En ce mois de janvier 2024, le front Ukrainien s’est figé,
comme celui de la Grande guerre, sous un épais manteau de neige. Les hommes se
battent et vivent, comme leurs anciens, dans des tranchées. Et pourtant, nous sommes
aux XXIe siècle, à l’âge des hautes technologies et des vols spatiaux. La
puissance des armes modernes a rendu impossible toute attaque sans de lourdes
pertes. La situation s’est donc figée. La ligne a remplacé la flèche.
L’agression russe du 24 février 2022 avait commencé par des
attaques multi-directionnelles qui avaient pris les Ukrainiens de cours. Si
l’attaque vers Kiev avait été un demi succès, l’offensive de la 58e
armée inter-armes (AIA) avait été une réussite avec la prise de Kherson et de la
partie sud de l’Ukraine.
Le repli sur le Donbass en avril 2022 met fin à cette guerre
de manœuvres et désorganise l’armée russe usée par deux mois de combat.
L’offensive ukrainienne de septembre 2023 est l’ultime grande manœuvre de la
guerre. Elle s’appuie sur une surprise tactique rendue possible par de la
désinformation et un terrain favorisant la discrétion de la manœuvre. La
vitesse de l’attaque permet de reconquérir une partie du terrain perdu.
C’est à ce moment-là que se construit la ligne de fortification
russe qui va figer le champ de bataille pour l’année 2023. Chaque offensive est
maintenant contenue par de multiples défenses en profondeur, faites de
tranchées, mines et autres obstacles qui empêchent toute progression rapide.
Russes comme Ukrainiens sont fixés par ces défenses qui
infligent de lourdes pertes en hommes et en véhicules. Les drones couvrent une
profondeur de 10 km qui empêche toute action surprise. De plus, ces mêmes
drones attaquent les fantassins dans leurs abris. Ils guident l’artillerie dans
des frappes toujours plus précises.
Les mines jouent de nouveaux un rôle de premier plan. Mises
en place en avant des défenses, elles bloquent toute offensive mécanisée. Les Russes les
projettent par lances-roquettes sur les arrières de l’ennemi pour empêcher les
renforts de monter en ligne et d’effectuer les relèves. Les missiles et les
drones frappent à plus de 10 Km le moindre véhicule en déplacement. Ils
attaquent l’artillerie et la logistique.
La guerre se transforme alors en guerre
d’usure. La capacité de production de matériel et de renouvellement des forces
devient essentielle. A ce jeu, pour l’instant, la Russie semble avoir
l’avantage. En effet, la Russie dispose de matières premières abondantes. Elle
a aussi un outil industriel qui a été modernisé et qui lui permet de produire
de grandes quantités de matériels. Elle dispose également de stocks de
matériels datant de la Guerre froide et qui lui a permis de reconstruire plus
rapidement les unités affaiblies par les combats.
De plus, elle dispose d’un vivier de personnels dans son
immense empire qui lui procure des hommes qui ont connu la guerre pour certain
et qui sont très rustiques. Ultime avantage, elle a des partenaires qui lui
fournissent ce qui lui manque, principalement des composants électroniques et
des munitions.
Si l’année 2023 est la victoire de la stratégie défensive
russe, l’année 2024 pourrait être l’année de la stratégie défensive
ukrainienne. Mais pour cela, il ne faudrait pas que celle-ci se lance dans de
nouveaux assauts et elle devra, au contraire, profiter de ce temps pour se
régénérer.
La guerre de manœuvres fera-t-elle sa réapparition un jour
sur le front ukrainien ? Cela dépendra de la capacité des belligérants à
innover tactiquement comme techniquement, à manœuvrer en arrière et concentrer
des moyens inattendus pour obtenir une supériorité sur un point et à un moment
donnés.
Un match de rugby.
La manœuvre possible d’un point de vue opératif est la
manœuvre arrière. Comme un match de rugby, les deux armées sont de force égale.
Il s’agit ici, pour celui qui a l’initiative, de fixer un maximum de forces
ennemies sur un point et puis, très rapidement, de faire basculer l’axe
d’intérêt par une manœuvre parallèle à la ligne de front. Il provoquera ainsi
une surprise qui obligera l’adversaire à réagir, ce qui créera un nouveau point
de fixation. Cette opération peut être répétée jusqu’au moment où l’adversaire
est en retard sur votre action.
Il faut alors pousser au maximum pour l’obliger à réagir
plus fortement, ce qui créera des décalages. C’est le moment d’envoyer des
réserves fraîches sur un terrain faiblement défendu mais que l’ennemi ne pense
pas vulnérable à une attaque. La vitesse de la manœuvre arrière et de la
capacité à changer d’axe peut provoquer la rupture du front et la
désorganisation de l’adversaire.
Il faut aussi travailler à neutraliser la manœuvre arrière ennemie par des raids aériens et l’attaque de drones. La projection de champs de mine dans les arrières doit ralentir la vitesse de la réaction adverse. Une fois l’ennemi mis en déséquilibre, une attaque sur l’ensemble du front peut provoquer la rupture généralisée et le retour à la guerre de manœuvres avec la possibilité de conquêtes de vastes espaces.
exemple la bataille de El alamein
Pour réussir cette manœuvre, outre l’importance des frappes dans la profondeur, la vitesse d’exécution et la surprise, ce sera la capacité à régénérer les unités d’attaque qui fera la différence. La guerre de haute intensité se gagne, dans les temps modernes, autant sur le champ de bataille que dans les usines.
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