avant.

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