Le MGCS, le futur char inemployable?

 


La promesse d’un accord-cadre entre la France et l’Allemagne sur la suite du programme MGCS devrait être signée le 26 avril, après plusieurs mois de retard. Le programme va donc être relancé et des milliards vont être injectés dans cette vitrine de la technologie européenne.

Même si je reste sceptique sur la suite de ce programme, il faut aborder ici un aspect supplémentaire de ce projet. Le programme ne répond pas, à mes yeux, aux besoins de notre armée.

Le MGCS, rêve technologiste, est la preuve d’une incohérence doctrinale et s’avérera sans doute être une arme de non-emploi.

Un rêve technologiste

Le programme MGCS est le fruit d’évaluations d’ingénieurs sur ce à quoi doit ressembler le combat futur. Les militaires ont exprimé ce qu’ils voulaient globalement pouvoir faire, à savoir, dominer le champ de bataille moderne. Les ingénieurs, eux, ont projeté les technologies existantes et surtout futures qui pourraient être intégrées au programme.

Le résultat a été un système multi-plateformes, habité ou non, qui dispose d’un armement et de systèmes couvrant l’ensemble du spectre des menaces.

 Le système s’appuie sur trois types de plateformes comprenant un véhicule de commandement, un véhicule disposant de moyens feu longue portée et une plateforme équipée de moyens feu direct doter d’une puissante artillerie.

Les plateformes doivent être télé-opérées à distance, être collaboratives et intégrées à un réseau numérisé.

A la pointe de la technologie, les véhicules robotisés ou non intègrent tous les moyens de protection active et passive les plus modernes. Ils disposeront aussi de moyens de camouflage actif dans tous les spectres, du visible au thermique en passant par l’électromagnétique.

Disposant de capacités feu tout aussi remarquables, le système devrait disposer d’un canon de gros calibre (130 ou 140mm), d’un autre avec des canons de petit ou moyen calibre, de missiles, de laser. Il est en mesure de traiter toute menace du champ de bataille jusqu’à 10km.

Mais une fois le cumul de technologies intégré, il faut pouvoir combattre, c’est-à-dire l’intégrer à un ensemble de systèmes collaborant, travaillant dans le cadre d’une doctrine.

Une incohérence doctrinale

Il est permis d’avoir quelques doutes sur la manière d’utiliser ce système. En effet, pour l’instant, il n’y a pas de descriptif précis de l’organisation d’un pion tactique MGCS. Le peloton sera-t-il composé de deux plateformes canon, d’une plateforme commandement et d’une plateforme missile ? Est-il prévu qu’il y ait 3 ou 4 systèmes complets d’une plateforme de chaque, ce qui ferait 3 ou 4 canons, 3 ou 4 VHL de commandement et 3 ou 4 véhicules missile, soit 9 ou 12 véhicules par peloton. Je reste perplexe sur cette option car très coûteuse.

Si on reste sur la première solution (4 véhicules), comment va-t-on organiser le combat ? Si c’est en peloton constitué, l’ensemble est cohérent . Mais si un véhicule est perdu, cette cohérence devient boiteuse, surtout si c’est le véhicule de commandement qui est détruit. De plus, le peloton serait  indissociable. En effet, si l’on divise le peloton, il perd sa cohérence d’emploi, donc il n’est pas possible d’avoir un binôme détaché au profit d’un autre peloton/section, ni de se diviser dans une zone urbaine.

Ainsi, le système ne permettrait pas de diviser le peloton, ni de perdre un véhicule. Or, c’est exactement ce qui est arrivé au pelotons de chars ukrainiens et russes. Pour l’instant, donc, j’attends de savoir comment les militaires vont  employer le MGCS.

Au regard des sommes qui vont être consacrées au programme, je pense que chaque plateforme va, elle aussi, coûter une somme certaine qui risque fort d’être supérieure au prix de chacun de nos chars actuels. Cela va donc limiter le nombre de plateformes disponibles.

S’il est prévu de remplacer nombre pour nombre, la France risque de se retrouver avec moitié moins de chars canon qu’aujourd’hui. Au lieu de renforcer l’armée française, celle-ci risque de voir ses forces réduites.

Une arme de non-emploi ?

Il faut constater qu’en opération, employer des chars de bataille en France est plutôt rare. La raison principale est que le char est considéré comme une arme de dissuasion conventionnelle. La question est de savoir si le MGCS sera utilisé en opération ou si nous allons nous retrouver encore, comme c’est le cas du Leclerc aujourd’hui, avec un char de non emploi..

En raison des budgets de Défense déjà plus que modestes, le choix d’un véhicule de non emploi est-il vraiment le plus judicieux ? La plateforme robotisée ne permet pas non plus un contact avec l’environnement du théâtre. Avec un robot, la prise de contact avec les autorités civiles, les forces de l’ordre, les ONG ou tout autre intervenant est complexe.

En outre, l’utilisation d’un système robotisé dévaloriserait la nature même de l’engagement. En effet,  les militaires, mais surtout les politiques, seraient davantage tentés de risquer l’intervention armée, puisque le risque de pertes humaines serait moindre. Or, un engagement pas suffisamment réfléchi peut avoir des conséquences désastreuses (voir les conséquences de la guerre en Irak en 2003 et de l’intervention en Libye en 2011).

En conséquence, je pense que le MGCS est bien le résultat d’une vision technologiste qui n’a même pas la garantie d’obtenir les effets escomptés sur le terrain, mais au contraire pourrait nous handicaper.

Je reste persuadé de la nécessité de réfléchir d’abord à la doctrine avant de sortir un véhicule de combat. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas de technologie mais que celle-ci doit être ajustée à nos besoins et non pas en devenir la raison d’être.      

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