Quelques idées d’évolutions

 


 

Faire de la prospective nécessite une part d’imagination. Passionné par la chose blindée, je dois dire que souvent beaucoup d’idées ont déjà été imaginées, voire mises en pratique. Mais le plus difficile est souvent de les réutiliser en les combinant pour produire de nouveaux effets.

Le  char est un domaine dans lequel les idées semblent inépuisables ne donnant pas forcément des résultats probants ! Mais il est permis d’élaborer de nouveaux concepts intéressants.

Plusieurs de mes articles critiquent la surenchère des technologies intégrées sur les chars modernes. La réponse russe sur le T14 et le T80, révèle qu’à la guerre il faut produire en grande quantité.

Si l’on estime qu’il est important de produire en grande quantité (je parle idéalement de 20 chars par mois en temps de paix), il faut pour cela que l’engin soit simple, qu’il ne soit pas forcément à la pointe de la technologie et qu’il ne consomme pas trop de ressources.

Pourquoi ces trois contraintes ?

La contrainte de simplicité est tirée de l’industrie automobile. La fabrication de pièces complexes entraîne des risques de fragilité technique qui entraîne de la casse à plus ou moins court terme. Cela ralentit également la production et augmente le coût sans garantir de véritable gain.

Par exemple, le T34 et le Panthère sont deux chars moyens de leurs temps. Mais le premier privilégie la simplicité pour permettre une fabrication facile et une production simplifiée par des personnels peu qualifiés.

Si, que ce soit pour le T34 ou le Panthère, le temps de fabrication est quasiment identique, la capacité de produire plus, en raison de gigantesques arsenaux dans l’Oural, permet de faire la différence en faveur du T34. La simplicité est aussi un gage de fiabilité, car le véhicule russe est globalement plus fiable et plus facile à entretenir et à réparer. Cela favorise la flexibilité qui permet la réactivité.

Le problème d’être à la pointe de la technologie est que le lancement de cette technologie n’est pas toujours mature. Un temps d’adaptation est donc nécessaire et de correction plus ou moins longue. Cela arrive pratiquement à chaque fois qu’un nouvel engin entre en service. Mais régler cela peut prendre du temps. On le voit avec le T14 ou le Puma allemand qui ne sont toujours pas qualifié presque 10 ans après leurs entrée dans les forces.

Quant à la consommation des ressources, il s’agit de la part de l’activité de l’entreprise qui est consacrée au programme. Nous voyons aujourd’hui le programme SCORPION, avec le Jaguar, le Serval, le Griffon et le Caesar, consommer une part importante de l’investissement.

Introduire un nouveau véhicule aurait comme conséquence de fragiliser le programme  en mettant sous pression les chaînes de production et d’approvisionnement. Donc, si l’on veut en limiter l’impact, il faut accepter de limiter les innovations  technologiques.

Quelques idées d’évolutions

La France n’est pas immédiatement sous la menace d’un envahisseur, ce qui implique une nécessaire capacité à se projeter. De plus, la guerre en Ukraine a montré clairement que des équipements ultra- modernes ne prémunissaient pas du besoin d’avoir du nombre. Il faudrait donc produire un engin plus simple et plus léger. Plus simple, pour en simplifier le soutien, surtout s’il est loin et que ce soutien est menacé de frappe. Il faut également un engin plus léger pour permettre d’opérer sur n’importe quel terrain sans avoir besoin d’équipement particulier ou exceptionnel. C’était la force de l’AMX30.

En général, actuellement, pour réduire la masse, on passe par du chargement automatique, des améliorations dans le blindage  et/ou l’innovation, par de l’innovation structurelle comme la tourelle télé-opérée ou en casemate.

Comme je l’ai présenté dans mon article sur la différence entre char avec munitions en nuque ou en carrousel dans le châssis, chaque type d’engin a des avantages et des défauts.

A voir les munitions en nuque augmentent le volume qui est mis en tourelle, sachant que celle-ci est le plus exposée c’est augmenter le risque d’avoir une frappe qui provoque l’explosion des obus. L’avantage est que le souffle peut partir vers le haut évitant la destruction de la tourelle et, donc, augmentant les chances de survie de l’équipage.

Au contraire, les munitions en carrousel diminuent le volume exposé de la tourelle. Mais si une frappe touche les obus, elle provoque une explosion catastrophique du char et sa destruction ainsi que celle de l’équipage.

La solution pour profiter des avantages de chaque formule existe. Elle avait été montée sur le char léger M8 AGS de l’armée américaine. Il s’agissait d’un char léger aéroportable conçu pour remplacer le M551 Sheridan.  


Le chargement automatique était monté à gauche dans le panier de la tourelle et se présentait sous la forme d’un convoyeur rotatif avec les obus debout. Le chef d’engin et le tireur étaient à droite,       l’un devant l’autre. Une cloison blindée séparait les deux compartiments dans la tourelle.

Cette solution pourrait être revisitée aujourd’hui pour un montage sur un char lourd. Les principales modifications concerneraient la munition (le M8 était en 105 mm, le canon du char serait certainement un 120 mm) et la protection des munitions.

En effet, l’idéal serait que chaque obus soit dans des cocons isolés les uns des autres pour éviter une explosion par sympathie de l’ensemble des obus du chargement. Quand bien même cela arriverait, l’explosion devra partir vers le haut ou des trappes mobiles qui laisseraient passer le souffle.

 Autre solution pour réduire la hauteur et donc la masse et augmenter la discrétion : les suspensions actives. Déjà utilisé sur l’AMX10RC, le dispositif est monté sur les chars japonais ou coréens. La raison est la topographie montagneuse de leurs pays, mais aussi pour les Japonais, la nature des voies de communication de certaines îles.

Cette solution permet de réduire la hauteur de la tourelle car le tir en angle négatif, comme positif d’ailleurs, peut être corrigé par le châssis. Le véhicule est rabaissé et la tourelle est plus discrète.


En cumulant ces deux technologies qui ne sont pas révolutionnaires, il est possible de réduire la masse du véhicule de manière certaine. Le K1, grâce à la suspension et aux munitions dans le panier (il y a des chargeurs dont un 4 e homme dans l’équipage) gagne de 4 à 10 t par rapport au M1 qui lui sert de modèle.

Quant au chargement automatique, il est convenu que pour la conception du Leclerc, on a gagné environ 5 t.

Plus petit et plus léger, il est possible d’imaginer un moteur moins gros. Le K1 a le moteur du Léopard 2  A4 de 1500ch. Un moteur comme L’EUOPACK 1500 a fait gagner 1 m et donc, là encore, 5 t sur l’ensemble.

Toutes ces modifications permettent d’atteindre facilement les 45 tonnes idéales pour un char moyen français futur.

La part de l’électronique pesant de plus en plus sur le prix de l’engin, le choix de technologies déjà montées sur le Jaguar limiterait les risques et accélérerait la mise en service.

Des solutions technologiques existent et peuvent être employées pour modifier un char moyen futur. Ainsi doté, il permettrait à notre industrie de produire rapidement la masse de manœuvre nécessaire à une hypothétique remontée en puissance. 

 

 

 



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