Voilà 9 ans
que le T14 nous a été présenté lors du célèbre défilé militaire russe du 9 mai
2015. Neuf ans d’une histoire avec des
rebondissements et cette question : va-t-on voir le T14 entrer en service
dans les forces russes. La réponse est sans doute : normalement oui, mais
pas pour l’opération spéciale.
Et oui, le
char après de multiples tests et un possible engagement au combat n’a pas
conquis le cœur des décideurs russes. La raison : son prix.
En effet, le
prix d’un T14 équivaut au prix de 3 T90M et de 6 T72B3M. Alors, à choisir, il
vaut mieux produire plus d’engins plutôt que d’avoir la Rolls Royce des chars.
Pourtant, en
Europe, les états ont fait le choix de disposer des équipements les plus
performants. On peut se demander pourquoi les Russes ne perçoivent pas le
problème de la même manière.
Il y a, en
premier lieu, l’aspect technique. Les Russes ont choisi la production de masse
et ont commencé à standardiser un
certain nombre d’équipements comme le canon lisse 2A46M-4 de 125 mm, le système
de contrôle de tir automatisé ‘Kalina’, la protection active ‘Relikt’ et la
mitrailleuse téléopérée de 12,7 mm comme sur le T90M.
Relancer une
chaîne en parallèle, sachant qu’il faut aussi moderniser les T72 et T80,
risquerait d’asphyxier l’appareil de production.
Un autre fait marquant est la relance de la production
du T80, un char produit à partir de 1978 alors que l’industrie aurait pu se
consacrer à la production du T14.
La réalité
est que techniquement, les Russes privilégient un engin aux performances
inférieures mais avec une bonne fiabilité et dont ils maîtrisent toute la
chaîne de production et de soutien.
D’un point
de vue tactique, la réflexion se porte sur la couverture du front. Une des
constatations déjà anciennes (cf. Achtung Panzer de Guderian) est que, sur un front, il vaut mieux avoir
des chars « moyens » un peu partout et en grand nombre que des chars
« lourds » en petit nombre et, donc, pas partout.
En effet,
les chars moyens qui vont se retrouver devant les chars « lourds »
n’auront aucune chance et perdront leurs duels. Cependant, leur nombre leur
permettra d’attaquer là où il n’y a pas de chars ennemis et de remplacer les
chars perdus en raison de la plus grande simplicité à produire rapidement ce
type de char.
Les chars
« lourds », eux, verront leur supériorité disparaître en raison de
leur incapacité à être remplacés rapidement et à couvrir tout le front. Ils sont donc voués à perdre.
Remplacez les
chars « lourd » par des T14, et des chars occidentaux et les chars
« moyens » par un char russe T72/T80/T90 et vous comprenez la
philosophe du concept.
La
supériorité sur le champ de bataille pour le char ne vient pas de sa
supériorité technique propre mais de la capacité à optimiser son action dans un
système d’interopérabilité interarmes qui optimise, à son tour, la combinaison
des effets.
Ainsi, le
char agit avec les autres armes dans un ensemble cohérent d’actions en vue
d’obtenir des effets sur le terrain ou sur l’ennemi et ainsi obtenir des succès
tactiques.
C’est
l’exemple du char M4 que j’aime présenter et qui, malgré de nombreuses
faiblesses a su apporter, par sa présence dans le système interarmes
alliés, la capacité à manœuvrer et
détruire les forces qui lui étaient opposées. Dans ce système, le nombre et la collaboration
a pesé plus que la haute technicité.
Le refus
russe de se lancer, pour l’instant, dans une production de masse de T14 est le
reflet d’un pragmatisme tactique qui correspond à la nature des combats. Les
chars sont des cibles de choix et ont une durée de vie bien courte par rapport
à l’effort industriel consenti pour les avoir.
Une armes à
10 000 euros (souvent moins d’ailleurs) est en mesure de neutraliser une
machine de 6 à 9 millions d’euros. Il n’est pas possible de gagner une guerre
avec un tel rapport de prix. Il vaut mieux avoir un char moins cher, plus
facile à produire et en plus grand nombre qu’un char lourd, ultra performant
mais trop cher et trop complexe à produire.
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