Le Merkava français

 

Comme je l’ai expliqué dans un article précédent, les véhicules sur le champ de bataille sont devenus des cibles pour les systèmes de combat modernes ou innovants. La probabilité d’atteinte au premier coup n’ a jamais été aussi élevée. S’extraire du risque d’être touché est impossible. Imaginer que l’on puisse, en haute intensité, s’éviter cette réalité n’est aujourd’hui plus possible pour les forces armées.

Les Israéliens avaient déjà pris en compte cette réalité lors de la conception du Merkava, leur char principal. N’ayant pas la réserve humaine leur permettant de soutenir des pertes élevées en cas de conflit, les Israéliens ont préféré construire un engin qui préserve la vie de son équipage. De plus, doté d’une population occidentalisé, Israël est peu enclin à l’acceptation d’un sacrifice humain important. L’importance de préserver le potentiel humain est aussi important. Il faut des années d’instruction pour former des équipages avec des cadres qualifiés. Les perdre rapidement en cas de conflit, impose de requalifier des personnels qui n’auront pas le même niveau final de qualification. Il faut donc préserver les hommes au maximum.

Dans le cas français, il n’y a pas que le problème des personnels, mais également le problème du nombre de véhicules. Sachant que nous n’avons pas, à l’heure actuelle, une chaîne de production ouverte et que, de plus, nos commandes restent échantillonnaires, rapidement envisager de relancer une production en cas de pertes importantes est peu réaliste. Le coût du Leclerc le rend également difficile à perdre pour des raisons économiques.

Un Merkava à la française serait pertinent pour notre armée d’aujourd’hui. Outre qu’il remplacerait notre char de bataille, il pourrait aussi remplacer notre VBCI pour constituer une infanterie blindée lourde à même de combattre en milieu difficile.


Quelques détails techniques.

Pour ce nouvel engin il faudrait, si l’on veut qu’il reste, non pas un char de supériorité, mais un char de manœuvre d’ensemble, faire le choix d’un certain nombre de technologies. Afin de comprendre ces choix, les risques de destruction élevés propres au combat sont à prendre en compte. Ainsi, l’engin devra être fiable techniquement pour ne pas nécessiter d’intervention technique ou de maintenance trop lourde, surtout que ses composants risquent, de toute manière, d’être finalement détruits au combat.

Deuxièmement, la maintenance devra être aisée avec des composants facile à produire et à remplacer si l’on veut pouvoir régénérer les engins endommagés. Dans la mesure du possible, cette activité devra être effectuée au niveau des échelons de maintenance avancée pour que le véhicule soit ensuite réinjecté au plus tôt dans la zone de combat.

La modernisation passerait par un système de communication et la démocratisation des écrans (comme le Merkava 4). Un système de vision panoramique vidéo procurerait des opportunités dans la surveillance et la conduite. Il serait possible d’intégrer des casques du type Iron Vision qui permettent de voir à « travers » le blindage.

Quelques leçons sont à tirer des retours d’expérience du champ de bataille d’Ukraine. La première est la menace des frappes FPV. Il serait impératif de mettre en place un système de protection active à la fois apte à intercepter des missiles (voire des obus), et apte à neutraliser des drones FPV. La seconde est le nécessaire rééquilibrage de la protection qui ne doit pas concerner que la partie avant. Plus que la capacité multi impacts, c’est la capacité à régénérer le blindage qui importe. On peut imaginer la combinaison d’un blindage réactif ou blindage passif, mais rapporté, qui couvrirait de manière plus homogène l’ensemble de la tourelle et du châssis.

On devra aussi chercher à réduire le volume d’ensemble du véhicule pour complexifier la visée. La mise en place d’un chargement automatique en nuque de tourelle peut permettre de réduire d’un mètre la longueur du char et réduit la masse du char de plus de 5 tonnes. Le choix d’une motorisation sur la partie avant optimiserait la protection à la fois du moteur et de l’ensemble du char mais surtout de l’équipage. Il existe des motorisations hybrides qu’il serait intéressant d’intégrer (du moment que cela n’engendre pas de surcoût inutile).

Le choix de l’armement est fait par rapport à la réalité du champ de bataille et à la réalité des opérations. La distances d’engagement se situant entre 0 et 1000 mètres, la majorités des objectifs sont des cibles peu on pas blindées. Un canon de 120 mm de 44 calibres suffirait donc, même s’il n’y a plus de grande capacité d’évolution. Les menaces antichars étant avant tout l’artillerie, les missiles ou les drones, ce type d’armement sera en mesure de prendre en compte la majeure partie des cibles. Surtout, il existe un grand panel de munitions en service, ce qui lui donne une plus grande polyvalence qu’un nouveau calibre.

Les munitions seraient entreposées dans la nuque de tourelle (entre quatorze et dix huit obus). Un complément d’obus pourrait être entreposé dans le compartiment arrière du châssis. Pour la sécurité des munitions, les obus seraient transportés dans le chargement automatique comme à l’arrière du châssis dans des cocons isolants évitant l’explosion par sympathie.

L’ armement complémentaire à vocation de lutte anti-infanterie pourrait être constitué de mitrailleuse ou de lance grenades automatiques. L’adjonction d’un canon de 30mm pourrait aussi compléter l’action du canon principal.

Le coût du véhicule hors électronique devra être maîtrisé au maximum grâce à des choix pragmatiques et économiques. Il faut abandonner l’idée qu’il est nécessaire d’avoir le « meilleur armement avec la meilleure mobilité et le meilleur blindage ». Il faut avant tout un véhicule cohérent qui verrait ses capacités décuplées par les capacités de renseignement et de contrôle.

Ainsi, le char pourrait aller au contact tout en ayant, non pas une chance d’éviter les coup, mais les capacités de frapper, d’être touché tout en protégeant l’équipage et d’être ensuite régénéré. Il faudrait donc dès lors imaginer des systèmes d’extraction des véhicules du champ de bataille par véhicule tiers ou véhicule spécifique. Il faudrait aussi des véhicules spécifiquement aptes au combat du génie en plus de véhicules de combat d’infanterie.

Protégés de la même manière que le char, ces véhicules seraient ainsi capables de le suivre dans l’action. Ainsi, l’armée aurait à sa disposition, non pas l’outil le plus manœuvrant, mais le plus apte à poursuivre le combat, même dans un contexte de haute intensité.

Notre petit corps de bataille apte à la haute intensité resterait d’une taille insuffisante pour durer mais ces unités seraient aptes à permettre de mener des actions tout en limitant les pertes dans les unités.

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