Quelques enseignements du conflit Ukrainien d’un point de vue tactique.

 

Le premier enseignement est la mise à distance. La zone du champ de bataille est tellement hostile qu’il est risqué d’y manœuvrer. Au début du conflit, les avions et les hélicoptères y combattaient mais la défense sol-air y est tellement dense qu’il est risqué d’y effectuer un quelconque passage. Le coût élevé des aéronefs et la qualification des pilotes, longue et coûteuse, ont obligé les belligérants à changer de tactique et privilégier des actions à distance. Il en va de même du char dont, aujourd’hui, 98 % de l’action consiste à faire de l’appui feu par du tir indirect. Seuls les fantassins s’exposent en première ligne et, d’ailleurs, leurs pertes sont importantes.


Il y a aussi la dronisation du combat. Les deux belligérants s’affrontent par appareils télé-opérés. Drones navals, terrestres, aériens ont comblé le manque de moyens habités. Les robots terrestres sont les seuls qui n’ont pas encore participé de manière massive à ce conflit. Cela est dû en partie à la difficulté du milieu terrestre comparativement aux milieux fluides que sont l’air et l’eau. Cela met toujours plus à distance les combattants du combat de contact.


Le camouflage et la fortification ont fait leur retour. La guerre symétrique crée un équilibre de puissance qui oblige les forces en présence à se protéger de manière plus sérieuse. C’est la fin des regroupements et des postions visibles du ciel. La discrétion électromagnétique, visuelle et sonore est de mise. Sur la zone de contact, le camouflage est nécessaire pour les relèves, les mises en place et les infiltrations. La nuit n’offre aucune sécurité. Les caméras thermiques repèrent à longue distance tout déplacement. Seul un camouflage efficace et adapté et l’utilisation de zones d’infiltration les plus discrètes possible offrent une chance de manœuvrer.


Les attaques se font dans la profondeur. La ligne de contact s’est transformée en zone plus profonde. Les approches sont des plus en plus difficiles et le déplacement vers la zone de combat devient une manœuvre en soi. Les frappes désorganisent aussi toute planification d’offensive. La possibilité de lancer des champs de mines à distance cloisonnent les forces en empêchant toute prise de vitesse dans l’attaque.


La guerre électronique est primordiale. L’électronique permet d’identifier les zones d’émissions, de les brouiller ou de les infiltrer. Cela complique l’action militaire pour des armées toujours plus connectées. Il permet aussi de coordonner des frappes dans la profondeur sur des installations camouflées ou repérer des flux de personnels, ce qui rend capable de percevoir l’organisation de l’adversaire.


La guerre d’usure est la seule forme de stratégie qui a été considérée comme efficace dans ce milieu. Incapables de manœuvrer et de donner de la vitesse à l’action, les belligérants ont choisi le bras de fer ou l’usure du moral et de l’économie. Les capacités industrielles, démographiques de deux blocs s’affrontent recherchant la rupture. Cela est consommateur en hommes et matériel et peut aboutir à un statu quo.


Le conflit ukrainien est-il le modèle d’un futur conflit où la France pourrait être engagée ?


S’engager dans un conflit de haute intensité serait justifié uniquement si la survie de la nation ou des intérêts vitaux français étaient menacés.

Imaginons être engagés dans un combat face un de nos compétiteurs. Nous le ferions seulement si nous participions à une coalition avec des partenaires en mesure de nous donner du volume. Quel serait alors notre degré d’acceptation des pertes dans ce conflit ? Cette variante limite pour l’instant toute action et pose la question de la nature de nos engagements diplomatiques.


Le problème de la capacité industrielle ( ressources humaines, matières premières, machines outils, qualifications) et une opinion publique individualiste et fragmentée rendent tout conflit de haute intensité extrêmement dangereux pour la cohésion nationale.


Seule une intervention courte serait peut-être tolérée. Il est donc nécessaire de s’adapter tactiquement et technologiquement pour que, dès le début d’un hypothétique conflit, nous ayons l’avantage et gagnions la confrontation le plus rapidement, et ceci sans trop de pertes.


Commentaires