J’ai beaucoup écrit sur des solutions possibles pour un char de combat. Un rapide panorama passe du char de 30 tonnes, un Merkava à la française, un T14 à la française, le programme SCPF (système de combat principal futur), un char, un char consommable, un char aérolargable, un char lanceur de drones etc.
J’ai aussi exposé une solution de renouvellement du char Leclerc avec une évolution dans le programme en 3 phases avec un mixte Leclerc/EMBT (quelque mois plus tard KNDS présentait le Leclerc Evolution).
Mais les événements se précipitent dans le monde. La Guerre en Ukraine est en train de tourner à l’avantage des Russes, le massacre du 7 octobre 2023 a déclenché une suite d’événements qui est en train d’enflammer le Moyen Orient. Les gesticulations en Mer de Chine et en Corée du Nord font craindre un risque d’embrasement.
Le désir d’un grand nombre de pays de rejoindre les BRICS pointe la division du monde selon des critères nouveaux desquels les occidentaux sont en train d’être exclus. Les nations de ce nouveau monde sont davantage prêts à accepter la confrontation avec l’occident. Les perspectives d’affrontement se font de plus en plus pressantes.
Dans l’article « un plan B à la place du MGCS », est évoqué un char moyen reprenant l’architecture du MGCS version canon, mais celui-ci n’est que de 120 mm au lieu du 140 mm du programme. L’abandon du système avec plateforme robot est aussi une des évolutions à adopter. Loin de ne pas croire au robot, la technologie actuelle, pour l’instant, ne propose pas de solution qui soit suffisamment maîtrisée pour rentrer en service à cour thermes.
La formule Leclerc est, elle, à bout de souffle. Cela est principalement dû au manque d’investissement pour une rénovation vraiment innovante à l’image des autres MBT occidentaux. La rénovation est minime et n’apporte pas de grande nouveauté. Le Leclerc rénové laisse peu de marge de manœuvre avant que le déclassement de l’engin.
En effet, faire un bond technologique aussi important que le MGCS qui rentrerait en service en 2040 implique que nous soyons désarmés, ou du moins bien moins équipés que prévu, pour un conflit de haute intensité aujourd’hui. C’est en cela que le plan « B » est une solution, certes moins novatrice, mais plus atteignable à cour terme. Elle offre la possibilité d’avoir les chaînes d’assemblage en production sur une période où le danger de conflit est le plus fort. Il sera alors possible de commander et produire plus de véhicules si une menace claire se fait jour.
L’autre avantage est d’accélérer la réforme vers une armée médium à l’image de la 1er armée de la Guerre froide. Plus apte à se projeter, le nouveau char offre une meilleure mobilité opérative à nos armées. Plus léger, il consomme moins de carburant et il ne nécessite pas de modifier de manière importante les infrastructures des pays de passage (voir les problèmes américains ou français avec les portes-chars en Allemagne..)
La réforme prend en compte aussi la nécessité de renforcer la solidité de notre armée. Échantillonnaires, nos forces disposent de tout, mais pas en quantité suffisante. Les forces françaises, dans leur majorité, restent légères et tournées vers la guerre en Afrique contre des adversaires asymétriques. La nouvelle génération d’engins SCORPION est d’ailleurs tournée dans ce sens.
Durcir les capacités attritionnelles doit permettre de disposer d’un outil tactique plus efficace à même de combattre dans un milieu fortement contesté.
Doctrine d’emploi nouvelle
Loin de la doctrine actuelle basée, pour le char, sur la manœuvre et le feu antichar, la nouvelle doctrine privilégiera l’appui au combat. Le char ne peut plus offrir à lui seul les solution de la victoire tactique. Le char appartenant à un ensemble n’est plus non plus le tueur de char à même de faire basculer la situation par sa seule présence. La guerre des drones a créé un espace de manœuvre contesté à l’emploi de ces tactiques et qui engendre une forte attrition pour les chars.
