L’art militaire en occident et en Asie prend ses racines dans l’art antique de la bataille et en particulier la bataille rangée. La guerre alors était réalisée le plus souvent par des paysans pendant les saisons creuses du travail des champs. La bataille était la solution pour résoudre les litiges entre cités voisines. Elle était rare mais extrêmement violente. Et surtout les opérations ne duraient que rarement dans le temps en raison de l’impératif agricole. L’invention de structures plus grandes comme des états va libérer la tâche des hommes pour la guerre. Les guerres deviennent plus longues et plus meurtrières. Le sommet de cet art est la Seconde guerre mondiale qui sera une guerre totale.
La guerre totale impacte toutes les activités humaines, de la stratégie à l’économie en passant par le sociale, la diplomatie, le culturel etc. La violence de cette guerre couplée à l’arrivée de l’arme nucléaire exigera une mise à jour de ce type de guerre. Le retour de la guerre courte s’impose par la puissance des armes et leur haute technicité. Il était commun de dire que la guerre en Europe ne durait pas plus de 15 jours en raisons de la finalité de ce conflit qui serait la destruction nucléaire totale.
Puis la fin de la Guerre froide générera un autre type de conflit qui se transformera en opérations de police internationale. Si conceptuellement , ce type d’action est « cohérent » par rapport au droit international, il est en partie incohérent par rapport à la nature de la guerre qui est une confrontation politique sous une autre forme. L’adversaire n’étant pas considéré comme un ennemi mais comme le « mal » ou encore un mode d’action comme le terrorisme. Le résultat a été un échec global.
Dans les grands espaces d’Asie centrale et du Moyen Orient, la guerre est différente. La nature des espaces de conflictualités ne favorise pas forcément les rencontres de grandes forces mais plus une guerre d’escarmouche. Seules les grandes villes peuvent être des objectifs pouvant entraîner la concentration de grandes forces et donc la possibilité de bataille. Les ressources sont aussi plus rares et nécessitent un travail préparatoire plus long pour chaque action. La guerre est donc davantage dépendante des voies logistiques qui sont plus sensibles aux actions de l’adversaire. La guerre est faite d’escarmouches, d’embuscades, de ruse. C’est une guerre de nomades.
Les logiques de ses deux types de guerre se sont souvent affrontés. Les conquêtes mongoles en sont les meilleurs exemples. L’art mongole de la guerre repose sur le nombre, une grande mobilité opérative grâce aux chevaux petits mais robustes, l’emploi de l’arc composite pour le combat à distance, la ruse et la déception. Mais il sait aussi s’adapter aux situations en s’accaparant les technologies des adversaires selon la situation comme l’art de la poliorcétique chinoise.
Les Mongoles ont eu le plus grand empire de tout les temps et n’ont été vaincus que rarement. Le temps et l’espace ont permis aux adversaires des Mongoles de s’adapter et de finir par vaincre.
L’histoire et les espaces aujourd’hui.
Les révolutions technologiques de l’époque de la Renaissance, puis celles qui viennent avec la révolution industrielle vont permettre à l’occident de dominer le monde. L’occident va devenir un « peuple nomade » conquérant le monde en s’appuyant sur des armées technologiquement modernes, une flotte aérienne et navale supérieures, un outil industriel supérieur, une puissance financière et commerciale, une dissémination culturelle et sociétale. Le modèle n’est en réalité tenable que si l’investissement est maîtrisé. Le modèle s’affronte en interne pour la domination, ce qui provoque les guerres inter étatiques les plus violentes. Mais rarement, les états disparaissent complètement. Au contraire, le nationalisme souvent décuplé par de l’idéologie religieuse ou politique permet de garantir dans les pires situations le maintien des nations.
L’occident entrant dans l’âge du droit international et de la mondialisation a rompu avec une partie de sa puissance. Cette puissance aujourd’hui est contrainte par la fourniture de technologie, la matière première et le temps.
L’occident tient par sa capacité à mobiliser les ressources mondiales, mais le risque de voir ses ressources accaparées par d’autre systèmes étatiques est actuellement le risque le plus croissant.
Nous nous trouvons alors dans un combat périphérique. Cette situation peut devenir très explosive si l’on passe par la confrontation directe. Actuellement, le conflit russo-ukrainien s’approche de ce combat direct qui engendre une guerre totale et longue.
L’affrontement devient continu sans montée aux extrêmes car il y a la peur d’un conflit nucléaire qui entraînerait la destruction mutuelle. Pour atteindre ses objectifs, il faut mobiliser les ressources du pays mais la question est alors de savoir quel est le prix à payer pour espérer gagner. C’est le plus déterminé qui augmente ses chances de gagner. La guerre contextuellement redevient un exercice d’endurance où la technologie seule ne garantit pas la victoire militaire.
La production redevient l’arme la plus importante. Les stocks d’armes permettent de tenir dans la durée même si les pertes sont importantes.
A ce jeu là, actuellement, il semble que les peuples des « grands espaces » ont une logique beaucoup plus adaptée à la guerre longue. La gestion des armes de tir dans la profondeur qui joue sur l’usure des défenses sol air, en est un exemple, de même que la guerre d’usure terrestre avec un feu puissant détruisant des forces qui sont obligées de défendre dans les pires situations.
En conclusion, l’occident pourtant a encore la richesse pour lui aussi entrer dans cette guerre d’usure mais en a t-il l’envie. La résilience et la persistance des peuples en occident sont échaudés en interne. Cela conduit aujourd’hui à une redistribution possible de la puissance. L’histoire dira si ces guerres vont faire entrer le monde dans un nouveau paradigme.
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