La surprise Russe ?

 

Il y a de ça quelques semaines, en répondant à une question sur une offensive aéromobile russe, j’avais posé la question de la « vraie » situation capacitaire des Russes sur le front ukrainien.

« Très bonne question, et je me la pose aussi! Je dirais que les russes ont produit , d'après les renseignements,1600 chars dans leurs usines en 2023 et en 2024 soit 3200 chars en deux ans. Il faut aussi compté ceux qui ont été produit en 2022 et cette année. Cela doit faire environ 4000 chars. Ils en auraient perdu 4000 environs dans le même période mais quand on regarde la nature des pertes sur Oryx , seulement 612 chars seraient des productions de guerre. La grande majorité des pertes est composé de matériel déstocké (T55,T62,T64,T72,T80 de l'époque soviétique). Alors, ou est la différence. Malheureusement, je crois que sera la surprise Russe. Maintenant, cela reste de la spéculation »

Il semble que ces informations commence à être confirmé par le Wall Street Journal, qui a consulté des images satellites de la société Planet Labs.

Il s’avère ainsi que plusieurs installations militaires ont vu le jour non seulement à proximité de la Finlande, mais aussi de l’Estonie et de la Norvège.

Des responsables militaires et des services de renseignement occidentaux notent ainsi auprès du quotidien américain que la Russie a agrandi sa base de Petrozavodsk, en Carélie (une région proche de la Finlande), avec de nouvelles casernes et des centres d’entraînement. Le site pourrait ainsi devenir un nouveau quartier général de l’armée russe. Des unités ont également été placées à Kamenka, à 75 km de la frontière finnoise, et à Sputnik, à 15 km de la frontière norvégienne, où des logements et des centres de stockage de matériel militaire ont été créés.

Les images satellites montrent aussi que le réseau de chemin de fer est en train d’être développé vers les centres de l’armée, que ce soit en direction de la Finlande, de la Norvège ou de l’Estonie. Ces sites pourraient ainsi être facilement approvisionnés en armements, et accueillir de nombreux soldats, surtout si la guerre en Ukraine se termine et que Moscou décide de redéployer ses soldats à proximité des frontières de l’OTAN. Des petites brigades pourraient ainsi tripler de taille et rassembler des divisions de 10 000 hommes.

Un haut responsable militaire finlandais note enfin que Moscou n’envoie "presque aucun" de ses nouveaux chars en Ukraine. Ils sont au contraire stockés pour une "utilisation ultérieure". De la même façon, les armes de nouvelle génération pourraient être envoyées à proximité de la frontière avec l’OTAN, alors que celles plus anciennes seraient dédiées à la lutte contre l’Ukraine.

Source ISW

Belousov a explicitement identifié les réformes militaires russes à grande échelle comme des préparatifs d'un futur conflit avec l'OTAN alors que le président du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev, menaçait les pays européens qui soutiennent l'Ukraine.[6] Belousov a déclaré dans son essai du 8 mai que la Russie avait réformé et augmenté son armée spécifiquement en réponse à l'expansion de l'OTAN et au renforcement militaire ( entrepris seulement bien après l'invasion russe à grande échelle de 2022 de l'Ukraine), notamment en réorganisant le district militaire occidental de la Russie (WMD) en districts militaires de Moscou et de Leningrad (MMD et LMD); rouvrir deux anciennes académies militaires et créer une nouvelle troisième académie militaire ; et former, doter en personnel et équiper pleinement deux armées interarmes, une flottille fluviale, un corps d'aviation mixte, et 50 autres formations et unités.[7] ISW estime depuis longtemps que les efforts de restructuration militaire russe, y compris les réformes du LMD et du MMD, font partie des futurs préparatifs de guerre contre l'OTAN.[8]

