La Force de notre armée

 

« Qui aime bien châtie bien »

J’écris souvent des critiques sur l’organisation ou le niveau de nos forces et la nature de nos équipements. Mais il faut avouer que même si tout était parfait, on trouverait toujours quelque raison de critiquer, c’est dans la nature humaine et les Français, en particulier, excellent dans l’art de la critique. C’est facile, surtout quand on n’a pas tous les éléments et aucun contradicteur à affronter. Les décisions de certains militaires et politiques pouvaient paraître logiques au moment où elles ont été prises, et les choix, de bon sens. Mais de nouveau événements (bien souvent prévisible pour qui voulait voir) on rendu ses mêmes décisions incohérentes ou stupides.

Quoi qu’il en soit, nous disposons quand même de chefs compétents et brillants. Certes, les généraux 2e section m’énervent souvent quand je les entends parler de stratégie sur les chaînes télé d’information continue, mais cela ne doit pas masquer leurs autres compétences.

Les chefs militaires français ont mené de très nombreuses opérations un peu partout dans le monde avec succès. Ce n’est souvent pas leurs erreurs militaires qui ont mené à des échecs stratégiques, mais plus le manque de culture stratégique de nos dirigeants politiques.

Ces mêmes chefs ont souvent dû gérer des « paradoxes » que de nombreuses armées auraient eu du mal à gérer. Dans les années 2000/2020, les soldats français étaient souvent sur de multiples théâtres dans le monde et en même temps. Avec des moyens toujours comptés, il a fallu gérer des situations difficiles dans des lieux bien inhospitaliers.

Par exemple, en 2011, la France s’engage dans l’opération Harmattan contre le dictateur Kadafi. En même temps, elle est au combat dans les vallées d’Afghanistan. Elle intervient en Côte d’Ivoire pour arrêter Laurent Gbagbo, ce qui finalise 8 ans d’opération Licorne.

En 2013, la France a, le même jour, lancé l’opération Serval au Mali, projetant 7000 hommes en quelques semaines dans une des régions du monde les plus difficiles. En même temps, elle lance une opération commando pour libérer des otages en Somalie. Certes, cette mission fut un demi échec. Qui, à l’exception des Américains, aurait osé de telles opérations, tout en étant toujours engagés en Afghanistan ?

Cela montre le niveau de compétence acquis de manière individuelle et collective par les chefs et la troupe. Cela est dû à l’excellence de la formation prodiguée à tous les niveaux et dans les domaines de spécialité. Les retours d’expérience et la richesse des cadres permettent de disposer d’un outil de formation efficace et jalousé. D’ailleurs, le manque d’un corps de sous-officiers a été chèrement payé par les Russes)

Les cadres et la discipline de la troupe montrent que l’armée est correctement encadrée et dispose

d’une grande richesse humaine. Le soldat est endurant et rustique (bien qu’il a un peu perdu depuis la professionnalisation). Le soldat français est dur a battre sur le champ de bataille. A l’exception de quelques événements malheureux, le soldat français reste maître du champ de bataille si on le lui demande.

Les équipements sont de plusieurs générations, mais un effort pour moderniser l’ensemble est indiscutable. C’est aussi l’œuvre des maintenanciers qui accomplissent bien des fois des miracles pour que les équipements soient opérationnels.

Dans une France individualiste et cloisonnée, l’armée est un liant culturel et social riche de ses hommes et qui méritent d’être valorisés. Dernier lieu où il existe un « ascenseur sociale » et où le mérite et la compétence sont pris en compte, l’armée reste un outil efficace pour nos décideurs.

Bien que souvent critiqué (par moi-même d’ailleurs) le niveau de nos forces et son organisation, même s’il est minimaliste par rapport à nos ambitions diplomatiques, reste au juste niveau de suffisance par rapport au Livre Blanc. Bien souvent dans le rouge, les armées françaises n’ont pas obtenu les augmentations de budget au moment où elles en avaient le plus besoin. Au contraire, c’est souvent à ce moment là que les coupes ont été les plus fortes et les plus sensibles. Les deux réformes de 2008 et 2013 au moment même où nos forces étaient engagées à divers endroits, ont mis à mal la confiance dans le « système ».

La réorganisation entreprise et le plan d’armée au « combat » lancent de nouvelles perspectives qu’il ne faut pas dénigrer. Le retour aux «grandes manœuvres » est une des parties visibles. L’armée, après avoir travaillé au niveau de la compagnie/l’escadron pour les opérations extérieures redécouvre la manœuvre des régiments, des brigades et des divisions.

Il faudra un temps certain pour que les état-majors retrouvent leurs compétences de la Guerre froide. A l’époque, le commandement manœuvrait des corps d’armée à trois divisions en terrain libre. Aujourd’hui, il manque beaucoup de capacités avant d’arriver à un tel niveau.

Mais l’essentiel est peut-être ailleurs. Il est dans la volonté de moderniser et d’apprendre pour se préparer à une guerre qui n’aura certainement pas lieu contre cet ennemi de l’Est. Mais rien n’est perdu dans l’entraînement et la prise de compétence ; le plus dur, c’est de garder ce qui est acquis.

En conclusion, je dirais que nous avons une belle armée qui serait difficile à vaincre malgré tout. Sa force en fait un outil diplomatique de premier ordre. Si cet outil est bien utilisé, il peut apporter des victoires stratégiques, mais si l’on ne prend pas compte de la réalité de sa puissance ou de celle de l’adversaire, il peut être mis en difficulté.



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