Concept de char aérolargable

 


Depuis le début de la mécanisation et de l’emploi de l’aviation, les chefs militaires de tous pays ont imaginé pouvoir transporter leurs armées par air pour passer les obstacles naturels ou de défense et ainsi gagner plus rapidement les guerres. La réalité a été bien décevante. Dans un premier temps, les avions et les chars n’étaient pas adaptés à la mission. Puis la technologie s’améliorant pendant la Seconde guerre mondiale, des chars purent être transportés par avion ou planeur mais leur efficacité, en raison de leur masse, était limitée.

Après guerre, les avions purent transporter des engins toujours plus lourds mais aujourd’hui, la question de la capacité d’un groupe aérien de transport à traverser les défenses sol-air se pose. La survie de appareil lent et peu agile est limitée si les défenses ne sont pas détruites.

Pourtant, il existe toujours un avantage à pouvoir déplacer des forces par air : celui de la vitesse. Une force peut ainsi, soit réagir, soit surprendre par une manœuvre osée et changer le cour d’une opération ou d’une guerre.


Les opérations les plus connues sont celle des parachutistes grecs à Chypre, celle de la Légion à Kolwezi, ou l’Opération Amherst en Hollande. L’idée est, à chaque fois, de surprendre l’adversaire par la vitesse et l’audace pour le déstabiliser. La vitesse de l’exécution de la manœuvre a été le premier élément de surprise.


Aujourd’hui, la vitesse de réaction peut être un facteur de déstabilisation de l’adversaire. On le voit dans l’offensive menée par la Russie en Ukraine : les actions rapides qui prennent de vitesse les défenseurs sont le meilleur moyen d’obtenir un succès. Il en irait de même en défense si des forces de parachutistes étaient capables de réagir et de, soit ralentir, soit carrément arrêter une action surprenante de l’ennemi.


Pour cela, il faudrait non seulement des forces d’infanterie, mais aussi des moyens mobiles en mesure de livrer des feux. Pour les forces parachutistes, on se contente aujourd’hui de fardiers porte-missile ou porte-mortier. Mais il serait intéressant de compléter ces moyens par un moyen feu mobile et protéger en clair un char léger.

La France, dans l’immédiat de l’après-guerre, avait conçu l’AMX13 pour cette fonction, mais il n’y a pas eu d’avion pour le transporter. Puis on s’est reporté sur d’autres véhicules comme l’AML90 puis l’ERC90 Sagaie. Aujourd’hui, le retour d’expérience d’Afghanistan principalement a clairement montré que ces véhicules n’ont aucune chance de survie dans les circonstances actuelles. L’armement est en plus inadapté aux nouvelles protections montées sur char. C’est d’ailleurs pour cela que c’est le Jaguar qui a remplacé la Sagaie.

Cependant, le Jaguar a une masse de l’ordre de 24 tonnes et il n’est adapté qu’au transport par A400M. De plus, il n’a jamais été conçu pour être largué de quelconque manière d’un avion. Cela veut dire que l’on doit disposer d’une piste pour le débarquer. Enfin, son soutien demande, comme le Serval, plus de carburant que ses prédécesseurs.


Serait-il possible aujourd’hui d’imaginer un véhicule léger mais correctement protégé, qui aurait la capacité de détruire un char lourd et qui soit possiblement aérolargable ? Les Américains avaient ce type de véhicule : le M551 Sheridan. Le véhicule était léger et pouvait être embarqué par C130 Hercules . Il pouvait en plus être aérolargué, ce qui permettait, soit d’envoyer des renforts, soit d’effectuer des raids dans les arrières ennemis. La réalité pour le Sheridan fut moins glorieuse puisque ses qualités techniques le cantonnèrent à un rôle de cavalerie légère et il ne fut pas remplacé dans les forces aéroportées.


