La Stratégie directe

 


La stratégie directe consiste à s’engager pour s’imposer, c’est-à-dire accepter le duel avec des compétiteurs. Cela peut provoquer des victoires décisives comme des échecs définitifs.


Construire un nouveau char sans prendre en compte la doctrine qui découle de la stratégie est beaucoup moins efficace que le faire dans une réflexion cohérente. Par exemple, les Allemands en 1940 ont en majorité des chars optimisés pour la manœuvre à travers l’autonomie et la coordination à la protection et la puissance de feu. Les Allemands n’auraient pas fait la même guerre si leurs chars avaient été bien protégés et armés. Ils auraient été plus lents et donc moins manœuvriers. De plus, leurs manœuvres d’encerclement auraient été peut-être déjouées.


La stratégie actuelle de la France est le fruit de 30 ans de mission de force de police. En fait, la nature des forces conventionnelles terrestres françaises a été dessinées par deux missions. La première est la mission traditionnelle de présence en Afrique et la seconde est le retour d’expérience de la guerre du Golfe de 1991. A cette époque, la France avait projeté une division interarmes pour affronter l’armée de Saddam Hussein. La France a eu du mal à construire cette division car la volonté politique a imposé qu’il n’y ait pas d’appelés du contingent dans les unités projetées. Cela était particulièrement difficile pour les unités de la « régulière» qui, au départ, étaient composées en majorité d’appelés.


La France a réussi à projeter 19000 hommes dont 12 000 hommes de l’armée de terre, mais cette force est inférieure au principal allié des État Unis qu’est l’Angleterre. Elle projette 36 000 hommes, 180 chars et 78 avions, ce qui permet d’avoir plus d’influence suite au conflit.


La nouvelle organisation en 2 divisions s’est faite suite à cette opération. Le livre Blanc de 2013 ne prévoit de projeter que 15 000 hommes de l’armée de terre. Mais, comme on le constate, les effectifs restent en dessous des forces britanniques de 1991. La France, de surcroît, ne dispose que de 200 chars et environ 250 chars légers. Cette force divisée en deux est très limitée, car il ne reste que 100 chars et 45 avions à projeter. Ce niveau est quasiment égal à celui de 1991.


Cela est conforme à l’idée que, de toute manière, la France ne combattra qu’en coalition avec comme leader les État Unis. Sauf que les dernières prises de position américaines ont laissé un doute sur la volonté du pays à intervenir avec ses alliés. Déjà le général De Gaulle avait justifié la création de la force de dissuasion par la non certitude de l’engagement américain en cas de conflit.


Une coalition européenne est actuellement le perspective stratégique suivie par la France. Le problème est d’avoir un meneur qui soit en mesure de coaliser les nations européennes. Mettre d’accord 27 pays n’est pas une chose évidente, surtout que certains de ces pays membres ont une grande histoire comme l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche, la Hollande, la Suède, l’Autriche et non pas forcément envie de se voir dicter leur avenir par un autre pays, fut-il membre de l’UE. On le voit dans la crise ukrainienne, il existe des désaccords au sein de l’UE sur les mesures à prendre. L’histoire et les peuples ne sont pas aussi « ouverts» à se laisser embarquer dans un conflit sans le sentiment d’une vraie menace distancielle et non celle vue par l’UE.


Si le volume des forces est cohérent avec une stratégie de coalition, cette stratégie est trop juste pour une guerre longue. En effet, si demain nous nous retrouvons dans un conflit face à un adversaire qui a suffisamment de résilience pour absorber le choc initial de la bataille, nous nous trouverons dans l’obligation de combattre dans une guerre longue d’usure qui sera beaucoup plus difficile à gagner. En effet, nous ne pouvons remplacer nos forces qu’une fois. Il nous faut donc des réserves qui soient en mesure de compléter nos forces si nos pertes sont trop importantes.


Le besoin est donc d’une coalition puissante qui soit en mesure d’assumer un approvisionnement continu en armement et en munitions. La difficulté est que l’Europe a abandonné une partie de son industrie d’armement aujourd’hui réduite au strict minimum. Elle ne dispose plus non plus d’industrie de transformation et de production de matières premières. En cas de conflit, la situation stratégique est même extrêmement dangereuse. La politique écologique handicape le financement des industries de défense : elle interdit de se soustraire au risque d’embargo des autres puissances en raison de la lutte contre le réchauffement climatique. 85 % des terres rares seront chinoises en 2025. Nous sommes donc actuellement incapables de disposer de matières premières pour nos armes en cas de sanctions chinoises. Cela veut dire que les conséquences, en cas d’invasion de Taïwan, pourraient être catastrophiques pour l’économie Européenne.


Mais il faut relativiser cette faiblesse. Le risque de conflit avec la Russie est faible. Il suffit de comparer les efforts financiers dans le domaine de la défense. La richesse cumulée des pays de l’OTAN même, à un taux à 2 %, est largement supérieure à l’effort Russe à 6 %. La France, c’est 50 milliards de Dollars, là où la Russie est à 64 milliards. L’OTAN, c’est presque 1 millions de soldats sans les Américains, sur une superficie immense. Et Cela, sans mobilisation. Les Russes, même dans une guerre non nucléaire, seraient condamnés à être arrêtés en cas d’offensive (il faut un rapport de 1 pour 3 pour une offensive réussie). La supériorité aérienne et navale alliée est très importante et le risque pour la Russie serait trop élevé par rapport au bénéfice. On peut donc dire, sans trop s’avancer, qu’il n’y a pas de menace russe.


Par contre, la possibilité de conflits périphériques n’est pas négligeable. Le danger le plus grand serait une coordination de l’Iran, de la Chine, de la Russie et de la Corée du Nord pour déclencher un « bras de fer ». On peut penser à de possibles attaques sur Israël, sur Taïwan, sur la Corée du sud ou le Japon, peut-être à une guerre hybride dans les pays Baltes, en Arctique ou en Ukraine (si la guerre n’était pas finie). Le blocage des détroits d’Ormuz, de Malacca ou de la Mer rouge aurait des conséquences stratégiques bien pires qu’une guerre. Une résurgence du conflit en ex-Yougoslavie n’est pas exclu. Le Caucase est toujours une zone de tensions fortes.


C’est pour cela que, s’il faut garder un œil sur la Russie, pour des raisons de crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens, il faut préparer une armée plus apte à une stratégie indirecte, où l’on chercherait à se garder des actions de nos compétiteurs, à fatiguer leurs forces dans des luttes secondaires, et où l’on riposte aux actions de l’ennemi, principalement en Afrique, pour reprendre l’ascendant.

Commentaires