Après mon article sur la dissuasion nucléaire où je rappelais les fondamentaux de notre dissuasion, J’explique ici pourquoi la France n’est pas en mesure actuellement d’assurer une dissuasion au profit de l’Europe.
Prenons un cas concret. La Russie envie l’Estonie. Les forces européennes essayent de se projeter par le corridor de Suwalki et se retrouvent engagées face aux forces russes.
Pour mon exemple, on dira que les Russes arrivent à rejeter les forces européennes et qu’ils menacent les capitales (voire les occupent) des pays baltes.
Le président autorise alors une frappe nucléaire (par missiles préstratégiques) pour neutraliser les forces attaquantes. C’est une frappe menée par nos avions Rafale avec ASMP.
Il y a ici le premier point questionnant.
Si le tir est réalisé sur les forces conventionnelles attaquantes des pays baltes, les bombes vont certes tuer beaucoup d’adversaires, mais aussi beaucoup de Baltes. Suffiront-ils pour empêcher des nouvelles troupes de remplacer les premières ? Quid de la résilience des forces terrestres russes à une frappe tactique (dispersion, fortification, protection blindée, etc.) ?
Si nous tirons contre leurs forces, les Russes disposent d’armes nucléaires tactiques (et c’est comme cela qu’ils les appellent) qui pourront, à leur tour, être engagées contre nos forces bien plus profondément que nous (Pologne, Allemagne, Suède, Danemark). Là encore, les pertes civiles seront très élevées. Tout cela ne nous garantit pas non plus une frappe sur le territoire national, sur nos bases aériennes, nos postes de commandement, nos dépôts divers, etc.
Cas numéro deux : nous effectuons des frappes sur le sol russe contre les forces conventionnelles. Quid alors de la réponse russe ? La doctrine russe signée récemment précise une riposte nucléaire totale. Nous passons alors dans le cas où les Russes ripostent massivement directement sur le territoire national avec destructions des villes et des centres vitaux. Il faut compter entre 10 et 20 millions de morts en quelques minutes et 10 à 30 millions de plus de la radioactivité et des blessures, plus tous les gens qui mourront plus tard de faim, de maladie, etc.
Naturellement, il y a une riposte française qui rend la pareille au russe. La dispersion des villes et des centres vitaux russes empêche en pratique la neutralisation totale de la Russie.
Ici, je parle des pays baltes, mais cela peut être la Pologne ou la Finlande.
Petit détail : déployer ou reconstruire de nouvelles têtes nucléaires impose de casser le traité de non-prolifération nucléaire. Paradoxe d’un pays qui met le droit devant tous.
La seule solution stratégique est, à mon sens, non pas nucléaire, mais industrielle. Il faut produire de l’armement pour nos forces et accepter le duel qui est proposé. Une force conventionnelle crédible par son volume, son entraînement, sa détermination est bien plus efficace que la voie du nucléaire.
Grâce à nos industries, nous pouvons produire plus d’armes que nous en perdons et fatiguer ainsi l’adversaire jusqu’au moment où il estime que la partie ne sera jamais gagnée.
Il y a une action conventionnelle, mais aussi de guérilla, d’influence, d’attaque diplomatique, attaquer sa logistique stratégique. La Russie, c’est 146 millions d’habitants ; l’Europe, c’est 470 millions d’habitants. Dans tous les cas, le temps joue pour nous, du moment où l’on reste avec un objectif limité, c’est-à-dire la libération (dans mon scénario) des pays baltes. Je déconseille en tout cas de vouloir envahir la Russie en riposte.
L’arme nucléaire est trop sérieuse pour y jouer.
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