Pour définir le véhicule, il faudrait qu’il soit suffisamment léger pour qu’un A400M puisse en transporter trois. Il devrait pouvoir être aérolargable et se battre immédiatement. Il faudrait qu’il soit très mobile pour être une cible furtive. Il devrait disposer de la protection la mieux adaptée contre les armes antichars portables. Il devrait disposer d’un armement suffisamment puissant et polyvalent pour neutraliser un char lourd moderne.


Un engin de petite taille (à peine plus grand qu’un ERC90 Sagaie) pourrait faire l’affaire. Il serait à chenille pour deux raisons. La première raison est le gain de masse. En effet, les véhicules à roue à protection égale sont plus lourds et plus encombrants (voir le Wiesel allemand). La seconde est que le conflit ukrainien rappelle que les conditions climatiques comme le terrain peuvent limiter la mobilité.

Ce petit engin pourrait être équipée d’une tourelle téléopérée non intrusive à armement monté sur deux axes (programmes KNDS). Cette tourelle permettrait de réduire la taille du véhicule, d’alléger la protection en augmentant la protection de l’équipage.

L’absence de puits de tourelle permettrait de réduire la largeur du véhicule. L’espace gagné pourrait aussi être consacré à une protection complémentaire sous la forme d’un caisson léger anti charge creuse, principalement à la hauteur de l’équipage.

L’équipage serait donc sous la tourelle. Cet équipage serait réduit à deux hommes installés l’un derrière l’autre, le pilote devant et le chef/tireur à l’arrière.

Le véhicule s’intégrerait à un réseau qui aiderait à coordonner les feux. L’équipage aurait une mission offensive limitée mais serait plutôt employé en défensive. 

              

L’armement doit rester léger mais puissant. La mise en place d’un canon traditionnel sur un tel véhicule est impossible. L’armement serait un canon/ lance-missile du même type que l’ACRA (Anti-Char Rapide Autopropulsé) avec une munition hyper véloce (qui pourrait allez à 2500m/s, voire plus) et qui serait capable de détruire n’importe quel char.


Différents types de charges pourraient être employés. Il y a le barreau de type flèche, la charge creuse, voire la charge explosive. Toutes ces munitions seraient guidées, ce qui assurerait un grand pourcentage de coups au but.

Le couple arme-munition permettrait de détruire des véhicules au sol comme les aéronefs lents.

Le canon aurait un diamètre de 120 ou 140mm et pourrait aussi tirer des munitions classiques comme des obus explosifs à faible pression (comme le Shéridan d’ailleurs). Il aurait, de toute manière, un nombre limité d’obus dans un chargement automatique en nuque de tourelle (12 à 14 munitions).

Le véhicule devrait intégrer plus de mécanique et d’électronique fiables que les autres véhicules en raison du fait qu’il ne pourrait pas disposer d’un soutien technique immédiat.


Scenarii d’emploi


On peut imaginer plusieurs scenarii d’emploi dont voici trois exemples :


Scenario n°1 : la Russie envahit les Pays Baltes. En même temps, elle arrive à couper la route terrestre du corridor de Suwalki, isolant les Pays Baltes de tout renfort.

Réaction française : envoi par air d’un bataillon parachutiste motorisé avec chars légers. Le choix est fait de parachuter ces forces en raison de frappes sur les aéroports. Les forces se projettent vers l’avant sur des véhicules fardiers, motos, quads et chars légers.

Arrivées dans la zone de contact, les unités de tête lancent des drones pour se renseigner sur les forces ennemies en face d’elles. Une fois ces forces identifiées, les premières frappes de drones kamikazes ajustent les véhicules ENI. Les chars légers, informés des axes de progression de l’ENI, se mettent en position pour tendre des embuscades.

Informés par drones, les chars exécutent des tirs à distance sur les chars lourds ennemis avec les missiles hyper véloces. Cumulant leurs actions entre les mortiers, les missiles MMP, des FPV, les chars, après chaque tir, changent de position pour éviter les tirs de riposte.

Les unités du génie mettent en place par drones des bouchons de mines sur les pistes dans les bois.

