Plus je regarde la guerre en Ukraine, plus je me dis qu’il faut changer complètement notre manière de voir le combat futur. Comme toute guerre « industrielle », les adversaires se sont lancés dans une course technologique qui a fait faire des bonds de géant aux systèmes de drones et de robots. Là où, il y a encore 8 ans, nous autorisions enfin les drones à être armés, aujourd’hui, des machines presque autonomes agissent et frappent dans la profondeur.
Le drone est en train d’effacer, pas de manière complète, certaines armes que l’on croyait pourtant irremplaçables. Il y a le missile antichar qui s’est vu remplacé par manque de portée, un coût plus élevé et le manque de protection du tireur. Il y a l’artillerie qui est plus que secondée par les drones pour l’observation, le ciblage et la contrebatterie, il y a l’aviation d’appui qui, en raison des défenses solair, n’est plus capable de jouer son rôle « d’ouvreur de porte » et qui est remplacée dans ce rôle par le drone.
Bien sûr, le drone ne remplace pas intégralement ses armes, mais il prend une place croissante dans l’arsenal d’une armée moderne. Les Ukrainiens ont même créé des unités complètes autour de lui.
Il n’y a pas eu que des armes remplacées, il y a eu des armes qui ont subi le feu des drones. Le premier « perdant » a été le blindé en général et le char de combat en particulier. Celui-ci n’a en effet pas été conçu pour subir les attaques de drones. Toute la protection des chars est concentrée sur l’arc avant. C’est par là que venait la menace. Mais le drone rend l’ensemble du char sensible aux attaques.
En réalité, il n’est pas possible de protéger passivement un char contre cette menace. La mise en place de grillage protège à minima, mais ne garantit pas une protection contre toutes les attaques. Pour exemple, KNDS travaille sur une munition BONUS dronisée qui exploserait à 20 m au-dessus du char et le percerait avec une charge à auto forgé.
Seule une coopération avec un système dédié ou la mise en place de protections actives pourrait garantir une sécurité minimum, mais même celles-ci ne sont pas parfaites.
Les industriels imaginent déjà des chars comme des avions de chasse ultramodernes équipés de systèmes de protection électromagnétique et de brouillage extrêmement coûteux qui devraient limiter les capacités des drones. Mais l’imagination allant très vite, il est fort probable qu’avant même son entrée en service, les systèmes aient déjà une parade.
De toute manière, l’artillerie ou l’aviation avec des bombes guidées arriveront toujours à les neutraliser.
Le rapport actuel coût-efficacité n’est pas en faveur du char. Ni d’ailleurs des autres blindés qui sont aussi peu mobiles que lui sur le champ de bataille et qui disposent d’encore moins de protection.
J’ai parlé de la solution d’un « Merkava à la française ». Même si cette solution est intellectuellement intéressante, le champ de bataille d’aujourd’hui n’a pas une ligne mais une zone. Un char, plus il est lourd, plus il a besoin de soutien. Il lui faut du carburant, des munitions, mais aussi des moyens de transport opérationnels, des moyens de génie, des moyens de soutien technique, des moyens d’évacuation qui lui soient dédiés. Et tous ses moyens sont sensibles eux aussi, mais sans eux, le char ne se déplace pas. Il faut donc changer de paradigme.
Le retour des petits.
Pourtant, il faut toujours monter à l’assaut et prendre les positions de l’ennemi. La leçon de l’Ukraine est ici que le petit taille et la vitesse sont aussi un gage de sécurité. Au début de la guerre, ce sont les Hummer et autres véhicules légers qui ont ouvert la voie à l’assaut ukrainien. Très mobile et discret, ses véhicules ont permis aux Ukrainiens de lancer des assauts rapides et par surprise sur les positions russes. Du côté russe, c’est la moto et des buggy légers qui ont redonné de la mobilité aux troupes. Mais si cela limite les coûts financiers et humains, cela n’empêche pas d’avoir des pertes.
Les Ukrainiens, je l’ai présenté dans mon dernier article, ont remis en service l’Alvis Spartan. Léger, rapide, disposant d’un armement et d’une protection corrects, le véhicule a redonné une certaine mobilité aux forces ukrainiennes. Facile à poster, à entretenir, à dissimuler, il diminue l’empreinte logistique et favorise la discrétion. Il en devient de fait beaucoup plus résilient que des engins plus lourds.
Disposer d’une force d’engins de petite taille armés et équipés pour la mission d’assaut serait une solution pratique, mais aussi économique. Moins dépendants d’une logistique complexe et coûteuse, les véhicules auraient moins de mal à emprunter les constructions du génie civil local. Plus mobiles, les véhicules seraient aussi plus facilement transportables par voie routière sur camion, même non spécialisé, mais aussi sur les voies ferrées ou aériennes.
Rapidement projetés sur la zone d’action, les véhicules se cacheraient en attendant l’action dans les bois, les maisons, les usines, etc. Puis leurs vitesses leur permettraient de projeter les forces rapidement sur le point ou la zone à attaquer par surprise. En collaboration avec les autres armes dont les drones en particulier, ils neutraliseraient rapidement les forces adverses puis retourneraient se cacher jusqu’à la prochaine action.
Il faudrait naturellement un véhicule transport de troupes avec au minimum une 12,7 mm. Mais aussi un véhicule d’appui feu direct, c’est-à-dire un petit char léger. Je le vois armé d’une tourelle téléopérée avec un canon de 90 mm (voir l’Alvis Scorpion à canon de 90 mm). Si la technologie le permet, éventuellement, ce canon serait du type CTA à chambre mobile tirant des munitions télescopiques. Mais il ne faut pas pénaliser la masse de l’engin. Qui doit rester faible. Le moteur serait à l’avant pour la protection, mais aussi pour faciliter le service. Il y aurait des coffres de rangement tout autour.
On peut aussi imaginer des engins du génie, avec pelle et godet. Le véhicule de déminage, le véhicule d’appui feu missile, le véhicule de défense sol air. Le véhicule de dépannage, de commandement, etc.
Petit, léger, facile à transporter, ce véhicule serait idéal pour l’armée française qui doit projeter ses forces toujours en dehors du territoire national. Certes, les véhicules ne seront pas « impressionnants », mais auront la capacité de pouvoir vraiment jouer un rôle sur le champ de bataille et de redonner de la mobilité aux forces.

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