Option de la guerre contre la Russie.


Tout ce qui suit n’est que spéculatif.

Imaginons que nous nous retrouvions dans la situation où le président de la république décide de crédibiliser son discours politique par des actes. Imaginons que les fameuses lignes rouges soient considérées comme franchies par les Russes. Le président, décidant de tenir sa parole, annonce l’envoi de troupes en Ukraine. Que pourrait-il se passer ? .

La Recherche d’alliance.

La première opération serait diplomatique. Il s’agirait de convaincre les partenaires de la France d’intervenir avec elle. Une grande partie de ces partenaires comme l’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre ont déjà annoncé ne pas vouloir intervenir en Ukraine. En effet, il s’agit de définir le cadre d’une intervention. La France interviendra soit dans le cadre de l’OTAN, soit dans le cadre de l’Union Européenne. Sachant qu’il s’agit d’une opération hors cadre de l’article 5 de l’OTAN qui stipule la solidarité des membres de l’OTAN lorsqu’un d’entre eux est attaqué, il n’y a donc pas obligation des partenaires d’intervenir. Le cadre de l’UE est plus contraignant car il peut demander de la solidarité même en dehors d’une action de défense.

Le risque de de confrontation et les raisons de l’engagement ne garantissent donc pas une solidarité entre partenaires. Cela a pour conséquence de risquer de laisser la France bien seule en cas de déploiement.

Imaginons que la France réussit à mobiliser une coalition digne de ce nom. Il faudrait alors qu’elle définisse les objectifs à atteindre et ses propres limites. En effet, attaquer le territoire national russe, c’est risquer une frappe nucléaire (au minimum tactique) . Vu les moyens du pays, ce ne serait pas une bonne idée de perdre ainsi trop de moyens pour avoir une chance de gagner quelque chose.

Ceci étant dit, imaginons quand même que le Royaume Uni, la Pologne, peut-être les Pays Baltes et la Roumanie décident d’accompagner la France. L’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, quant à eux, resteraient en réserve et ne se promettraient que du soutien. La France devraient déployer ses forces avec une coalition de peut-être 50 000 ou 100 000 hommes au mieux, en comptant toutes les armes. Cela serait insuffisant pour prétendre gagner une guerre. Il faut pouvoir mobiliser plus de partenaires pour pouvoir vraiment peser dans la bataille.

Passer par la Géorgie pourrait être une alternative, mais le terrain et la géographique rendent complexe une telle opération. L’option biélorusse est aussi risquée. En plus d’avoir un nouvel ennemi, les Russes pourraient voir dans cette action une menace directe. La présence d’armes nucléaires rend cette option compliquée également.

Donc, il vaut mieux rester sur le territoire ukrainien et aller au contact des Russes en évitant d’intervenir ailleurs. Les forces françaises pourraient être déployées (à peu près 15000 à 20000 hommes avec une centaine de chars renouvelable une fois) dans une division ou un corps d’armée international ou européen.

Dés le passage de la frontière, les troupes françaises deviendraient des cibles légitimes pour des frappes russes. La France deviendrait de facto cobelligérante. Naturellement, les forces aériennes françaises seraient certainement les premières à frapper ses adversaires.

Alors va se poser la question de la capacité à combattre dans un milieu très contesté. On ne peut en aucun cas dire qui sera le meilleur dans ce combat, car une telle bataille n’a pas eu lieu sans doute depuis la Seconde guerre mondiale. Il est certain que les Russes ont des lacunes dans les systèmes d’information, de commandement et de contrôle. Ils ont aussi des lacunes avec leurs appareils de contrôle aériens. Mais il peuvent s’appuyer sur une DSA efficace et à longue portée, une chasse qui dispose de missiles performants (R37M) en mesure d’intercepter des avions à plus de 200 km. La question est alors de savoir si les avions de contrôle et de ravitaillement français ne se feraient pas abattre. D’autre part, on peut se demander quelle serait la réponse des Russes en cas de frappe sur leurs bases aériennes. Idem pour nous si nos bases aériennes sont attaqué. A minima, si l’on reste dans le cadre limité à l’Ukraine, il faudrait accepter le duel et les risques liés à celui-ci.

