Les grands dirigeants de ce monde redécouvrent que ce n’est
décidément pas la « fin de l’histoire » mais, qu’au contraire la
parenthèse enchantée de la chute du Mur de Berlin et de la fin des blocs est bien
fini. Le « tragique » reprend ses droits dans le rapport entre les
états.
C’est ce constat amer que font les dirigeants européens le
22 février 2022. Avec l’offensive russe, l’occident est témoin d’une
confrontation qu’elle n’avait pas imaginée. Elle qui sort toute puissante de la
confrontation contre le communisme en 1989 et qui, pendant presque 30 ans, va
jouer le rôle de gendarme du monde, constate avec stupeur que la «scène
internationale » n’est pas telle qu’ils l’imaginaient.
La première stupeur vient de l’inefficacité d’une croyance
en la force du marché et du droit pour gérer les relations entre les peuples.
Bien souvent mise à mal dans les faits depuis 30 ans, cette croyance est restée
vivace en Europe. Les seules sanctions contre la Russie devaient faire tomber
le pays dans un chaos. On devait provoquer l’effondrement de l’économie russe(1) mais, avec désarroi, on
découvre que les sanctions ne fonctionnent pas. Pire, le pays qui a le plus de croissance en Europe c’est la Russie (2) …
La deuxième croyance est que les peuples du monde
soutiennent unanimement les principes du « droit international». Ainsi
quelle ne fut pas la surprise de l’occident lorsque la majorité des pays du
monde tournèrent le dos aux demandes de
condamnation ou de sanctions contre la Russie.
L’occident universaliste qui prétend modeler le monde à son image,
pensant que c’est ce que demandent les autres peuples, découvre avec stupeur
une autre vérité. Le « droit international», défini par les pays
occidentaux et imposé au reste du monde, n’existe qu’en raison de la puissance
occidentale.
Cette puissance, d’autres la jalousait ou la méprisait.
Petit à petit, ces pays préparaient leur
revanche. L’occident, pendant ce temps, comme la cigale de la fable, profitait
de tous ses avantages pour s’enrichir. Exploitant les pays qui polluaient à
notre place (délocalisation de productions industrielles, extraction de
matières premières critiques en Chine et ailleurs), les occidentaux avaient, de
plus, l’arrogance de leur dicter la bonne conduite à tenir. Sauf que les échecs
des guerres en Afghanistan, en Irak, au Sahara, en Syrie sonnèrent le glas de
la crainte que suscitait la puissance
occidentale.
Pourtant, si le monde a mué, la société européenne en
particulier a, elle aussi, changé.
L’Union Européenne a nivelé les élites politiques des états membres. Les élites
européennes, après la Seconde guerre mondiale, se mirent d’accord pour
dialoguer ensemble afin d’éviter tout conflit entre leurs pays respectifs.
Conscient que les peuples manipulables pouvaient leur faire risquer le retour
de conflits inter-étatiques, ils s’organisèrent, avec la bénédiction des
Américains, pour créer la Communauté européenne.
Toujours conscientes du risque de retour nationaliste, ces
élites déconstruisent alors leurs fermants patriotiques pour une promesse
d’avenir passant par l’Europe. Ce long mécanisme entraîna la destruction des
sociétés, la monté de l’individualisme, le refus de l’histoire nationale
positive. Les élites expliquèrent que toute solution ne viendrait que par
l’Europe et les hommes politiques
perdirent, au fur et à mesure, leur autonomie de décision.
Pour qu’une majorité populaire ne puisse exprimer un
éventuel désaccord avec le projet européen, l’accent politique fut mis sur un
soutien des minorités de tous types et de tous genres. Les masses s’effacèrent
pour devenir échantillonnaires de telle manière qu’elles ne pesèrent plus rien.
En France, la fin du service militaire emporta les dernières notions de bien
commun et de patriotisme.
L’arrivée massive de migrants pour compenser le
vieillissement de la population transforme les sociétés à qui sont imposées de
nouvelles cultures et de nouvelles croyances. En effet, loin de s’assimiler
c’est-à-dire d’adhérer aux valeurs communes ou des projets communs (3), les nouveaux arrivants
viennent en grand nombre et ne sont pas assimilés. L’entre-soi favorise encore
plus cette archipellisation de la société et donc la désunion nationale.
Nos élites aujourd’hui se réveillent donc et se retrouvent
avec un monde hostile ou indifférent, un retour du tragique et de la guerre,
des peuples atomisés et diversifiés sans aucun ciment d’unité. Cet esprit
d’unité n’a jamais été aussi bas en Europe. En 2023, seuls 34 % des Français
de 30 ans ou moins pourraient envisager de s’engager dans les forces armées (4).
Le sondage de l’IFOP est d’ailleurs paradoxale, il montre
une confiance au forces de sécurité et de défense et en constate le manque de
reconnaissance. Ils se disent confiant aux institutions nationales mais l’engagement
réel par le service militaire par exemple n’est pas la solution préférée selon
la classe d’âge et le parti politique. Les personnes concernées par le service
sont moins encline à y adhérer mais privilégie plus le volontariat.
En réalité, les sondages ne reflètent pas la réalité des
engagements. Tant qu’il ne s’agit que d’une question rhétorique, les personnes
expriment plus une pensée qu’une volonté. La question est de savoir la solidité
de cette pensée lorsqu’il y aura des morts en grand nombre comme lors de l’embuscade
d’Uzbin. L’image des cercueils rappelle que la guerre tue.
