Les opérations extérieures sont terminées. Après une parenthèse de 40 ans, l’occident retrouve la guerre. Le problème, c’est qu’il a perdu tous les repaires qu’il avait mis des siècles à acquérir. Il a fait comme la cigale : il a chanté la bonne parole du droit international, du droit d’ingérence etc et maintenant, il se retrouve face à des fourmis qui ont mis ces mêmes 40 ans à renforcer leur puissance en s’appuyant sur une mondialisation développée par l’occident lui-même.
Pendant cette période, les armées occidentales sont passées de guerriers prêts au combat à soldats de la paix, puis policiers internationaux.
Pendant cette période, le soldat français est passé d’un engagement au service de sa patrie à un « simili fonctionnaire » astreints aux 35 heures. Naturellement, c’est caricatural ou presque. La notion du service a évolué. Le « droit » et les « devoirs » du combattant ont évolué de même que la notion de sacrifice ultime, ont changé.
Le soldat occidental moderne n’est pas accueilli par un discours sacrificiel mais, au contraire, dès son premier jour dans l’institution, on lui apprend à poser des congés maladie…
Le remplacement des soldats dans les unités est tellement rapide qu’il n’y a plus ce transfert d’expérience par ceux qui ont vécu le combat. De plus, les liens entre soldats se sont distendus à cause du téléphone portable et de l’ordinateur. Aujourd’hui, avec les moyens de communication modernes, le soldat ne quitte jamais le cercle familial ou amical. Même au milieu du désert, il parvient à communiquer régulièrement avec la Métropole.
La notion de « métier », auquel n’est consacré qu’une partie de son temps, a remplacé celle d’engagement qui sous-entendait un dévouement complet à l’institution et la nation. La notion de sacrifice est d’ailleurs ressenti différemment. Après l’embuscade d’Uzbin, une famille a porté plainte contre l’armée, comme s’il s’était agit d’un « accident du travail ». Même s’il n’y a pas eu de suite à la plainte, le fait seulement de porter plainte donne une idée du changement de mentalité dans notre société. Imagine-t-on les familles des Poilus porter plainte contre l’armée ou l’État français après la mort au combat de leur fils, père ou époux ?
Ainsi, lorsque la guerre revient à l’Est, il est bon de se poser la question de la préparation mentale des hommes que l’on veut envoyer au front. En effet, si l’armée prend aujourd’hui en compte le retour du combattant avec sas de décompression, elle n’a pas complètement pris en compte la préparation mentale avant le départ en mission.
Dans les années 90, la préparation au combat commençait dès les classes. Le soldat était transformé en 3 très dures semaines. Cela commençait par des ordres qui étaient donnés quelquefois à la dernière minute, car « l’ennemi n’allait pas vous dire à quelle heure il allait vous tuer ». C’était l’apprentissage de la vie avec les autres pour créer une nouvelle « famille ». C’était la surprise tout le temps, même dans les marches ou « l’on n’arrive jamais ». C’était aussi l’apprentissage de l’obéissance. Je disais toujours que si, à la fin de mes classes, on m’aurait ordonné de sauter par la fenêtre je l’aurais fait. L’objectif était de préparer les hommes à l’obéissance pour mieux dépasser la peur, à la dureté des combats, et à l’éventualité de la mort.
Affronter la mort ou un nid de mitrailleuse n’est pas une chose naturelle. Une fois en unité, le jeune soldat écoutait les « anciens » de la guerre du Golfe raconter leur départ et ce qu’ils avaient vécu sur le front. Le chef de corps, avant de partir du quartier en 1990, lâchait le fameux « pas la moitié d’entre vous ne reviendra ». Quand on sait que la mort vous attend, on finit par accepter aussi qu’elle arrive. Dans mes premières années, entre soldat nous parlions de la mort et des combats. Nous savions que la durée de vie d’un char sur le champ de bataille n’était que de 15-20 minutes. Alors, on se disait qu’on espérait détruire au moins un char avant d’être détruit à notre tour. Cet état d’esprit était nourri de récits historiques et de ceux d’ anciens combattants.
Aujourd’hui, tout cela a disparu. Si nos soldats sont envoyé au combat dans une guerre de haute intensité, ce sera avec un flou sur leur destin sur le champ de bataille. Ils risquent pour beaucoup d’être surpris par la violence, l’injustice, la dangerosité de la zone de combat. Sans une préparation à mourir, ces soldats risquent de ne pas tenir le coup face à la violence du front.
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