Un Plan B pour le MGCS

 

Les industries européennes se mettent en ordre de marche pour se positionner sur le gigantesque marché du renouvellement du char. Les chars actuels sont tous des produits de la Guerre froide modernisée qu’il faut aujourd’hui remplacer, pas seulement en Europe, mais aussi au Moyen-Orient et en Asie. La politique française ne voyant que l’investissement européen (par opposition à l’investissement uniquement français) comme solution s’est lancée dans le cul-de-sac que sont devenus le MGCS et le SCAF.

Les Allemands ont pourtant montré leur degré d’adhésion à ces deux programmes. Ils semblent y voir surtout un moyen de saper le dernier secteur concurrentiel qu’est le marché de l’armement français. Le président français actuel, dont les décisions pourraient faire douter de son attachement à la France, a fixé un objectif auquel, pour l’instant, fait (partiellement) obstacle le président de Dassault. Tout le monde attend, en fait, l’année 2025 pour faire le point exact des programmes.

Si, dans le domaine de l’aviation, Dassault se prépare au Rafale F5, avion de transition en attendant celui du futur(ou pas), dans le domaine du blindés, il n’y a que le Leclerc, évolution certes très intéressante. Mais est-il vraiment la seule solution imaginable ?

La révolution technologique.

Comme déjà mentionné dans des articles précédents, la guerre en Ukraine a précipité le développement de nouvelles technologies dont la plus innovatrices est la tourelle télé-opérée non intrusive de KNDS. Si l’on reprend les retours d’expérience du conflit en cours, on constate que 98 % des missions sont des missions d’appui et que les chars sont détruits à 80 % par des drones, à 65 % par l’artillerie, à moins de 20 % par des missiles et seulement 2 à 5 % en combat de chars selon les périodes et les moyens engagés. De plus, il s’avère que la distance moyenne d’engagement ne dépasse pas 1000 m (souvent moins de 100m).

On peut en tirer les leçons suivantes. La première est qu’il n’est pas nécessaire de réduire la fonction du char à la fonction antichar. Il n’est également pas nécessaire de tirer en direct à longue distance, et il faut en priorité des obus explosifs ou polyvalents plutôt que des munitions flèches.

Pour augmenter la protection face aux menaces, il faut pouvoir augmenter la discrétion pour réduire la réaction de l’adversaire. Cela passe par le camouflage visuel obtenu par la réduction de la taille et du volume sonore de l’engin. Puis, la réduction de la durée d’exposition doit être obtenue par un fort rapport poids puissance. Comme on le voit en Ukraine, le camouflage et la haute mobilité ont permis à un certain nombre de véhicules de s’abstraire de la menace.

Conséquence

Ainsi, le futur char serait un char qui prend en compte les innovations de KNDS sur la tourelle télé- opérée non intrusive, mais celle-ci ne portera qu’un canon de 120mm 44 calibres. Il faut prévoir un nombre d’obus dans le chargement automatique limité à 16 obus. Le moteur peut être hybride mais ne dois pas être trop complexe. Les suspensions doivent être oléopneumatiques et cette suspension pourrait être réglable, permettant d’augmenter l’angle de tir en tir indirect.

L’avantage de cette formule est de mettre l’équipage dans l’endroit le plus protégé, c’est-à-dire sous la tourelle. De plus, le blindage de flanc de châssis pourrait être augmenté puisqu’il n’y aurait plus de puits de tourelle. Le moteur pourrait aussi être avancé, ce qui réduirait la longueur globale du char.

Une suspension réglable permettrait de réduire la hauteur du véhicule. D’autre part, le moteur hybride et la tourelle télé-opérée réduirait la longueur et la largeur du véhicule, donc également la masse globale du véhicule.

L’autre innovation est dans le choix d’un équipage à deux membres. La capacité de l’optronique cumulé à l’intelligence artificielle aiderait l’opérateur dans le ciblage de l’objectif. Il serait donc possible de réduire la durée de la séquence de tir. Le chargement automatique moderne pourrait se faire en 3 secondes, ce qui raccourcirait la séquence de tir. Il n’y aurait plus obligation pour la visée d’avoir un opérateur dédié.

De plus, le combat antichar étant très limité, il n’est pas nécessaire d’avoir une observation cumulée comme sur un char actuel (mode hunter killer). Le char se limitant à une action d’appui feu, l’équipage à deux membres ne pose pas problème. De plus, le réseau d’information peut indiquer la présence de menace avec autant de précision que si le véhicule avait cherché tout seul.

La fusion de données sur les moyens de vision de l’équipage doit permettre de suivre à la fois la situation sur le terrain et les informations venant de la NEB (numérisation de l’espace de bataille).

L’autre innovation majeure viendrait du choix industriel du véhicule. Reprenant la logique de l’industrie automobile, il serait intéressant de produire un véhicule en réduisant le nombre de pièces. L’emploi du double numérique devrait permettre de réduire le temps de conception. Les imprimantes 3D devraient accélérer la production et réduire les prix. Il faut aussi réduire le câblage du véhicule par l’adoption d’un nouveau réseaux multifonctions unique permettant tant la fourniture d’énergie que l’envoi d’informations ou de commandes.

