La Force de l’autonomie

 

A l’aube d’une treizième série de sanction contre la Russie, les compétiteurs montrent chacun leurs points forts et leurs faiblesses. L’affrontement actuel nous apprend que la puissance comme elle est définie aujourd’hui n’est pas, en réalité, un facteur déterminant dans l’obtention de la victoire.


En effet, disposer d’une puissance financière est certes un facteur de puissance en temps de paix, mais lorsqu’il y a des problèmes, il apparaît que l’argent seul ne fait pas tout. La France, en particulier, a découvert cela pendant la crise du COVID. Mais de nombreux autres avertissements nous avaient alertés sur la faiblesse de notre puissance.


En 1991, la France disposait d’un ensemble de technologies à sa disposition lui permettant un certain degré d’autonomie. Elle disposait, dans le domaine primaire, un certain nombre de mines lui fournissant la matière première, des industries de transformation et des bureaux d’étude à même de concevoir tous les équipements dont nous avions besoin.


La contrainte était d’abord que le régime sociale démocratie en place dans le pays depuis le début de la Guerre froide pour garantir un équilibre minimum entre classes sociales dans le pays, provoque un coût certain de la production.


Avec la chute du Mur de Berlin, avoir les ressources et l’outil de transformation n’étaient plus un avantage puisque la mondialisation a fait que la production pouvait se faire n’importe où. Les gouvernements qui se succédèrent choisirent donc un nouveau format d’économie pour notre pays.


Le résultat est d’avoir vu toute nos ressources primaires disparaître à l’exception de l’agriculture et l’industrie qui va être amputée de presque 50 %.


L’industrie d’armement va subir la fin de la Guerre froide avec une baisse des commandes nationales, les mêmes qui faisaient vivre cette économie. Pour pouvoir survivre dans une économie toujours plus contraignante, les entreprises d’état sont privatisées et s’unissent avec des entreprises étrangères en vue de constituer de grands groupes. C’est ainsi que l’on voit des groupes comme THALES, SAFRAN, AIRBUS prendre une part croissante de ce segment d’économie.


Seulement, le concept ne fonctionne que dans un environnement international stable. Le premier avertissement est venu avec la première guerre en Ukraine en 2014 puis la crise du COVID. Nous avons alors découvert que le fait d’avoir de l’argent ne garantissait pas d’avoir quelque chose à acheter. Lorsque le besoin se fait sentir, l’égoïsme national ressurgit.


La Russie a eu ce mérite de ne pas avoir bradé toute son industrie et d’avoir garder l’exploitation des ressources primaires. Ainsi, elle a su tenir bien mieux que prévu aux sanctions occidentales.

En contrepartie, les sanctions ont bien plus touché l’occident, car celui-ci est bien plus dépendant des ressources étrangères et en particulier des hydrocarbures russes.


La difficulté de financer, dans une économie déjà sous contrainte en raison d’un endettement des plus énormes (120 % pour la France), une économie de guerre provoque en réalité une multitude des désillusions sur nos capacités.


La réalité est qu’une guerre se prépare et que cela nécessite de gros investissements. Pour rappel, en 1939, c’est 69 % de notre économie qui est consacré à notre défense pas 2 %…



Le réveil est plutôt tardif sur la réalité de la conflictualité à haute intensité. Les occidentaux se sont tellement désarmés que lorsque les Américains ont annoncé qu’ils cessaient de fournir l’aide aux Ukrainiens, les Européens se sont retrouvé sans solution immédiate. Les Américains ne voulaient pas non plus s’avouer qu’ils avaient de moins en moins d’équipements à fournir. La réalité du risque de multiples champs de bataille avec le déclenchement de la guerre à Gaza et en mer Rouge est en train de poser un problème stratégique majeur aux alliés.


La pression qu’exercent les nations les unes sur les autres crée des situations de conflictualité qui n’avaient pas été imaginées par les promoteurs de l’OTAN ou de UE, ni de la mondialisation d’ailleurs. On peut d’ailleurs se poser la question de l’Allemagne qui voit ses pépites industrielles quitter le pays pour les États Unis en raison d’un milieu économique plus favorable. Elle voit aussi son industrie lourde et chimique s’effondrer dans un marché beaucoup plus concurrentiel à cause d’un prix du gaz trop élevé.


L’utilisation du Dollar comme arme économique mène à une dédollarisation du monde. Les BRICS sont en train de construire une économie parallèle à celle de l’occident tout en y gardant des liens. Toujours plus dépendants les uns des autres, les états sont sous pression pour limiter une partie des sanctions contre la Russie.


Le résultat est que l’Union Européenne paiera de manière indirecte la guerre des Russes en achetant du pétrole et du gaz à l’Inde et à l’Azerbaïdjan. La volonté de limiter à 60$ le prix du brut russe n’a jamais fonctionné car les besoins imposaient des prix plus élevés. La réalité des liens entre états et leurs besoins nous laisse face à notre incapacité de faire fléchir économiquement la Russie.


Demain, quel serait notre degré d’autonomie si nous nous trouvions en face de l’un de nos compétiteurs dans une confrontation directe. Serions-nous capables de tenir ou serions-nous entièrement dépendants des autres, nous privant ainsi de notre liberté d’action.


Le choix d’Israël et de son premier ministre de continuer le combat contre le HAMAS alors qu’une grande partie du monde occidental condamne révèle le manque de fiabilité des « alliés ». la pression économique indirecte exercée sur les Israéliens ne fait pas plier ces derniers en raison d’un certain degré d’autonomie militaire. C’est déjà le fruit d’un retour d’expérience de 1968 et 1973 où les Israéliens ont eu à subir un embargo sur l’armement. Aujourd’hui, le pays est toujours très dépendants des États Unis mais cela fera t-il plier la volonté du gouvernement israélien ? Pour l’instant elle tient.


Mais pour ce qui est de la France, aura-t-elle le soutien inconditionnel de ses alliés si le pays ou ses territoires sont menacés ? Quelle sera la réaction et les alliances en cas de confrontation ? Personne ne peut le dire.

C’est la raison d’être de la dissuasion et de l’armée. Mais c’était aussi une économie et des ressources qui devaient éviter de mauvaise surprise et qui avait été mise en place sous le Général De Gaulle. Le problème, c’est que 30 ans de mondialisation ont détruit cette économie et ressources et laissent la France sans arme.

Reconstruire ces outils est donc essentiel. Malheureusement, ce n’est pas vers l’Europe qu’il faut se tourner car, devant les difficultés, chaque pays se retrouve seul.


En conclusion, la France est encore une grande puissance qui a de nombreux atouts, mais elle doit pouvoir être prête à mettre en état de marche en vue de retrouver une autonomie minimale qui lui permettra de rester libre et de choisir son destin.


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