Medvedev a menacé que les pays européens devaient « se souvenir » de la « défaite écrasante de l'Allemagne nazie » lorsqu'ils soutenaient l'Ukraine.[9] Medvedev a notamment proféré sa menace sur son compte X en langue anglaise, indiquant que Medvedev destinait cette menace au public international.[10] D'autres hauts responsables russes ont également intensifié ces derniers jours les accusations contre les États européens pour avoir soutenu le « nazisme ».[11] La menace de Medvedev et les affirmations russes du « nazisme » européen font partie de la campagne de contrôle réflexif en cours du Kremlin qui vise à pousser les pays européens à s'abstenir de fournir une assistance supplémentaire à l'Ukraine.[12] Les responsables du Kremlin ont également récemment présenté les efforts européens visant à répondre davantage à leurs propres exigences de défense, conformément aux efforts du président américain Donald Trump(, comme une menace pour la Russie, et la campagne de contrôle réflexif du Kremlin vise probablement aussi à empêcher les États européens de renforcer leurs défenses. Le vice-amiral Peter Reesink, chef du service militaire néerlandais de renseignement et de sécurité, a averti dans une interview accordée à Politico publiée le 8 mai que le comportement le plus menaçant de la Russie était son renforcement militaire et le déplacement de ses moyens militaires vers Frontières de la Russie avec la Finlande et les États baltes.[13] Reesink a déclaré que la Russie semble produire plus d'artillerie que ce dont l'armée russe a besoin pour sa guerre en Ukraine, compte tenu de l'aide que la Russie reçoit de ses alliés. Reuters a publié le 8 mai une enquête révélant que la Russie avait construit une nouvelle ligne de production importante d'explosifs à l'usine d'oléum de Biysk en Sibérie, qui devrait produire 6 000 tonnes explosifs annuellement.[14] Reuters a noté que cela serait suffisamment explosif pour fabriquer 1,28 million d'obus d'artillerie de 152 mm et que la Russie a produit près de deux millions d'obus d'artillerie de 122 mm et 152 mm en 2024, des, suggérant que cette nouvelle chaîne de production pourrait augmenter la capacité de production d'obus d'artillerie de la Russie de plus de 50 pour cent une fois achevée.

Toutes ces informations sont confirmées d’une certaine manière par le « calme » du président Poutine ce 9 mai. Loin de renchérir sur un discours menaçant de réponse nucléaire, cette année, le président russe semble avoir confiance dans ses forces conventionnelles.

Le paradoxe de la situation est que, pour les occidentaux, la Russie est théoriquement en faillite en raison des sanctions économiques. Le discours et les réseaux ne parlent que de la supériorité ukrainienne et de l’usure des forces russes. Ils expliquent régulièrement que les Russes ne disposent plus des composants nécessaires pour la fabrication des armes de guerre. Pourtant, il semble que les Russes ont pris le luxe de transférer une partie de leurs productions vers des installations loin du champ de bataille ukrainien tout en continuant la guerre en Ukraine.

L’année dernière, certains observateurs déclaraient que les Ukrainiens avaient plus de chars que les Russes en raison des pertes élevées. D’autres voyaient dans l’emploi de canons et d’obus coréens, de missiles et de drones iraniens, comme un signe de faiblesse des capacités de production russes.

La vérité semble se dessiner ailleurs. Il semble que les Russes aient mené une opération de « déception » à grande échelle. Pendant que les occidentaux et les ukrainiens se fixaient sur la ligne de front, les russes semblent avoir travaillé sur leurs 2ᵉ temps. Celui-ci consiste à préparer une confrontation avec l’OTAN.

La question est de savoir quel est le plan stratégique de Moscou.

Pour moi (mais il s’agit ici de pure spéculation), il y a plusieurs perspectives.

La première et la pire est la confrontation militaire. Après un traité de paix favorable en Ukraine, la Russie peut lancer une opération de subversion dans les pays baltes en s’appuyant sur les minorités russophones. Les mesures répressives des gouvernements entraîneraient une justification à une intervention militaire. L’OTAN se trouverait dans une situation compliquée avec une division des partenaires européens. La position des États-Unis serait la plus difficile, car ils ne veulent pas un double front.

En effet, cette manœuvre serait conjointe avec une intervention chinoise à Taïwan. La bonne période serait en 2027. L’instabilité en raison d’élections nationales et de troubles régionaux pourrait diviser les efforts occidentaux. L’équilibre mondial pourrait basculer.

La seconde solution est une dissuasion conventionnelle crédibilisée. Avec la guerre en Ukraine, la Russie a crédibilisé ses forces conventionnelles. L’OTAN se trouve fixée face à l’Est comme au temps de la guerre froide. La guerre alors se fait à distance par proxy.

Une autre solution est un changement de monde complet avec la multipolarisation. Les anciens « Empires » plus les nouvelles puissances du Sud global cherchent à prendre de la distance avec les occidentaux. À la vision du droit international, les nouvelles valeurs « très progressistes » de l’Occident ont refroidi l’adhésion au monde occidental. Dans cette vision, la Russie est le premier pays qui a osé affronter seul (ou presque) l’Occident global et ainsi montre la voie à un nouveau type de relation.

Il est possible qu’il y ait un peu des trois dans la stratégie russe. Mais il est certain que les relations internationales vont changer et qu'il est important pour nous, Français, de s’y adapter.

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