Plus petit, plus léger, moins cher, plus facile à réparer et à produire, le char intermédiaire pourrait être le pendant terrestre du Rafale F5. Il serait intéressant d’examiner cette solution surtout au vu des risques qui se propagent aujourd’hui.

Le véhicule doit opérer intégré à un système d’armes complet comprenant, outre le char de combat, un véhicule de dépannage et de génie, un véhicule poseur de pont, d’artillerie, de défense sol air. Il serait intéressant d’employer ses composants pour un VCI.

La France doit réévaluer sa boussole stratégique l’année prochaine. Plusieurs programmes majeurs seront peut-être annulés ou modifiés. Proposer de nouvelles opportunités est indispensable.


Commentaires

  1. Le problème principal du MGCS est que la temporalité n'est pas la même. Les francais ont besoin d'un remplaçant du Leclerc à court terme (10-20 ans), les allemands n'ont pas cette priorité. Le leopard 2A8 engrange les commandes, surtout depuis l'agression russe en ukraine (Rheinmetall va d'ailleurs nommer putler comme VRP of the year :)
    Allemagne (105 pour équiper sa brigade qui sera stationnée dans les pays baltes), Tchéquie (80), Pays bas (45, le rapport de l'otan sur leur faiblesse les as fait accélérer drastiquement), Lituanie, et hier Croatie (50). Et cela n'est pas fini, comme le dit l'article, a peu près tout le monde devra remplacer ses chars. Mais vu les commandes du 2A8 qui s'amoncellent, les allemands ont le temps de voir venir. Pas les français, qui doivent hâter le remplacement du Leclerc cause absence de fabrication.
    EN attendant un futur MGCS hypothétique dans un avenir incertain, que doit on faire ?
    - moderniser encore et toujours le leclerc ? Bof, et cela ne règlera pas le pb du non remplacement, la dotation de 200 leclerc baissera inévitablement
    - acheter sur étagère ce qui est disponible (2A8, Abrams ou autre) ? Ce serait la solution la plus simple, mais par esprit cocardier, les français s'y refusent, rêvant toujours d'une bitd indépendante capable ce concevoir des chars (alors qu'on est dépassé sur ce domaine)
    - Prendre ce qui est en développement et qui devrait marcher ? Je pense à l'embt (ou au kf51). D'après le ministère des armées, l'option embt doit être considérée (réponse à une question de l'assemblée en octobre 2023). Au moins, avec l'embt, knds sera au commande, donc nexter

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    1. bonjour, vous avez raison, je suis d'accord avec juste un point que je comprend qui est souvent trompeur. Celle de croire que la France n'est pas capable de produire un char. En fait, Il y a toujours un savoir faire français sur les engins chenilles. On peut pratiquement tout produire en France (mais les entreprises ont été pour certaines achetés par des groupes étrangers comme la SESM acheté par RENK) . Les motoristes aussi existes toujours et pratiquement toute les pièces peuvent être fabriqué dans le pays. Le Problème c'est l'investissement initiale. Comme un avion de chasse, il faut payer beaucoup au départ et ce n'est rentable qu'a partir d'un certains nombre d'appareils produit. Pour faire claire, sans commande minimum, construire un char n'est pas rentable. D'où l'intérêt de trouver des coopérations et la France peut trouver de très bon débouché. L'Inde cherche a remplacer 2400 chars, il y a l'Egypte qui voudrait remplacer une partie de parc blindé. Il y a la modernisation au EAU. L'Arabie Saoudite veut elle aussi remplacer ses M1 peut convainquant au Yémen.
      Pour l'Allemagne, les industrielles veulent se débarrasser de nous. Ils déclarent que le partenariat avec les français est toujours très compliqué. Il préfère travailler avec les anglais (Challenger 3 et Ajax sont en partie des coopérations entre Rheinmetall et BAE Systems Land).
      Je pense donc que le MGCS est sur la sellette et que nous allons vivre peut être des surprises en 2025.

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    2. Bonjour
      Oui la france peut sans doute fabriquer un char, sauf qu'il y a de fortes chances qu'il soit invendable. Voir le Leclerc, qui était supérieur au leopard allemand lors de sa sortie mais qui n'a jamais été vendu à l'export car le marché était déjà saturé par les léopard (le seul pays a qui on a pu en vendre sont les EAU, mais avec une motorisation allemande (celle du leopard) ! La seule confrontation que j'ai à l'esprit entre leclerc et leopard a été le qatar, choix final le leopard.
      Oui, il y aurait peut être un marché potentiel, mais je vois quand même peu de chances qu'un futur cha

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    3. suite de mon message, qui a été tronqué :(

      Oui, il y aurait peut être un marché potentiel, mais je vois quand même peu de chances qu'un futur char francais qui n'existe pas et qui mettra des années à être construit puisse s'imposer !
      D'ici là, le leopard 2a8, l'abrams SepV3 voire le coréen K2 qui a l'avantage de pouvoir livrer rapidement auront déjà pris les marchés. La seule lueur d'espoir serait l'inde, qui après les déboires passés et le retex ukrainien a quand même peu de chances de racheter du matériel russe !
      Concernant votre dernière phrase, je pense que les allemands ont raison, les partenariats avec les francais sont toujours compliqués ! Ne serait ce que parce que les décisions en france sont politiques, changeantes avec l'air du temps et que l'on est toujours persuadés d'être les plus intelligents de la terre

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