Vers la coupe budgétaire

 

«Sans argent, pas de guerre ».

La situation économique, avec une croissance très faible, une dette de 120 % et un déficit à -5,6, est un handicap très important. La France faisant partie du club Euro, elle doit faire preuve de rigueur dans ses dépenses sous peine d’être sanctionnée économiquement.

Si la loi de programmation militaire, en théorie, sanctuarise un budget en croissance pour le ministère des armées, elle ne prend pas en compte l’inflation. Du coup, les prochaines opérations pourraient coûter plus cher que prévu.

Le transfert d’armement vers l’Ukraine est le second facteur de tension budgétaire qui pèse sur les armées françaises. En effet, les sommes en équipements transférés vers cette zone de conflit sont de plus en plus importantes. Les équipements perdus ne sont pas automatiquement remplacés et les armées se retrouvent donc « désarmées ». De plus, les équipements transférés sont en partie des dons, et il n’y aura donc pas de retour financier.

Le président de la République semble vouloir poursuivre cet effort au profit de l’Ukraine, mais au détriment des armées françaises. Ceci a pour conséquence, à court terme, d’appauvrir nos forces.

Dans cette situation, l’armée essaie de moderniser plus rapidement que prévu. Loin de rester attentiste, l’armée demande à ce que soit augmentée la production de véhicules, principalement les Griffons et les Jaguars, pour remplacer au plus vite le nombre des véhicules donnés aux Ukrainiens. Il en va de même pour la Marine et l’Armée l’air. Le cas du Rafale en est un exemple : pour optimiser ses exportations, la France vend ses avions déjà en service et achète du neuf. Mais la demande étant très importante, les avions vendus ne seront pas remplacés avant plusieurs années, nous laissant bien moins équipés pour un éventuel conflit.

Le retard dans le remplacement des OPV dans la Marine complique également la surveillance de des espaces maritimes. Il va devenir difficile d’assurer notre souveraineté ainsi que la régulation des flux des marchandises et des hommes qui passent par les zones françaises. Il en va de même des nombreux trafics et de la pêche illégale qui risquent d’appauvrir nos écosystèmes aqutiques.

Pour un certain nombre d’analystes, l’abandon de ces espaces au profit d’un déploiement des forces à long terme, sur les frontières de l’Est de l’Europe est la solution aux difficultés financières. Mais un regard plus critique amène à comprendre que les menaces stratégiques sur nos territoires ultramarins pourraient peser sur la perception que le monde a de la puissance de notre pays. Récupérer cette puissance sera plus difficile que défendre une frontière de l’Est protégée par des puissances bien plus fortes conventionnellement que la France.

Pourrait on imaginer constituer une armée apte à opérer sur différents théâtres à la juste échelle de nos moyens ?

J’ai, dans de précédents articles, décris l’armée française des années 1970-1990 adaptée, bien que techniquement inférieure au standard des grandes puissances de l’époque. Ce choix obligera à avoir des soldats plus rustiques, mais mieux entraînés pour compenser le manque de capacités techniques. L’armée française ne fut alors pas le premier partenaire des États-Unis, mais demeura tout de même une pièce importante de l’OTAN en raison de sa situation géographique et des armes nucléaires dont elle disposait.


Revoir les ambitions françaises à la baisse.

Ce à quoi pourraient ressembler nos armements dans un avenir proche.

Dans mon domaine de prédilection, le char, le programme MGCS doit naturellement être modifié, voire annulé. Je pense que le choix de trois plateformes n’est financièrement et tactiquement pas viable. Il faut revenir à une formule plus simple avec un véhicule unique disposera d’un canon de 120/140 mm, d’une motorisation hybride et une masse de 30/40 tonnes. L’engin unique servirait de châssis au véhicule sol/air, d’un véhicule du génie, un poseur de pont, et d’un véhicule de dépannage. Le tout serait d’avoir un châssis à bas coût en privilégiant des solution simple et fiable. L’idéale serait d’abandonner la modernisation du Leclerc pour s’attaquer au nouveau programme avec un prototype au plus tôt ( 2027/2029), et le lancement d’une chaîne de production pour 2030 comme initialement prévu. Certes, il faudra opter pour une technologie moins novatrice que prévu.

Cela aurait aussi pour conséquence d’alléger des commandes de véhicules du programme SCORPION. L’allégement du programme passe par la question des choix faits autour de 2 engins presque identiques, le Serval et le Griffon. Ces véhicules doivent remplacer un seul engin qui est le VAB. L’économie consisterait en la réduction du besoin en Griffon pour se focaliser sur le Serval.