Pas de supériorité garantie, un long itinéraire pour arriver en Ukraine et il faut encore traverser le pays jusqu’à la zone de confrontation. Nous avons une très belle armée avec de bons soldats, mais ici se posera le problème de l’attrition.

En effet, même si l’armée française gagne ses engagements tactiques, elle ne les gagnera qu’avec des pertes car l’ennemi est puissant. Les TOS, lance-roquettes thermobariques, infligent des dégâts monstrueux et la France n’a rien de comparable. Les mines et leurs capacités à projeter des champs de mines par lance-roquettes dans les arrières français ralentiraient et infligeraient des pertes considérables aux combattants. L’offensive ukrainienne de l’été dernier a montré la difficulté à affronter les lignes de défense préparées.

Le vrai challenge pour les alliés est de pouvoir durer dans le temps et c’est là leur faiblesse. Un bras de fer conventionnel, si l’ennemi les arrête, serait extrêmement dangereux. Il s’agit de savoir combien d’hommes et d’équipements l’on est prêt à perdre, et il est certain que les pertes seront élevées.

Ainsi, même en cas de duel conventionnel limité à l’Ukraine, il est difficile de garantir une victoire rapide sans conséquence. On peut se demander comment les peuples européens réagiraient au retour des cercueils. Autre question : comment les matériels perdus seraient-ils remplacés ? Il n’y a pas de chaîne de production de chars ouverte et le MGCS (dont on peut douter de la capacité à changer quoi que soit dans une telle situation) ne devrait pas être produit avant 2045 (20 ans!).

Il sera peut-être possible de remplacer les unités pour deux ou trois relèves mais cela serait plus compliqué pour les matériels. Il est prévu une relève tous les 6 mois, mais il sera peut être nécessaire d’accélérer les relèves selon les pertes.

La question est alors, en cas de stagnation du champ de bataille, la manière dont on sortirait d’un tel affrontement. Ne risque-t-on pas de se retrouver en mauvaise position avec une opinion publique qui, à mesure des pertes, deviendraient de moins en moins favorables à l’intervention. De plus, il y a un risque de saturation de notre outil économique aux conséquences sociales extrêmement dangereuse. Il y a également un risque de contestation politique de l’intervention militaire beaucoup plus fort qu’en Russie, surtout si cette intervention est engagée sans le vote de l’assemblé nationale (pas obligatoire mais politiquement important).

D’autres risques sont à prendre en compte dont l’escalade qui pourrait engendrer une guerre nucléaire. Mais ce choix n’est pas pertinent car l’Ukraine, quelque soit la valeur de son peuple, ne vaut qu’on risque pour elle l’existence du peuple français.

L’échec militaire, ou du moins sa non victoire claire, pourrait entraîner une crise politique qui engendrerait une sanction du pouvoir et le repli des forces françaises, comme en Afrique ou en Afghanistan.

Enfin, on pourrait devoir rester jusqu’à l’usure totale obligeant à un repli honteux. Devoir partir précipitamment, poussé par l’ennemi serait assurément la pire situation, pas seulement pour la France mais pour tous l’occident. Cette victoire de notre concurrent serait vue comme la fin de l’occident puissant.

Il y a un scénario non évoqué ici : celui d’une victoire. Soit, mais il faut d’abord définir cette fameuse victoire. Si tenir le front et éviter la conquête de l’Ukraine sont les objectifs, ceux-ci pourraient être atteints. S’il s’agit de reconquérir le territoire perdu, on peut douter qu’un tel objectif soit réalisable, car il y a une chance (plutôt un risque) que les Russes emploient des armes nucléaires tactiques.

