Combattre avec un Char moyen

 

Regarder la moindre vidéo sur la guerre en Ukraine, c’est voir les chars les plus protégés exploser après une attaque de missiles, d’artillerie mais surtout de drones. Les chars modernes résistent, en théorie, aux agressions les plus terribles du champ de bataille comme les charges creuses tandem ou les munitions flèches de chars. Mais les modes d’attaque innovants annulent cette protection et rendent les chars modernes aussi sensibles aux attaques que les engins moins bien protégés. Cela a justifié le choix d’un char ayant une protection mieux répartie, mais surtout axée contre les attaques des roquettes antichars et des canons à tirs rapides.

En plus d’être sensibles aux nouvelles armes, les chars qui sont conçus pour le combat entre chars, en réalité, réalisent 98 % de leur mission à effectuer de l’appui feu.

Un autre facteur qui pèse sur les chars est leur mobilité stratégique et opérative. Déployer un char lourd est toujours un challenge logistique pour la projection et le soutien. A partir d’un certain tonnage, ce sont aussi les infrastructures de transports qui ne peuvent pas supporter ces engins. La difficulté de projeter à l’Est de l’Europe en est un exemple. Il y a aussi la géographie et le climat qui peuvent réduire cette mobilité.


Cela a justifié le retour des chars « légers » dans les arsenaux modernes. En Asie, le retour des chars légers est justifié par la géographie des zones d’engagement. Il y a des risques dans les zones de haute altitude de l’Himalaya entre la Chine, le Pakistan et l’Inde. Il y a des risques de combat en Corée, pays montagneux. Il y a aussi l’engagement possible autour d’îles dans la mer de Chine ou dans le Pacifique. Le char médium ou « léger » trouve dans ces terrains un espace de mobilité dont les chars lourds ne disposent pas.

Cela suffira t-il à assurer une capacité de combat dans un environnement ou même les engins les plus puissants restent des cibles ?

C’est ici que le char moyen a quelques atouts. Le premier est une taille plus réduite permettant de se dissimuler plus facilement. Un camouflage adapté réduit encore plus le risque d’être repéré.

En plus, sa taille lui permet de circuler sur les pistes de campagne inaccessibles aux autres chars de bataille.

Le mode de combat est, lui aussi, particulier. Ayant une fonction d’appui feu, le char peut effectuer des tirs indirects à distance de sécurité et changer rapidement de position de tir.


En cas de tir direct, c’est la vitesse de déplacement qui doit augmenter leurs chances de survie. La leçon de la guerre en Ukraine, c’est que plus le véhicule est lent, plus il risque d’être attaqué. La mobilité doit permettre d’aller rapidement sur la position de tir, d’effectuer un tir rapide et précis et de changer rapidement de position pour éviter une action de riposte de la part de l’adversaire.

La survie ensuite peut s’appuyer sur des protections passives, mais aussi actives légères qui, certes ne protègent pas de tout, mais sauvent au moins d’une destruction totale catastrophique.

Le char médium ensuite peut opérer là où l’ennemi ne disposera pas en priorité d’armes antichars. Je pense en particulier à la jungle où le combat est le plus souvent entre fantassins.

La zone urbaine n’est pas une zone favorable au char mais avoir un engin plus petit permet de retrouver une mobilité dans les espaces étroits.

L’aspect où il y a une grande différence, c’est celle du soutien. Plus léger, le véhicule consomme moins et nécessite moins d’équipements spécialisés pour son entretien. Il peut partager les moyens employés pour les autres véhicules médium.

Loin de représenter l’idéal, le char médium a la même carte à jouer que les chars de bataille lourds. Un des avantages est également le prix. Plus le véhicule est léger et moins il est coûteux. Le char léger ou médium est donc une solution intéressante lorsque les budgets sont contraints. Le champ de bataille moderne, de toute manière, n’offre plus des conditions favorables pour une survie acceptable des engins de combat. Il est ainsi logique de ne plus exiger le meilleur du meilleur pour les chars de combat et de pouvoir reporter ses efforts sur un engin plus « léger » et financièrement plus équilibré entre le coût et l’efficacité.

C’est le constat de l’emploi des AMX10RCR engagés en Ukraine. Si les Ukrainiens se sont d’abord plaint des performances du char léger, en particulier en raison d’un emploi inadéquate comme char d’assaut, ils ont ensuite changé leur manière de l’employer en privilégiant le tir d’appui à distance, ce qui a modifié leur vision du véhicule. Enfin correctement employé, le char offre des possibilités par sa vitesse et la précision de ses armements. L’engin donne donc satisfaction alors qu’il ne pèse que 18t soit loin des 62t des M1 et autre Léopard 2 et Challenger. De plus, le taux de perte de l’AMX10RCR est inférieur à celui du M1 ou du Léopard2. La première raison est le refus de l’engager au contact direct et la seconde raison est sa plus grande mobilité en marche avant comme en marche arrière. Seul bémol pour les Ukrainiens, les roues à leurs yeux offrent moins de mobilité que la chenille sur leur terrain gras.

Ce constat montre à la fois le bien fondé de la conception de nos véhicules mais aussi qu’un véhicule moins bien protégé peut survivre dans un environnement très hostile.

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