L’autre programme à revoir serait celui du SCAF. Très cher, l’avion pourrait ne pas trouver sa place opérationnelle au sein des missions des forces françaises. En effet, disposer d’un avion ultra performant apte à percer de multiples défenses n’est sans doute pas utile pour lancer quelques bombes sur des djihadistes dans le désert. Le rapport coût efficacité n’est pas en faveur de l’appareil. Certes, un tel avion apporte un réel avantage en haute intensité, mais le risque de pertes et la difficulté de remplacement risquent de limiter ses engagements. A l’image du lent remplacement du Mirage 2000 par le Rafale, le SCAF ne remplacera définitivement le Rafale que 40 ans après son début de service. Cela ne résoudra pas le problème lié au nombre limités d’avions disponibles.

La solution viendrait de l’adoption d’un avion léger monomoteur qui compléterait le SCAF et le Rafale. Moins cher, l’avion pourrait permettre d’adapter la réponse au besoin. Il ouvrirait aussi à la France de nouveaux marchés dans le monde. Cela permettra également de réduire la facture globale de la modernisation de nos flottes aériennes. D’ailleurs, il est intéressant de réfléchir à la place de l’avion habité couplé à des drones de combat. Les drones multiplient la capacité de l’avion habité. L’avenir de la place de l’un et l’autre dans le combat pose la question de l’utilité de disposer encore d’un avion habité. En tout cas, un avion léger serait financièrement soutenable tout en ne pénalisant pas nos capacités futures.

L’Eurodrone qui reste un programme majeur est aussi un programme qui pourrait être remis en cause. En effet, encore une fois le coût élevé du programme ne permettra d’acquérir qu’un nombre limité d’unité. La menace que fait peser aujourd’hui les armes antiaériennes à longue portée rend inaccessible une partie de l’espace au dessus de la zone de contact. Le risque va rendre complexe l’emploi de drone en particulier du type Eurodrone. Alors l’Aarok pourrait parfaitement convenir bien qu’inférieur en taille et en capacité de charge. Ses capacités sont suffisantes pour nos missions.

En outre, il y a le remplacement des AWACS. Des avions plus petits serait à privilégier à court terme, à l’image du Saab GlobalEye.

Dans le domaine navale, la construction de corvettes de type Godwin devrait combler le manque de frégate. La corvette serait même en mesure de remplacer les frégates légères ou celles de surveillance.

Avoir plus de navires légers couvrant plus d’espace permettrait quand même d’avoir une surveillance efficace de notre espace maritime.

Abandonner ou compléter le SCAF, le MGCS, les frégates, l’AWACS, par d’autres systèmes plus simple et moins chers permettrait de garantir un bond technologique et quantitatif sans voir les budgets exploser.


De nouvelles perspectives


Alléger l’armée ne sert pas seulement à réduire le besoin en soutien logistique, cela permet aussi d’améliorer la capacité de se projeter, que ce soit en Europe ou dans le reste du monde. Les nouveaux dangers qui guettent notre pays ne se situent pas seulement en Europe, mais aussi dans le reste du monde. La capacité de projeter est un moyen de rester un acteur de premier ordre. Nous priver de cette capacité pour nous tourner uniquement vers l’Europe nous condamne à disparaître du cercle des grandes puissances.



Commentaires

  1. Bonjour
    Je voulais intervenir sur la 1è partie de votre post, concernant les finances.
    C'est vrai que la situation francaise (déficit, dette) n'est pas au top, mais à qui la faute ? Aux francais, si friands d'aides sociales en tout genre (60% du budget de l'état, dont 15% pour la santé). Francais toujours prêts à demander et recevoir des aides en tout genre (bouclier tarifaire, plafonnement prix essence, chèque inflation, ...) mais bien plus réticents dès qu'il s'agit de contribuer un peu plus (la loi sur les retraites en a été un très bon révélateur).
    Donc même si la LPM sera limitée par l'inflation (qui est tout de même en baisse par rapport aux 2 années précédentes), c'est déjà bien qu'un tel effort soit consenti. Après, on verra quel gouvernement arrive, car que ce soit la gauche ou le FN, la priorité est de satisfaire les francais (pouvoir d'achat, mot magique répété à chaque intervention) au détriment de recettes supplémentaires, et donc du budget des armées.
    Le transfert d'armement vers l'ukraine est un faux problème !
    1) il ne concerne que peu d'argent au final (3 milliards depuis 2 ans, plus 2 milliards promis cette année), soit 0.3% de notre pib annuel (à diviser par le nombre d'année du conflit, donc encore moins en fait)
    2) On donne beaucoup d'anciens matériels (amx10, vab, ...) qui de toutes façons devaient être remplacé (au moins cela forcera à accélérer le remplacement par des matériels plus modernes)
    3) La guerre menée par les ukrainiens nous permet de gagner du temps pour notre réarmement, et d'étaler un peu les dépenses. Combien coûterait un plan de réarmement européen (ou francais) obligatoire si la Russie venait à lécher les frontières de l’Otan par suite d’une déroute ukrainienne ? Bien plus que ce que l'on donne !!!!!!

