Un T14 à la française

 

L’analyse du conflit ukrainien le confirme, il est impossible de survivre dans le no man’s land moderne. Mines, artillerie, missiles, roquettes, drones, tout est fait pour neutraliser ou détruire les véhicules sur le champ de bataille. Il est maintenant clair que se déplacer sur le champ de bataille sans prendre un coup est impossible.

Il n’y a pas actuellement de nouvelle technologie dans le domaine de la protection passive qui soit productible à court ou moyen termes. Il y a bien des technologies nouvelles mais, pour l’instant, rien ne semble entrepris pour une production de masse économique.

La protection réactive est la plus prometteuse mais a comme défaut d’être uni-impact, ce qui limite ses capacités d’adaptation en cas de multi-attaque.

Seules deux technologies permettent, à court terme de voir évoluer les véhicules pour accroître leur résistance. La première est une modification structurelle qui consisterait à mieux aménager le véhicule pour le rendre moins sensible aux impacts. Une des voies actuelles est, par exemple, l’équipage en châssis. Cette innovation est rendu possible par la généralisation de la vidéo dans les véhicules. De plus, la fin des munitions dans la partie avant du châssis réduit le risque d’explosion.

La seconde innovation est l’arrivée des protections actives, c’est-à-dire une protection qui réagit grâce à des capteurs qui neutralisent l’attaque à distance. Le plus célèbre de ces dispositifs est l’ APS (armor protect systems) Trophy israélien. Le dispositif revendique 85 % de réussite lors des combats dans la bande de Gaza. Mais le dispositif n’est pas capable d’intercepter des munitions flèches.

Si le système Trophy est efficace, il est évalué à 900 000 dollars par engin et fait prendre 2,2 tonnes aux engins porteurs. Il donne une idée de ce à quoi pourrait ressembler un dispositif de protection active moderne.

Les Israéliens ont aussi développé un autre système, l’Iron Fist qui à l’avantage d’être plus léger et serait en mesure d’intercepter un OFL (obus flèche). Beaucoup de « copies » reprennent son architecture.

L’autre solution est un dispositif fixe qui fasse le tour du véhicule à l’instar du système Diamant de NEXTER ou du StrikeShield de Rheinmetall. Il est plus économique et léger tout en restant multi- impact.

Le  SMART-PROTech d’IBD, quant à lui, reprend une architecture passive et active qui permet de neutraliser les charges tandem.

Première protection active montée sur véhicule, le DROZD russe et sa version moderne montée sur T14 et nommée Afghanit, est conçue pour intercepter, dans sa partie frontale, toute menace directe. La dernière version serait capable d’intercepter des OFL.

Comme on le voit, il existe un panel de solutions actives qui ont déjà atteint un niveau de maturité technologique et qui pourrait être reprises dans un véhicule de combat moderne.


Vers un T14 à la française.

Le champ de bataille donc n’est plus un espace de déploiement possible pour char de la génération actuelle ou antérieure. La solution passe par une révolution technologique et, même s’il faut admettre que des solutions technologiques existent déjà, pour tromper les APS, cette solution est la seule qui a un avenir actuellement.

Le char du futur ne peut pas faire l’impasse sur cette technologie. Cela donne à réfléchir sur un nouvel engin.

Les Chinois ne se sont pas trompés d’ailleurs car ils ont fait le choix d’introduire une nouvelle génération de chars de combat bien plus légers (30/40 tonnes) protégés par ce type de protection en priorité. Ils adoptent aussi la tourelle télé-opérée et donc l’équipage est en châssis.

Nous pouvons imaginer alors un nouveau programme d’armement englobant, non seulement le char principal, mais aussi le VCI, le véhicule de génie, de défense sol-air, d’artillerie etc. Avec un châssis plus léger et l’équipage à son bord, le nouveau véhicule ne cumulera pas seulement un blindage passif, mais aussi et surtout un blindage actif.

On peut imaginer l’accumulation d’au minimum de deux types de protection active (voire trois) pour assurer la survie de l’engin. On peut penser en particulier au cumul de deux dispositifs fixes de type Afghanit et SMART-PROTech avec un dispositif mobile de type Iron Fist. Les trois vont couvrir trois profondeurs de protection. L’Afghanit couvrira à partir de 100 m, le modèle de type Iron Fist, entre 5 et 50m et le dernier, au plus près.

Il faudra aussi ne pas abandonner les protections actives soft pour soustraire des vues le véhicule. On peut aussi imaginer un système fixe et mobile. Le tout doit permettre de pouvoir réagir plusieurs fois, ce qui nécessitera de réduire le diamètre de la grenade fumigène.

La protection active protégera aussi contre la menace drone (c’est l’évolution obligatoire) pour optimiser les chances de survie.

De manière organisationnelle, le char aura donc une tourelle télé-opérée avec un armement de 105 ou 120mm. Le choix d’un chargement en nuque de tourelle est, certes, la solution la plus logique et la plus pratique mais augmente les zones d’impact possible.

L’adoption d’un canon de 105 mm CTA pourrait être une innovation intéressante. Comme je l’ai déjà expliqué, la trame antichar moderne est actuellement choisie pour l’artillerie, les missiles, les drones et les mines. La fonction antichar n’est plus que partiellement utilisée sur le char. L’arrivée de blindages actifs qui permet d’alléger le blindage, impose non plus d’avoir un gros calibre, mais de pouvoir frapper plusieurs fois rapidement.

Mettre les obus dans la caisse et effectuer un chargement vertical est une solution simple possible grâce à une culasse rotative. Cela permet aussi de réduire la taille de la tourelle et donc la surface exposée.

Les obus Muratisés (insensibles) pourraient être rangés dans des cocons sécurisés évitant l’explosion par sympathie de l’ensemble de chargement automatique. Cela permet de participer aussi à la protection globale du véhicule.

La protection des réservoirs de carburant doit aussi permettre de cloisonner le carburant pour éviter la propagation du feu.

L’avantage d’un véhicule plus petit et plus léger offre une réduction du besoin en carburant et donc de la quantité de carburant embarquée. Il est donc possible de réduire, par une nouvelle répartition du carburant, les risques d’explosion.

L’équipage pourrait être réduit à deux hommes. L’automatisation de la fonction tir et l’aide au pilotage permettent de se passer d’un troisième homme. Mais il faut compenser ce manque par une automatisation du renseignement grâce à une NEB (numérisation de l’espace de bataille) qui s’affichera instantanément en vision directe (fusion de données).

Plus léger, plus discret, mieux protégé, le nouvel engin pourrait redonner de nouvelles capacités à un corps de bataille plus mobile et mieux protégé en mesure de traverser le champ de bataille et donc de redonner de la mobilité aux forces armées.


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