Le Paradoxe de la protection

 

Les spécialistes nombreux et dont les compétences sont indubitables expliquent que le char de bataille doit disposer de la protection la plus efficace pour prétendre survivre sur le champ de bataille moderne. Bien sûr, quand il s’agit de la vie de nos soldats, rien ne doit être écarté, et ce pour leur assurer de meilleures chances de survie.

On le voit dans les projets futurs comme le MGCS qui doit être en partie robotisé, l’introduction de protection active, de dispositifs de brouillage, de commande déportée etc, tout est fait pour que le combattant soit exposé le moins possible et que ses chances de survie soit maximum.

Pourtant, une vue d’ensemble et un esprit critique feraient remarquer quelques incohérences dans cette pensée. D’abord, il est étrange de focaliser la protection sur un seul type d’engin. En effet, seul le char reçoit une tel effort pour le rendre moins sensible à la ferraille du champ de bataille.

Le combattant au sol, lui, en haute intensité, se voit beaucoup moins protégé déjà par son statut de fantassin, mais il est aussi potentiellement une cible pour de multiples systèmes. Les efforts sont entrepris pour le rendre plus discret, plus performant. Mais la solution obtenue n’est pas aussi poussée, ce qui est de toute manière normal, puisqu’on ne peut pas « blinder le fantassin » de la tête aux pieds.

Mais ce n’est pas seulement le fantassin qui est protégé a « minima ». Il y a aussi son moyen de transport. Le fantassin se déplace dans des véhicules tactiques blindés ou non. Ces véhicules procurent donc une protection proportionnelle à la masse de l’engin. Le Hummer, bien connu, est utilisé comme véhicule blindé de combat léger résistant au armes de petits calibres. Il peut transporter un demi groupe tout en combattant avec ses armes de bord. De l’autre côté du spectre, le Namer israélien de plus de 60 tonnes, est le véhicule transport de troupes le plus blindé au monde et a la protection d’un char lourd.

Mais voilà justement un point de détail : à l’exception du Namer israélien, tous les autres véhicules VTT VCI sont des engins compris entre 10 et 40 tonnes. On constate donc que la majorité de ces véhicules n’ont pas la protection d’un char lourd alors qu’ils ont souvent plus de 10 personnels à bord.

Le paradoxe de la vision de la protection, aujourd’hui, c’est que l’on va offrir un « confort » sécuritaire à un équipage de char, alors que le groupe de combat et son véhicule de transport auront à peine une protection à minima contre les armes automatiques (STANAG 4 -14,5 mm STANAG 5 – 25mm et pour les meilleurs STANAG 6 - 30mm) .

Sauf que tout le monde le sait, à la guerre, on ne choisit pas toujours ce à quoi on va être confronté. Idéalement, toutes les conditions doivent être mises en place pour que chaque camp puisse affronter son adversaire. Mais l’ennemi doué de raison comprendra bien vite l’intérêt d’aller « taper » le plus faible.

Certains rétorqueront que le char est en pointe de l’attaque, ce qui justifie cette protection. Pour conquérir un terrain, le char est le meilleur, mais seule l‘infanterie peut le tenir. Les véhicules de reconnaissance sont souvent « légers », comme le VBL. Il est pourtant aussi à la pointe de l’avancée de nos forces tout en n’ayant pas la protection d’un char. De nos jours, les VCI suivent les chars et leur armement dual leur permet de détruire les chars les plus puissants. Pendant la Guerre du Golfe 1991, il a été raconté que les M2/M3 Bradley avaient détruit autant de véhicules que le M1 Abrams.

Il y a alors deux lectures possible de ce constat. La première est qu’il faut protéger tous les véhicules au niveaux du chars. Si cela est techniquement possible à l’image de l’armée israélienne, cela reste difficile pour des pays comme le notre qui doit pouvoir projeter des forces n’importe ou et souvent très loin des bases logistiques traditionnelles. De plus, comme nous ne savons pas d’avance dans qu’elle environnement nous allons intervenir, il y a de forte chance que notre excès de protection devienne un handicape dans certain milieu.

La seconde lecture c’est de dire qu’au contraire, il n’est pas choquant de ne protégé tous les véhicules qu’au niveau du VCI. Cela sous entend que nous accepterions des risques sur le terrain de voir des engins perdu en raison des armes déployé par l’ennemi. Si cela peut paraître une faute moral par rapport a la survie de nos soldats, la réalité est bien plus complexe.

En effet, la protection n’est pas que l’amoncellement de protections passives ou actives de technologies, ce sont aussi de multiples mesures tactiques qui doivent limiter les risques. Parmi les plus connues, il y a l’appui mutuel, le déplacement en bons successifs, effectués correctement ses postes, ses défilements, savoir réagir aux menaces, savoir effectuer un travail collaboratif avec les autres unités. Il y a aussi le camouflage, le respect des procédures, l’optimisation du terrain etc.

Tout cela, ce n’est pas la machine qui l’apporte mais les personnels. Plus les personnels sont qualifiés, plus votre armée sera performante, même si elle n’est pas à la pointe de la technologie.

La RMA (Révolution Military affair) a fait ce mal qui est de faire oublier que tout n’a pas besoin de passer par la fourche caudine technologiste et qu’il possible d’imaginer les armes sous un autre prisme.


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