Quand on ne fait pas les meilleurs choix.


En relisant le Raids N°73-les projets secrets de Blindés Français, j’ai pu constater l’effort intellectuel fait pour répondre aux exigences du Livre blanc de la défense de 1994 et de la modernisation de notre outil de combat en vue de remplacer les forces françaises median. Bien des solutions étaient innovantes et modernes (même peut-être trop) par rapport aux capacités financières et technologiques du pays.

Bien des concepts ne répondaient ni techniquement, ni intellectuellement aux besoins exprimés par les décideurs. C’est le cas par exemple du tout vidéo. La volonté d’avoir toujours une vue directe imposait une tourelle habitée. Cela était dû autant au manque de maturité technique de la vidéo qu’à un refus de perdre l’avantage et de se retrouver en hauteur dans un véhicule. Fruit d’une pensée tournée encore sur la guerre du passé, la « tête dehors » est aujourd’hui vue comme un risque dans un engament armé.

Pourtant, à la même époque, les Israéliens n’hésitèrent pas à mettre des moyens vidéos pour l’observation rapprochée autour du char. La réalité est que le militaire français qui décidait n’avait jamais (ou il y a très longtemps) été soumis à un risque de se faire tirer dessus par un sniper. L’Israélien, lui, au Liban en particulier, était souvent soumis à ce risque et donc la perception de la menace et la réponse imaginée furent différentes.

Le programme SCORPION amène, d’autre part, à constater que nous nous retrouvons avec deux véhicules presque identiques et qui ont pratiquement la même fonction : le Griffon et le Serval. Pourtant, il devait au départ y avoir presque 10 tonnes d’écarts entre les deux véhicules rendant le Serval plus léger et véloce pour être plus apte à des manœuvres plus rapides avec une empreinte logistique plus faible.

Le résultat est aujourd’hui un véhicule de 17 tonnes, beaucoup plus lourd que prévu, et qui n’a « que » 6 tonnes d’écart avec le Griffon. La question est de savoir quelle est la plus-value qu’apporte l’une solution par rapport à l’autre. L’écart est-il si grand que cela justifiait un véhicule particulier ,

Sachant qu’en plus, le VBCI est originalement à 27 tonnes, soit seulement 4 tonnes de plus que le Griffon, aurions-nous pu nous passer d’un des véhicules du programme ? On peut penser, en particulier, au Griffon, puisque le VBCI avait la possibilité d’évoluer pour de nouvelles versions comme le demandent un certain nombre d’autorités.

Le VBCI aurait été performant et spacieux pour le Génie, comme véhicule mortier, ambulance, etc. Au pire, le Serval reprenait une partie des fonctions du Griffon (comme c’est d’ailleurs déjà le cas)

Une réflexion s’impose sur de multiples plateformes de cavalerie aptes à la prise de contact imaginé alors. Il y avait un véhicule qui correspondait au programme VBAE (véhicule blindé d’aide à l’engagement), des véhicule blindés médian à roues, équipés de canon à tir rapide, de moyens calibres avec équipe de combat embarquée. Il y avait deux véhicules pour deux niveaux de nature de combat.

Il est aussi imaginé un char léger de moins de 30 tonnes pour permettre au politique d’éviter d’engager le Leclerc. Le char a un canon de 120 mm dans une tourelle allégée. Il devait être en mesure d’effectuer des tirs en site positif, voire de tirer des obus de mortier.

La polyvalence du canon 120 mm Faible Effort de Recul aurait permis de tirer la même gamme d’obus que le Leclerc, simplifiant les commandes. Cela aurait aussi permis, grâce à une tourelle presque commune, de réduire les coûts de formation. En fait, il s’agit du char « employable » tant recherché.

L’engin de présentation ressemble au programme turco-indonésien Kaplan, mais avec un puissant canon de 120 mm et d’autres options.

D’autres études étaient présentées, comme, par exemple, celle d’une version à roue avec cette même tourelle.

Le résultat de tous ces projets fut le Jaguar. Le véhicule canon fut abandonné et la réponse d’un mix canon mitrailleurs/missiles fut privilégié

Le canon de 40mm, malgré ces avantages, n’est pas un canon de 120mm. Il n’a pas le même pouvoir de destruction et sa polyvalence est plus réduite. Et surtout, l’engin n’a pas la puissance de feu malgré ses missiles, qu’un engins équipés d’un canon.

Ce mix est même regrettable aujourd’hui. En effet, au moment où l’on parle de haute intensité, on peut se demander comment va se comporter ce véhicule dans un environnement plus agressif.

Le nombre limité de missiles à disposition n’est pas un problème en basse intensité mais le devient lorsqu’il s’agit d’arrêter un assaut de blindés.

On l’a encore vu en Ukraine : le train de roulement à roues tant vanté n’offre pas la même pression au sol qu’une chenille. Le résultat est que les véhicules à roues s’embourbent beaucoup plus rapidement lors des mauvaises saisons.

Il faut pouvoir combattre en zone urbaine et l’on sait que les barrages avec les planches à clous sont des obstacles très ennuyeux pour ce type de véhicule.

Il faut aussi voir le marché de l’exportation. Actuellement, seule la Belgique a acheté ce véhicule (pour se coordonner avec notre défense). Le marché montre que les temps sont à l’achat de chars légers (ce qui n’est pas le choix français) : les Centauro 2, Kaplan, Sabrah (tourelle), M10, Type 15 etc suscitent un grand intérêt.

A quoi ressemblerait l’armée française avec un VBAE, un véhicule intermédiaire avec armement mixte léger et qui porte une équipe légère d’investigation accompagnant un char léger? Apte à couvrir un ensemble de spectres, la force médian aurait été un instrument militaire stratégique pour l’armée de terre.


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