Le char futur perd sa fonction antichar au profit de l’artillerie, des drones et du missile. Il reste pourtant sur le champ de bataille pour neutraliser l’ennemi à courte, voire très courte distance (0 à 1000m). Dans cette zone, il opère, non plus en masse, mais par petites équipes de deux chars (voire seul) qui collaborent avec un groupe de combat d’infanterie ou du génie pour une mission ponctuelle. La chevauchée est, en effet, caduque. L’ennemi moderne est capable de rapidement déplacer des moyens et des troupes par terre ou air (à l’exemple des VDV et des hélicoptères russes à Koursk), couplant leurs actions avec de nouvelles unités de drones particulièrement efficaces (80 % des pertes de chars actuellement pour les Russes en Ukraine).
La guerre redevient une guerre d’attrition pour tous dont le vainqueur est celui qui sera capable de neutraliser le plus de moyens chez l’adversaire, tout en maîtrisant ses pertes et sa force morale.
Le char, quant à lui, n’a plus d’espoir de survivre sans être touché. Il faut accepter sa possible neutralisation, d’où l’importance de limiter sa complexité pour simplifier sa production et sa réparation. Il faut par contre, autant que possible, sauver l’équipage qui est le bien le plus précieux. L’expérience acquise est plus bénéfique pour les opérations que la capacité technologique.
C’est en cela que la formule de tourelle télé opérée non intrusive est un plus. Elle augmente techniquement les chances de survie de l’équipage. Limité à deux personnels, l’équipage n’est certes pas le plus pratique pour le combat tournoyant et la maintenance mais il permet de limiter le nombre de victimes en cas d’échec de la protection. Cette limitation est justifié par la séquence de tir simplifié et automatisé couplé une grande cadence de tir.
L’appui feu est la première mission des chars. Les régiments de l’AS (artillerie spéciale) avait pour symbole la salamandre (l’animal fétiche de François1er), avec pour devise d’éteindre le feu chez nous et d’allumer le feu chez l’ennemi. Le char peut faire basculer une situation compliquée pour des troupes en une intervention. Cette vérité est restée la même encore aujourd’hui en Ukraine. La capacité de mettre le feu chez l’ennemi est plus complexe, mais il n’y a pas d’assaut réussi sans l’aide d’un char pour neutraliser des défenseurs motivés. La puissance de l’obus pénètre tout type de fortification de campagne. L’obus, de plus, ne se signale pas à l’adversaire comme les tirs d’artillerie. Au contraire, le tir surprend a chaque fois.
L’importance de la mobilité tactique sur chenille se justifie par la facilité d’un châssis chenillé à recevoir du blindage supplémentaire sans que tout le train de roulement ou de transmission soit à remplacer. Le « hit and go » sera le savoir-faire de base du tankiste. Il devra aussi rester mobile pour ne pas recevoir des frappes de représailles. Il faut alors changer de position régulièrement, chercher des positions à l’abri des vues et des coups de l’ennemi, toujours penser à se camoufler, à utiliser le terrain pour se déplacer etc. L’art du déplacement, qui était la force de nos équipages d’ AMX30, doit être réappris. La petite taille de l’engin est alors un atout.
D’ailleurs, ce n’est pas seulement sur le champ de bataille qu’il faut craindre des frappes mais maintenant dans toute la profondeur du front. Se concentrer avant l’attaque ou s’installer de manière apparente dans les bâtiments est à proscrire. Cela change donc l’organisation des ravitaillements, de la chaîne de récupération et de réparation des véhicules. Le niveau de camouflage doit être renforcé.
C’est en cela que le moteur hybride apporte un plus. Il permettra à l’équipage à l’arrêt d’observer sans avoir besoin d’allumer le moteur, augmentant sa discrétion. Plus petit et plus léger, la consommation globale baisse aussi limitant les norias de ravitaillement dangereux. L’emploi de munitions plus compactes (obus télescopique à l’image de l’obus de 140 mm ASCALON) permettrait de rendre le char, lui aussi, moins sensible aux impacts, mais aussi de faciliter le ravitaillement.