    Sur le point de donner (ou vendre) les armes utilisées par l'armée francaise (canons Caesa pour l'ukraine ,rafale pour la croatie ou la grèce, ... ), cela peut effectivement mettre certaines unités en sous équipement mais uniquement à court terme. Des équipements, cela se remplace (nexter a ultiplié par 4 la production de caesar et dassault par 2 celles de rafale) et surtout cela est très profitable pour nos exportations. Le caesar se vend comme des petits pains à l'étranger et quid des achats de rafale si on n'avait même pas livré ceux pour la croatie ou la grèce ? Donc au final je pense que c'est très profitable pour nos industries, et en que els armées vivent pendant qqes mois en sous dotation n'est pas catastrophique vu qu'on n'est pas engagé dans une guerre qui nécessiterait des déploiements massifs

    Sur la 2è partie de votre post, je ne sais pas trop quels sont les programmes à accélérer ou annuler :) Pour le char, je pense depuis longtemps qu'il vaut nettement mieux acheter sur étagère (leopard vu que cela semble le standard, ou autre) que de développer un nouveau concept sur un domaine dans lequel nous ne sommes pas leader.
    Pour l'avion, j'ai un doute sur la multiplicité du type d'appareils, cela limite les compétences (le pilote d'un monomoteur léger n'a pas les mêmes qualifications et entrainement qu'un pilote de rafale) et cela multiplie les maintenances.
    Mais je suis d’accord avec vous, avant de définir quoi garder et quoi abandonner, il faut répondre à la question des missions de nos armées. Intégration dans l'otan pour la défense des frontières européennes (mission importante pour la grandeur de la france), protection de nos espaces ultra marins, capacité de projection pour des opex en afrique, ...
    Si on veut tout faire (pourquoi pas), cela implique un budget plus important et surtout plus de ressources (que l'on n'a pas et que l'on convainc difficilement d'entrer et de rester dans les forces armées

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. bonjour. Il est vrai qu'il y a de l'argent en France et que celui-ci pourrait être réparti autrement sauf que ce n'est pas le cas. Les sommes promises pour l'Ukraine est pris sur le budget de la défense et cela cumulé à l'inflation pèse sur notre modernisation.
      Le problème des matériels donnés ne sont pas leurs anciennetés mais leurs remplacement. Il y a un écart entre la sortie des engins et l'arrivé de nouveau véhicules. Cela est d'autant plus problématique que nous montons en puissance et que nous avons besoin de véhicules pour nous entrainer.
      Le temps gagné est bien illusoire, les Russes ont leurs entreprises en "production de guerre" de manière bien plus importantes que les notre. L'argent que nous donnons cumulé aux véhicules donnés plus surtout les avions et l'artillerie vendu pris sur nos stocks pour l'exportation crée au contraire un vrai trous capacitaire. Il nous faudra bien plus longtemps pour récupérer nos capacités.
      il nous manque aujourd'hui 95 avions ce qui est très important. La solution de passer par un avions léger est déjà celui que nous avions fait dans le passé. Je rappelle que dans les années 80, nous disposions de Mirage 2000, Mirage 3, Mirage 4, de Jaguar, de Super étendard, de Crusader, de Mirage F1. Donc ce n'est pas la première fois que nous avons plusieurs type d'avions.
      la production nationale permet de garder les compétences. Si l'on ne produit pas de char ou si on en achète, cela nous fera perdre se savoir et il faudra des années pour les récupérer.
      merci de vos commentaires

      Supprimer

Enregistrer un commentaire