Char consommable

 


Deuxième concept de char après un concept de char Merkava : un char consommable, tout à fait opposé au concept israélien. Le constat initial sur la destruction des chars au combat n’a pas changé, à savoir que les moyens antichars sont ultra-efficients et qu’il est donc impossible de s’extraire des attaques enemies et des conséquences de celles-ci. Si l’on ne mise pas sur la protection pour la survie du véhicule, il faut donc considérer que la vocation du char à être détruit est admise.

Cela impose une réflexion, non pas sur l’emploi du char, mais sur la le coût de celui-ci. Il s’agit en fait de faire un char économiquement viable : l’écart entre le coût de l’arme qui détruit le char et celui du char proprement dit ne doit pas être trop grand. Ce coût réduit doit permettre d’acheter et surtout de produire un grand nombre de véhicules aptes à remplacer les pertes. C’est le choix russe.

Les chars soviétiques, puis russes, ont gardé quelques caractéristiques de base. Les premières sont une grande fiabilité et simplicité. En effet, il faut pouvoir armer ces chars d’équipages et d’équipes d’entretien qui soient des personnels faiblement qualifiés. Les pertes conduisent à une rotation régulière des équipages, et, au fur et à mesure, le niveau qualitatif se dégradera.

La seconde caractéristique est la légèreté relative des chars russes par rapport à leurs homologues. Il y a plusieurs raisons à cela. La première est d’ordre logistique. L’armée russe se déploie sur un immense territoire (40 fois la France) principalement desservi par le train. Le réseau ferré est vieux et contraint par des conditions climatiques difficiles qui rendent complexe le transport de charges lourdes. Si l’on veut transporter un grand nombre de véhicules, ceux-ci ne doivent pas être trop lourds.

Ce sont aussi les conditions climatiques qui contraignent les déplacements sur les routes et les ponts de Russie. La surcharge des chars sont à l’origine de problèmes tactiques qui annulent l’avantage espéré grâce à la prise de masse. C’est le cas des chars Challenger 2 et Abrams qui s’embourbent en Ukraine en raison du terrain meuble et de la pluie.

Il est également plus facile d’extraire des véhicules endommagés, ce qui allège les contraintes pour les véhicules de soutien (ponts flottants etc). Le besoin logistique en carburant s’en trouve également réduit, ce qui permet de déployer un grand nombre de chars tout en maîtrisant les flux logistiques (à prendre en compte avec plus de sérieux qu’en Ukraine).

Autre caractéristique des chars russes : un canon de gros calibre (supérieur aux chars occidentaux). Le choix d’un canon de 125 mm 51 calibres au début des années 70 est très moderne. Le canon est modernisé pour être au standard des normes occidentales en qualité.

Cependant, lorsqu’il s’agit de la protection, les chars russes sont dans un paradoxe. Ils sont globalement bien protégés, surtout grâce aux briques réactives qui offrent un complément de protection sérieux (500/600 mm équivalent), surtout sur l’axe l’avant du char. Mais le char est sensible aux attaques de toit, de l’arrière et surtout, le risque d’explosion catastrophique est fort en cas de pénétration dans l’habitacle. C’est pour cela que l’on peut voir des chars se faire « taper » par plusieurs armes antichars et ne rien avoir alors qu’un autre char sera touché sur point sensible et explosera comme une « cocote minute ».

Pourtant, les Russes continuent à renforcer leurs blindages multidirectionnelles avec des briques réactives en plus d’un effort d’aménagement des munitions (davantage de munitions complémentaires). Le choix d’un char bas et discret se paie par cette aménagement des munitions sous la tourelle qui met en danger l’équipage. Mais des solutions existent, comme un chargement de nuque qui peut limiter ce risque.

A quoi ressemblerait un char consommable français ?

Il est sans doute possible de construire un char techniquement viable en limitant les sur-spécifications. Dans les trois domaines de base du char, ce dernier resterait classique. Le train de roulement serait à barre de torsion (moins performante que l’oléopneumatique) car celle-ci est moins chère. Le moteur serait un diesel bi-turbo fiable et bon marché. Le blindage serait composé en grande partie de briques réactives et de quelques dispositifs réactifs pourvu qu’ils soient économiques. Certes, le char ne serait pas multi-impacts, mais suffisamment résistant pour résister à un impact.

Le canon serait un canon de 120 mm ( 44 ou 52 calibres) avec un chargement automatique en nuque de tourelle. Le système d’observation serait classique avec un viseur chef panoramique et un viseur tireur double voie (directe et thermique). Le choix de la voie vidéo serait justifié uniquement par le rapport au coût. Cette voie semble pouvoir être économique.

L’équipage serait de trois hommes en tourelle. La modification principale est la prise en compte de l’attaque par le toit avec une nouvelle organisation de la protection de tourelle et une double couche pour celle-ci .

On pourrait aussi imaginer un char à tourelle télé-opérée (cela dépendrait du coût) avec un seul optique panoramique et un équipage à deux hommes en châssis. L’idée est bien de ne pas avoir une machine exceptionnelle, mais une machine employable, tout simplement.

L’effort doit se porter sur la simplicité de la production et le coût limité. L’avantage est que l’engin a un coût de possession et d’emploi bas, ce qui en fait un char employable. Il serait une sorte de M4 Sherman ou AMX30 moderne. Techniquement largement abordable, cette solution permet de maîtriser les coûts globaux propres à tout programme d’armement.

En cas de guerre, ce char serait engagé et un certain nombre d’entre eux seraient perdus en raison des attaques de l’ennemi. Mais la capacité de production et la simplicité de réparation devraient permettre de compenser les pertes. Certes, la solution ne paraîtra pas idéale à une société occidentale mais reste envisageable. En effet, la perte du véhicule ne condamne pas forcément l’équipage à la mort. La sécurisation a minima de l’équipage (avec, en plus, un équipage limité) devrait réduire cette crainte sur la vulnérabilité de l’engin.

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