La mission va, elle aussi, changer. Aujourd’hui, elle est phasé en 3 temps. Dans les missions offensifs, on travail sur une action dans la profondeur. Mais la réalité de la guerre et des destructions oblige à prévoir une mission plus simple et plus brève. L’action principale étant une réussite si le véhicule arrive a effectué une partie de la mission ou que le véhicule ne soit pas endommagé ou détruit.
La guerre entre états revient à grand pas. L’armée française n’est, pour l’heure, pas à niveau, mais elle peut le devenir. La réponse viendra d’investissements et de réponses technologiques couplées à une réforme doctrinale. Le temps nous est compté et il ne semble pas que, pour l‘instant, en France, l’on ait pris le problème à bras le corps. L’avantage géographique de la France la mets hors de portée, provisoirement peut-être, d’attaques directes. Mais les compétiteurs d’aujourd’hui risquent fort de devenir les ennemis de demain et il faut donc être en mesure de leur faire face.
Je suis totalement d’accord avec presque tout ce qui est écrit dans cet article, et le précédent « Un Plan B pour le MGCS » .
RépondreSupprimer… « Plus petit, plus léger, moins cher, plus facile à réparer et à produire ».. .
Alors allons au bout du raisonnement.
Je propose de ressusciter les « Sturmgeschütz », chars sans tourelle : plus simple, plus facile à fabriquer, moins de pièces en général et de pièces mobiles (rotation d'une lourde tourelle). Ces engins avaient faits leurs preuves.
Puis sont tombés en désuétude.
Equipement spécifique du Sturm moderne ( je fais court par manque de place)
• poids : chenillé de 35 tonnes environ.
• Canon 105 long type AMX10RC, ou 120 x 44 cal
• une tourelle ARX 30 Nexter avec capacité UAV (obligatoire)
• Une protection soft kill, avec écran de leurres/fumée également AU DESSUS, comme le nouveau système Lacroix. (obligatoire)
• Une protection hard kill (ATGM, RPG) sauf pour les flèches de char, cher (obligatoire)
• Plus un panier de 4 à 6 roquettes de 68/70 mm guidées, couplé à une 7,62.
• Plus 1 ou 2 MMP, comme sur le jaguar.
A propos du canon : Les Sturmgeschütz pointaient avec toute la masse du véhicule : Les « Sturm » n’avaient qu’un mouvement en site possible, pas en latéral (ou extrêmement faible).
Pour réduire cet inconvénient il faudrait créer un léger débattement latéral au moyen d’une « rotule ». D’après mes calculs un débattement de 10 à 15° de chaque coté de l’axe suffirait à un usage fluide à 1000 ou 1500 mètres.
Ces chars seraient les compléments de tout char classique.
Coût : il faudrait pouvoir s’en payer 4 pour le prix d’un char lourd.
Ces véhicules pourraient se parer des 4 qualités qui font le succès du CAESAR : efficacité, fiabilité, rusticité et prix compétitif.
Les Sturm 2.0 pourraient rendre de grands services en termes de massification. Ont pourrait en tirer une version pour le VCI chenillé tant souhaité ( mais pas que)
Et pensons à l’export.
bonjour, j'ai aussi pensé a ce genre de solution. Le problème de cette formule pour moi est que le déplacement des véhicules en tout terrain est beaucoup plus rapide que pendant la seconde guerre mondiale ce qui fait qu'il est plus difficile de viser avec un armement en châssis. Cela est particulièrement vrai pour un combat a courte (voir très courte) distance. Je vois que vous prenez ça en compte (du moins partiellement) avec l'adjonction de missiles MMP. Le missile n'est malheureusement pas adapté pour un tir courte distance (moins de 300m) .
SupprimerJe reste donc sur ma position pour une tourelle télé opéré qui corrige se problème. Cela reste plus chers mais reste mieux adapté.
Bonjour Armbrust,
SupprimerSi je comprends bien votre réponse, c’est que faire pivoter tout le char pour pointer en cas de rencontre à courte distance désavantage le « Sturmgeshütz », sans tourelle.