En fait, il semble ne pas y avoir grand-chose à gagner à aller à l’affrontement avec les Russes. Un accord signé en avril 2022 aurait évité beaucoup de morts et la perte de moins de territoire.

Cela ne veut pas dire que l’on refuse le combat, mais il faut des conditions qui nous soient plus favorables. La réforme militaire doit être bien plus sérieuse. Surtout, doit être menée une réflexion plus poussée sur une stratégie indirecte qui nous permettrait de mener un combat gagnable.




Commentaires

  1. Bonjour
    Je vois que votre option d'accord (en clair, subir la loi du plus fort et abandonner ses territoires à n'importe quel voisin un tant soit peu belliciste) est toujours votre option préférée :) Pas sur que churchill, de gaulle et/ou staline ait eu la même conviction que vous dans les années 40 ...

    Pour en revenir au sujet, l'envoi éventuel de troupes françaises (et occidentales, la france n'irait certainement pas seule) en ukraine.
    Vous donnez l'option troupes de combat, ce qui n'est évoqué par personne. En ce moment, on parle plutot de formateurs, de démineurs, de logisticiens, de mécaniciens, etc ... Au maximum, on aurait des servants de DCA voire qqes pilotes.
    L'effet recherché n'est pas de se battre contre les russes, mais surtout de montrer qu'il n'y aurait pas de limites à notre engagement. Et putler, qui est tout sauf fou, saurait très bien le risque qu'il prendrait à s'attaquer et frapper des troupes occidentales. Comme je l'ai peut être dit dans un commentaire précédent, je suis persuadé que si en décembre 21 ou janvier 22, devant les menaces russes, on aurait déployé qqes centaines de soldats en ukraine aux frontières du donbass et autour de kiev, le psychopathe de moscou n'aurait pas osé attaquer.
    Et s'il faut se battre au final, pourquoi pas ? On l'a fait en afghanistan, koweit, mali, tchad, ... (même si les contextes n'étaient pas les mêmes ni l’opposition en face) mais si cela devait arriver, vous pensez sérieusement que cela ne déclenchera pas une réaction en chaine dans l'ue ? Celle ci a déjà bien intégrée depuis 2 ans le risque que fait courir le criminel de guerre du kremlin, si en plus il se permet de frapper des troupes européennes qui aident un pays agressé à se défendre, cela entrainera nos autres partenaires à nos cotés. Vous voyez putler prendre ce risque ?
    Quant au nucléaire, mieux vaut en rire, cela fait combien de temps qu'il nous menace ? Depuis son annexion illégale de la crimée en 2014, c'est dire. Il sait très bien que s'il passait cette étape, il serait définitivement mis au ban de l'humanité, ses partenaires type chine et inde le lâcherait immédiatement.
    Pour les troupes au sol, un précédent historique, qui vaut ce qu'il vaut : au vietnam dans les années 70, il y avait de 10 à 15.000 soldats soviétiques. Les us ont fait très attention à ne pas les attaquer directement d'ailleurs. Et je ne parle même pas des centaines de milliers de "volontaires" chinois" en corée. Cela n'a jamais dégénéré.
    Alors moi je pense que macron a tout à fait raison de ne pas céder et faire ce type d'annonce (même si j'ai un doute que des troupes occidentales soient un jour déployées en nombre). On ne peut pas céder à la dictature expansionniste. Donc on continue à aider l'ukraine, surtout en livrant de plus en plus d'armes (le plus urgent) et en ne s'interdisant aucune option. La seule issue pour une paix durable, c'est que la russie fasse comme l'urss en afghanistan, subisse tellement de pertes qu'à la fin elle se retire du territoire illégalement envahi. Cela permettra en plus de dissuader dans le futur un autocrate un peu trop entreprenant et qui considère que les frontières d'un pays indépendant peuvent être revues à sa guise.

    Cordialement

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