La fin de la protection ?

 


Pendant la Guerre froide, la puissance des charges militaires et en particulier les charges creuses rendait la protection en acier homogène inopérante. Les chars AMX30 ou Léopard1 ont alors privilégié la mobilité comme facteur de protection. L’arrivée de matériaux composites et autres solutions alternatives comme les briques réactives vont redonner à la protection leur rôle.

Les chars vont de nouveau s’alourdir tout en essayant de garder leur mobilité. C’est la génération des chars Léopard 2, M1 Abrams, Leclerc.

Si ces chars sont parmi les plus performants au monde, le conflit récent a montré que quelque soit l’effort mis dans la protection ou la mobilité, les chars restaient des cibles sensibles aux feux.

Si la protection axée sur la mobilité était adaptée à la première génération d’armes antichars, les protections composites passive et réactive étaient adaptées à la deuxième génération d’armes antichars (SACLOS).

Les nouvelles armes antichars aux capacités de tir et oublie et tir au-delà de la vue changent la donne de la lutte antichars. Le tir direct n’est plus privilégié, c’est-à-dire que la partie la mieux protégée n’est plus la partie agressée. Au contraire, c’est le toit du véhicule qui est attaqué. De plus, le mode d’attaque rend la riposte difficile, voire impossible. L’avantage est passé à l’antichar.

L’arrivée des drones et des FPV en particulier ont accentué le phénomène. A un coût bien inférieur au missile, le FPV peut frapper quelque soit la position de la cible. Par exemple, un char posté tout contre un bâtiment peut se protéger d’un tir de missile selon l’angle d’attaque. Mais il n’aura aucune chance contre un drone FPV car celui-ci peut s’adapter au terrain pour frapper le point sensible.

Le FVP pouvant atteindre une vitesse de 120km/h, il est difficile de s’extraire d’une attaque de ce type d’arme. Idem pour les missiles ou les bombes. Alors, il apparaît que le char, sans une innovation majeure, est condamné à subir les frappes de ces armes.

Cette conséquence est prise en compte par le Israéliens dès le début de la conception du Merkava. A l’issue de la guerre du Yom Kippour, les pertes importantes en chars dûes aux missiles impose une réflexion sur la survie du char. Rapidement, les Israéliens en déduisent que la mobilité sur le champ de bataille ne sera obtenue que par la protection.

Si l’arrivée du Merkava n’a pas changé la donne sur le champ de bataille, il a, par contre, sauvé la vie à un grand nombre d’équipages. En effet, la société israélienne est peu nombreuse par rapport aux populations arabes ; elle est moderne et instruite. Comme toute société occidentalisée, elle refuse les pertes humaines et les sacrifices. Le char Merkava est l’expression de cette logique, la priorité étant donnée à la survie de l’équipage.

L’autre vision est soviétique (puis russe aujourd’hui). Il s’agit de considérer les chars comme des consommables sur le champ de bataille. C’est une logique qui admet le danger de l’engagement des chars et les pertes qui en résultent. Cette logique est possible avec une population apte au sacrificiel et surtout disposant d’une forte capacité de production industrielle.

Théorisée mais surtout subie pendant la seconde guerre mondiale, les Russes admettent que la mobilité sera obtenue par la puissance des feux et la destruction de l’adversaire, ce qui permettra de créer les conditions de la pénétration dans les failles et l’infiltration dans la profondeur. En réalité, cette stratégie n’est viable que si l’on dispose de suffisamment de puissance pour neutraliser les forces ennemis.

A l’époque de la Guerre froide, l’utilisation des armes nucléaires tactiques devait offrir cette puissance de feu ouvrant les espaces à la manœuvre. Il était aussi prévu d’utiliser des armes chimiques pour neutraliser le maximum de troupes sans provoquer des dégâts ravageurs.

La modernisation des feux dans la profondeur (bombes et missiles guidés longue portée) pendant le conflit en Ukraine permet aujourd’hui de retrouver une certaine liberté de manœuvre tout en entraînant des pertes lourdes pour les Ukrainiens.

Quel serait alors la solution la plus adaptée à l’armée  française? Le char ultra protégé ou le char consommable. Le premier reste lourd et donc difficile à soutenir surtout loin de ports logistiques. Le second est plus léger mais nécessite un outil industriel performant pour remplacer les pertes.

La prolifération des armes dans les années qui viennent fera peser un risque plus élevé sur nos troupes déployées sur les théâtres d’opération extérieure. Puisqu’il n’y aura pas d’augmentation du volume de nos forces armées, il faut pouvoir garantir leur survie sur le champ de bataille. Le char doit pouvoir assurer cette survie par une adaptation aux menaces mais aussi de sa mission.

Loin de focaliser sur la lutte antichar, le char devra percer et exploiter sur un terrain complexe avec des ennemis qui utiliseront tous leurs moyens pour nous arrêter.




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