L’une des raisons principales de soutenir les Ukrainiens,
outre le respect du droits international, est la protection de l’Europe contre
une attaque russe. Cette affirmation est le principal moteur du réarmement
occidental et européen en particulier. Il est vrai que l’Europe part de très
loin.
En effet, la chute du Mur de Berlin en 1989 et la
dissolution du bloc communiste ont laissé l’Europe sans réel adversaire. Les
nations en ont alors profité pour désarmer et utiliser autrement l’argent qui
auparavant était consacré à la défense. Les entreprises, souvent d’état, ont
été privatisées et leur taille a été réduite. Convaincues que ce phénomène
allait perdurer, les entreprises, sous l’impulsion des états, ont fusionné les
secteurs de l’armement pour constituer de grands groupes à même de rendre
soutenable le peu d’investissement étatique.
Mais l’Europe, même affaiblie, dispose de plusieurs atouts
non négligeables. Le premier est de disposer de forces aériennes globales
nombreuses et bien équipées. Engagée régulièrement dans des conflits armées,
celles-ci, couplées avec celle des Etats-Unis, sont en mesure de représenter un
obstacle de premier ordre.
Le second atout est de disposer aussi de forces navales
importantes, avec des moyens aéronavals conséquents même si ces forces restent
à moderniser. Les flottes disposent de flottes relativement récentes avec des
marins bien entraînés.
De plus, les systèmes de commandement des pays européens
sont entraînés et ont des moyens de communication efficaces et éprouvés. Les
Européens ont très souvent organisé des opérations complexes inter-armes et
inter-armées. Si les soldats ne sont pas les plus résistants, leur préparation
est bonne grâce à un nombre d’heures minimum d’entraînement.
L’avantage technologique est reconnu et, pour l’instant,
vérifié. Les armes sont récentes, même si elles viennent, en partie de projets
des années 80. Si beaucoup d’entre elles manquent d’entretien, il est
quand même possible d’en disposer d’un certain volume rapidement.
Si les armées sont peu nombreuses, elles restent cumulativement un obstacle de taille pour
toute armée qui chercherait à la confrontation. Il ne faut pas oublier que
l’attaque nécessite des rapports de force de 3 contre 1. En nombre, l’avantage
numérique initial contre un état seul
disparaît quand les autres états viennent en soutien.
Le nombre, justement, est bien du côté Européens. En effet,
le cumul des nations permet de mobiliser des réserves humaines importantes.
L’économie des pays européens, même en difficulté, reste puissante et le
soutien de partenaires mondiaux pourrait contribuer à rapidement faire basculer
la situation à l’avantage des Européens. Seule l’intervention de la Chine
pourrait peut-être provoquer un déséquilibre..
Côté russe, la guerre a montré que les armées disposaient
aussi de plusieurs atouts. La capacité de production est assez importante grâce
à des stocks nombreux de matières premières, d’ouvriers, et de vieux stocks à
moderniser. Cela a permis aux Russes de tenir le premier hiver de guerre
difficile suite à la défaite d’autonome 2022.
La Russie dispose aussi d’une industrie en pleine
modernisation et qui avait profité de financements en RT et RD importants avant
guerre. Cela à payer et a permis de rapidement lancer la production de nouveaux
armements, en particulier les drones.
Les forces conventionnelles russes sont encore numériquement
importantes, mais elles ont montré de nombreuses lacunes.
La première d’entre elle est la doctrine et le système
de commandement. Loin d’être flexible,
le système donnant trop de pouvoir à très peu d’hommes a pour conséquence une
incapacité à l’initiative. Le manque de sous-officiers se fait aussi fortement
sentir. Il en résulte une reproduction d’erreurs meurtrières qui aurait pu être
évitée avec une analyse plus fine des échecs précédents.
La seconde lacune est le vieillissement global de la machine
de guerre qui est encore globalement celle des années 70 et 80. Il fut très
surprenant, par exemple, de constater l’utilisation de beaucoup de MT LB, un
engin des années 1960, dans les unités de premières lignes. Les Russes n’ont
pas introduit, pour l’instant, massivement, de nouvelles générations de
véhicules blindés. Le programme ARMATA et autre KURGANET reste
échantillonnaire.
De plus, l’armée russe ne dispose pas d’une supériorité
numérique dans les espaces fluides. La flotte de haute de mer est
vieillissante. A l’exception de la flotte sous-marine, elle n’est pas capable
de rivaliser avec celle de l’OTAN. La flotte aérienne russe est en voie de
modernisation mais le nombre d’avions, la doctrine d’emploi et la qualité des
chefs et des pilotes sont inférieurs aux standards occidentaux.
Il faut prendre en compte aussi que toute offensive dépend
de la capacité logistique de projeter des forces. Si la Russie est forte dans
la projection dans sa sphère d’influence proche (la CEI), il n’en est pas de
même dans sa sphère lointaine. Lancer une offensive en Europe nécessite une
mobilisation logistique bien plus importante que celle à disposition aujourd’hui
en Russie.
Ainsi, la seule partie que pourraient jouer les Russes
serait une action limitée contre les Pays baltes, car ces pays restent
difficilement accessibles pour d’éventuels renforts européens. Mais cela ne
veut pas dire que leur prise sera facile et qu’une guerre longue ne tournerait
pas à l’avantage de l’Europe.
En conclusion, les craintes d’une attaque russe contre
l’Europe restent sans doute infondées. La limite des capacités offensives
russes pousseraient les nations à la confrontation nucléaire, ce qui ne
laisserait aucun vainqueur. Pourtant, des
crises au sein de l’OTAN et de l’UE pourraient créer les conditions
d’une rupture stratégique. Ces crises sont déclenchées, par exemple, par
l’abandon de l’OTAN par les Etats- Unis, par des désaccords internes au sein de
l’Union sur la coordination des moyens ou par, en cas de guerre, le risque de
pertes humaines pour des états ou des peuples qui n’accepteraient pas la notion
de solidarité supranationale. La faiblesse occidentale est, ici, plus politique
que militaire et c’est peut-être là la faille que pourraient exploiter les
Russes.
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