Cela a surtout accéléré le repli d’Afghanistan.
Alors qu’en est-il pour une organisation supra nationale
comme l’Union européenne avec à sa tête un parlement lointain et des dirigeants
non élus. L’organisation européenne n’a jamais été aussi loin des peuples
qu’elle « méprise » consciemment ou non. Les sondages d’ailleurs montrent
un accroissement de l’idée d’une armée européenne mais cela peut être
contradictoire. La question est de savoir si l’idée d’armée est en corolaire d’une
idée de partage de l’effort et donc servirait à limiter l’effort financier et humain pour le
pays où il s’agit d’une vision pro
européenne de la défense. Mais une question posé à la volé sans débat est-il
révélateur d’une réalité ?
Demains si l’on explique que dans le cadre de l’engagement européen qu'il faille allez se battre contre une puissance locale (pour exemple, les turcs,
ou les algériens mais juste pour l’exemple) quel sera le degré de cohésion et d’adhésion
à ce combat. Quand serait-il d’un besoin de militaire pour défendre nos
départements et territoire d’outre-mer. Verrat’ on des allemands ou des danois
partir se battre pour ses territoires
lointains qu'ils considèrent comme des traces de l'époque coloniale française ? Quels ressentiments auront les peuples dans ce cas de figures.
Bien des questions qui ne sont posé dans ses sondages sur la défense
européenne.
Les parlementaires et les dirigeants européens pensent sans
doute de bonne foi servir le bien commun. Mais ce bien commun est-il compatible
avec le bien des peuples auxquels l’Europe ne laisse aucun pouvoir ? Les
peuples adhérent-ils vraiment aux « valeurs européennes » ? Et
quand bien même ils y adhéreraient, tiendraient-ils le choc face à des menaces mortelles ?
Imaginons que des populations russophones qui seraient
maltraitées (n’ayant pas le droit de parler russe ou de cultiver leurs coutumes
russes) dans un des Pays Baltes et que cela entraînerait une protestation ou
menace de conflit avec la Russie. Soutiendrions-nous automatiquement le pays
européen en question? Serions-nous prêts
à nous battre à ses côtés si les
agissements dénoncés étaient avérés ?
Si un conflit s’en suivait, qui déciderait d’envoyer les
soldats de quels pays membres ? combien de soldats enverrions-nous ?
Combien serions nous prêts à perdre d’hommes et pendant combien de temps ?
Ces hommes mourront pour qui ? l’Union Européenne ? le Pays Balte
concerné ? La France ?
On peut aussi se poser la question de nos forces nucléaires.
On connaît la position d’un certain nombre d’hommes politiques français pro-européens qui seraient prêt à
« mettre dans la balance » nos armes stratégiques. Quid de qui
déclenche les feux alors et dans quels cas. Les Français , les Espagnols, les
Grecs et bien d’autre pays considéreraient-ils le risque de chute des Pays
Baltes comme un risque majeur pour leur propre sécurité ? Cela justifierait-il
une réponse nucléaire de la part de la France, seul pays UE détenteur de l’arme
nucléaire ? Le Président de la Commission européenne, par exemple, serait-il
habilité à appuyer sur le bouton de l’arme qui détruirait une ville adverse et
sa région, déclenchant par là-même une réponse nucléaire d’égale puissance aux
conséquences apocalyptiques de la part de l’ennemi ?
Les Russes ont déclaré que toute frappe contre leur pays
justifierait une réponse contre, non pas le pays ou l’organisation qui demande
du soutien, mais contre le pays du lanceur de l’attaque. Sommes- nous prêt
alors à perdre Paris, Lyon, Marseille, Lille pour Riga, Tallinn ou Vilnius ?
Dans les questions, il y a déjà les réponses. D’autres
expliqueront que là n’est pas le problème, que cela n’arrivera jamais de cette
façon, ou qu’il faut voir les choses autrement dans un monde toujours plus
complexe. Que tout cela n’est pas aussi simple et que la vérité est bien plus
compliquée…
Un soldat aujourd’hui s’engage à servir. A servir son pays,
ses frères, son peuple, sa patrie. L’UE n’est rien de tout cela. La France
toute seule, sans l’UE, a été la quatrième puissance mondiale en 1980. Elle a
été la 3e puissance spatiale, la 4e puissance nucléaire.
Comme j’aime à le rappeler, elle est le pays qui, en 800 ans, a participé et
gagné le plus de guerres, a gagné le plus de batailles dans toute l’histoire de
humanité. Et aujourd’hui, on nous explique qu’elle n’est plus capable de rien
sans les autres. Or, depuis qu’elle est avec les autres, elle n’a pas cessé de
décliner.
(1) https://www.youtube.com/watch?v=kn7D7wvF1QY
(2) https://www.latribune.fr/economie/international/la-russie-renoue-avec-la-croissance-economique-malgre-les-sanctions-occidentales-990010.html
(3) https://www.courrierdesmaires.fr/article/face-a-une-societe-qui-s-archipellise-difficile-de-faire-emerger-des-themes-partages.20497
(4) https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-lengagement-patriotique/
Bravo pour votre analyse, pertinente de bout en bout !
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