Char medium.

 


Comme les lecteurs assidus du site le savent, j’ai déjà exposé une évolution conceptuelle du char principal dans les forces armées, en particulier dans l’armée française.

Il ne faut pas oublier que le char est détruit à environ 60 % par l’artillerie, 30 % par les missiles et drones (80 % cette année par les drones en Ukraine) , 8% par les mines et il reste 2 % par un char.

En Ukraine, les belligérants confirment que 98 % des missions des chars sont des missions d’appui feu.

En conséquence, la fonction antichar du char est contextuellement remis en cause par les conflits récents.

Selon les opérationnels, la situation actuelle est un cas non conforme et, dès que les armées retrouveront leur mobilité, les chars retrouveront leur fonction antichars.

Pourtant, la modernisation des capacités antichars et en particulier le tirs au-delà de vue grâce aux missiles, mais aussi aux drones, à l’aviation et à l’artillerie, permet de se passer du duel. Les chefs, ayant le choix de l’engagement, privilégieront la sécurité et la destruction à distance.

De plus, l’histoire nous apprend que suite à la percée, l’exploitation favorise le combat contre le deuxième échelon, voire des troupes en repli moins dotées en blindés lourds et organisées pour résister.

Du coup, le combat antichars n’est toujours pas l’action la plus représentative de la guerre de mouvement.

Il faut se rappeler la chevauchée de la 3e armée de Patton pour se rendre compte qu’à l’exception de rares rencontres (Dompaire, Arrancourt), il n’y a presque pas eu de grand combat de chars. A chaque fois, les Américains privilégient l’artillerie, l’aviation ou les unités antichars pour combattre les chars allemands.

C’est pour cela que le M4, malgré ses faiblesses, a été un char assez efficace pour conquérir l’Europe de l’Ouest.


Un char pour entrer en premier

Notre armée est aujourd’hui en troisième échelon de l’OTAN bien loin d’être exposée à une invasion conventionnelle. La France doit projeter ses forces quelquefois à plus de 3000km pour pouvoir affronter un adversaire. Elle dispose de nombreux atouts comme une force aérienne et navale puissante, même si elle reste limitée. Sa capacité au combat multi-domaines est encore à ses débuts mais elle va encore prendre de l’ampleur. On l’a vu dans le domaine de la cyber guerre ou après la création d’un service dédié, nous sommes devenus un des meilleurs pays membres de l’OTAN.

La question est de savoir si la France affrontera un jour réellement une puissance impérialiste directement ou, au contraire, comme pendant la Guerre froide, si elle va devoir affronter ses compétiteurs dans le monde entier.

L’affaire des émeutes de Nouvelle-Calédonie rappelle que l’adversaire se donne les moyens de frapper le sol national. L’armée française doit s’adapter à cela et, malgré l’apparence d’un retour à la garde statique le long d’un nouveau mur de fer, la notion de guerre expéditionnaire va perdurer.

La France va devoir protéger ses territoires, ses intérêts, ses alliées dans le monde. Cela exige un corps de bataille mobile et réactif à même d’entrer en premier.

C’est l’intérêt d’un char médium apte à la projection et ayant un coût d’achat et d’entretien acceptable. Il devra être en mesure de faire basculer la situation rapidement grâce à sa grande puissance de feu.

Le char devra savoir travailler avec les autres armes comme les antichars, l’artillerie mais aussi l’ALAT, l’aviation ou la marine.

Cela sera rendu possible par la numérisation de l’espace de bataille mais aussi par des capacités à guider, cibler au profit des autres armes.

Il devra avoir une masse compatible aux réseaux routiers et surtout aux ponts et autres ouvrages d’arts qui constitue les zones d’engagements.

La capacité d’entretenir et de servir le char avec un minimum de soutien doit aussi être pris en compte car la zone d’engagement pourra se situer bien plus loin que la zone où la France intervient traditionnellement. On le voit justement avec la Nouvelle-Calédonie, il est maintenant nécessaire de pouvoir projeter de la puissance quelque fois isolément (1 engin), bien loin des zones d’engagement traditionnelles.

Technologiquement, il faut sans doute mettre en convergence un certain nombres de technologies et de systèmes déjà existants. Du viseur PASEO , au moteur Volvo, boîte de vitesse Renk, dans le domaine de la mobilité, l’équipement doit être classique mais fiable avec une masse autour des 30t. Le moteur à l’avant offre une protection complémentaire et libère de la place à l’arrière avec une accessibilité facilitée par une porte. La tourelle pourrait être équipée d’un 120mm FER (faible effet de recul), mais on pourrait opter pour l’audace avec un canon CTA de 105mm. Les munitions latéralement montées dans la tourelle serviront d’obstacle tout en permettant une grande cadence de tir (plus de 60 coups/minute). Consacrant sa mission à l’appui feu direct et indirect, cette grande cadence assommera les défenseurs.

Dans le domaine de la protection, la protection passive composite se couple avec des briques réactives et surtout des protections actives soft et hard pour protéger contre une grande partie des menaces.

Si l’engin n’est pas révolutionnaire en soi, il s’agit de retrouver une puissance canon perdue dans le domaine du char médian avec le départ de l’AMX10RC, mais aussi un peu l’AMX30

En conclusion je dirais qu’il existe un champ capacitaire pour nos armées qui ne soit pas dicté actuellement par l’urgence stratégique de la guerre en Ukraine. Après ce conflit, nos armées retrouveront des théâtres lointains où défendre le drapeau et le char médium sera le fer de lance de ces nouveaux conflits.


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