Une unité en défense demande alors un appui pour repousser des forces attaquantes. Une patrouille de chars fait un bond en direction du point de défense et effectue une attaque avec des obus explosifs et charges creuses. La patrouille de chars détruit un groupe de combat et un véhicule de transport. Des hélicoptères ENI lancent une riposte pour rétablir la situation. Un char en appui exécute alors un tir et abat un des hélicoptères. La précision de la munition et la vitesse de celle-ci permettent de détruire avec une grande précision. Attaquées de toute part, les forces ENI sont obligées de s’arrêter et de se réorganiser, laissant le temps au défenseurs de se renforcer.


Scenario n°2 : Les Turcs effectuent des manœuvres près des îles grecques en mer Égée. Une cyber infiltration renseigne sur une volonté beaucoup plus agressive des Turcs. La France décide immédiatement d’envoyer par air un bataillon interarmes parachutistes en alerte. Les Français, en coordination avec les Grecs, décident, eux aussi, d’un exercice pour justifier le déploiement. Les forces sont larguées par avion sur plusieurs îles pour couvrir le plus large secteur possible.

Les Turcs, malgré la présence française, lance une opération de conquête des îles qu’ils revendiquent. L’offensive débute par une attaque de drones couverts par un brouillage électromagnétique. Les forces françaises se déploient rapidement au début de l’alerte. L’importance du savoir-faire en camouflage doit permettre de limiter l’efficacité des frappes de drones. La défense sol/air mistral abat trois drones TB2. Les forces d’assaut turques s’approchent de la côte. C’est le moment que choisissent les chars pour intervenir. Se portant rapidement au niveau de la côte, les chars ouvrent le feu sur une corvette. Un tir précis sur la tourelle, puis sur la passerelle, oblige le navire à quitter la zone d’engagement. Un hélicoptère turc lance alors une attaque mais il est immédiatement abattu d’un tir de char. L’action coordonnée des mortiers, des MMP et des chars neutralisent du coup la tentative de débarquement.


Scenario n°3 : Au Yemen, les Houthis organisent une guerilla navale qui bloque le détroit de Bab-el-Mandeb. Les conséquences économiques pour la France et l’Europe sont catastrophiques. La France décide d’organiser un raid visant à détruire les installations portuaires et les postes missiles au Yemen. Le choix se porte sur des raids combinés. Une force doit débarquer sur une plage non surveillée en vue de déployer une colonne blindée qui ira effectuer une attaque sur une des postions de missiles sol/mer. Un bataillon est largué dans les arrières avec des chars pour neutraliser, après un déplacement, les défenses sol/air. Puis les deux forces s’uniront pour attaquer le ports d’où partent les navires pirates.

L’opération commence par un débarquement d’un commando marine sur une plage. Il identifie la qualité de plage en vue d’un débarquement. Un raid aérien est effectué pour neutraliser une partie des défenses sol-air qui couvrent un axe d’infiltration pour les forces aériennes de transport. Les avions volent à base altitude pour ne pas être détectés, puis larguent les parachutistes et leurs véhicules. Une fois au sol, les forces se déplacent vers la zone où l’on a identifié les positions des missiles sol-air. Les mortiers de 120mm effectuent des tirs sur l’emplacement supposé des missiles. Pour empêcher les forces ennemies de réagir, les chars tendent des embuscades et détruisent les forces de défense. D’autres forces sont débarquées et, se déplaçant à vive allure, attaquent les porteurs de missiles sol-mer. L’action se coordonne, pour optimiser son action, avec l’aviation qui frappe les objectifs qui ne sont plus protégés. Les deux colonnes terrestres se retrouvent alors pour attaquer la ville à partir de laquelle les navires ennemis effectuent des raids naval. Des hélicoptères d’attaque partis de navires attaquent par la mer. Toutes ces forces se concentrent pour l’attaque final sur le port. Une fois les navires détruits, toutes ces forces rembarquent sur des péniches qui les ramènent à Djibouti.

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