Moins de Spécifications

 

Une spécification est une information technique demandée par l’opérationnel ou la direction générale de l’armement pour un engin ou un programme d’armement. La spécification est souvent vue comme une capacité absolument nécessaire pour avoir l’avantage sur le champ de bataille. Le problème majeur est que plus il y a de spécifications, plus la conception et la construction sont complexes.


Pour ne donner qu’un exemple, le char Leclerc dispose d’une capacité de tir dégradée qui va du tir Leclerc en roulant à 60km/h sur une cible à 4000m à un tir à l’arrêt d’une AML 90 à la courbe stadimétrique. Certes, cette capacité permet de tirer même dans les conditions les plus dégradées mais en réalité, en plein combat, il est peu probable que l’équipage accepte de rester sur le champ de bataille avec un telle dégradation du système.


Il faudrait donc que soit posée la question de savoir ce qu’il est essentiel d’avoir et ce qui reste du gadget coûteux. Je cite souvent la volonté d’avoir un char qui tire à 60km/h à 4000m. En réalité, en raison du déplacement du véhicule et du temps nécessaire pour viser et tirer, le véhicule cible risque, soit de changer d’attitude et donc faire échouer le tir, soit notre char va arriver plus vite que prévu sur la zone de tir du char adverse. En effet, le char parcourt en 10s 170m et 1km en 1mn. Et pendant le temps de vol de 2s, le véhicule évoluant à 20 km/h, aura parcouru 10 m. Si le véhicule change d’attitude avec un coup de frein ou une accélération, le tir échoue. C’est pour cela en partie que les Russes ont privilégié le tir d’un missile qui permet de modifier la trajectoire du missile en cours de vol à cette distance.


Pour arriver à ce tir, il faut une conduite de tir performante, une stabilisation optimum, mais aussi un train de roulement performant, ainsi qu’une boîte de vitesse qui ne change pas quand le tir s’effectue. En fait, une spécification engage de multiples mécanismes et boîtiers électroniques qu’il faut aussi vérifier. Un cahier des charges contraignant rallonge le temps de test et donc le temps de mise en service. C’est pour cela que l’on parle souvent en terme d’années pour la validation d’un système aussi complexe.


Réduire les spécifications comme le demande le CEMAT c’est réduire le temps de recherche en technologie et en développement, réduire le temps de d’évaluation et de qualification et donc, réduire le temps de mise en service des engins.


L’espoir de nos chefs est de pouvoir disposer plus rapidement des engins dont l’on pourrait avoir besoin dans un temps plus bref qu’initialement prévu. Cette réforme intellectuelle et structurelle est essentielle si l’on veut un jour répondre au danger des menaces futures qui s’amoncellent à nos portes.

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