A mon avis, ça se discute.
1_En cas de surprise à courte distance, si la tourelle d’un char n’est pas déjà bien orientée, eh bien il faut lui aussi qu’il s’oriente vers la menace. Et une tourelle qui peut peser 20 à 25 tonnes, ça ne pivote pas si vite que ça. Faire déjà un quart de tour, ça prend une assez grosse poignée de secondes. Il y a des vidéos de ça. D’un autre coté, un char qui vire sur lui -même de toute sa masse (comme devrait faire le Sturm), propulsé par un gros moteur, tourne vite. Il y a des aussi des vidéos et parfois des démos de mobilité à Satory. Donc je ne suis pas certain que le « Sturmgeschtuz » soit désavantagé en termes de vitesse de rotation / pointage. Ce serait assez facile à verifier par simulation.
2_ Ensuite, le véhicule n’est pas tout seul dans la pampa. Il y a d’autres yeux, drones, autres véhicules, qui le préviendraient de l’état des alentours.
3_ J’ai pris en compte ce souci de tir en urgence surtout avec la suggestion de la rotule et de l’angle de débattement. Dès lors plus besoin de pointer précisement avec toute la masse du blindé . Si on retient 15° d’angle de chaque coté du véhicule comme je le propose, ça fait une belle fenêtre ou il faut juste bouger le canon.
4_ Après il y a la doctrine. Comment va-t-on employer le Sturm ? Accompagnement de VCI ? Accompagnement de Leclercs ? Trinomes 1 Leclerc et 2 Sturm ? ou l’inverse. ? Support lourd de Jaguar ? Car je vois un engin très rapide, avec un gros moteur à 30ch/t. Il n’est pas seul.
5_L’idée directrice à ne pas oublier , c’est simple, rustique, facile à réparer et j’ajoute sûr pour l’équipage.
Cela engendrerait surement quelques choix épineux
bonjour . je confirme que la tourelle tourne plus vite. j'ai été en char Leclerc, la tourelle va très vite (on suit un hélicoptère) . De plus vous avez raison, il y a d'autres amis dans le secteur mais le combat de rencontre justement c'est le cas ou comme le nom l'indique il "rencontre" par surprise un adversaire. Je ne parle pas d'un déplacement tactique ou le châssis en cas de réaction doit s'exposer si l'ennemi vient de flanc. Les seuls qui ont eu après guerre l'idée d'employer cette formule, ce sont les suédois. Ils le justifiaient en raison de leurs terrains cloisonnés par les bois et les rivières favorisant l'arrêt sur des axes . Pour la rotation sur chenille, ça aussi un autre désavantage, c'est une consommation excessive. imaginer une rencontre au petit matin moteur froid. c'est une solution esthétiquement sympathique mais peu pratique. Désolé.
Supprimernb: il y a eu l'Allemagne et les russes qui a eu après guerre un chasseur de char en casemate mais la formule n'est pas resté en particulier en raison de l'augmentation du calibre.
Bonjour Armbrust,
SupprimerHeureux homme, je ne suis jamais monté dans un Leclerc, un peu d’EBR, et quelques tours de chenilles sur un AMX 30, il y a longtemps, en Allemagne.
Je vous concède bien volontiers le « Sturm » n’est pas fait pour le combat de « rencontre ».
Non. Pour revenir au début de l’idée, c’est un blindé d’APPUI, dans une optique ukrainienne.
Et dans ce rôle uniquement.
Et rustique , facile à produire etc …
En Ukraine, quasi pas de combats de chars. Des pertes de blindés causées à 80% par l’artillerie (dixit monsieur Chassillan dans un interview du mois de septembre), les 20% restants ce sont les drones , les atgm , les roquettes.
Dans ce rôle, je pense qu’un ce des engins, bien pensé, peut avoir sa place.
Surement pas en France, ou l’équation budgétaire n’est pas favorable, et où ce materiel ne sera pas considéré sérieusement.
Mais à l’export ?