Depuis 30 ans, l’occident a combattu sur un grand nombre de
territoires dans ce vaste monde, souvent contre des adversaires asymétriques
bien moins armés que lui pour faire la guerre. Pourtant, l’occident, malgré des investissements
record, s'est vu refoulé du Moyen-Orient et d’Afrique. De nouveaux concurrents l'ont alors remplacés sur ces théâtres. Quelles sont les raisons de cette remise en cause de la domination de l’occident
par de nouveaux acteurs qui, ces dernières années, ont pris une place croissante dans la gestion du monde ?
La fin du communisme
En 1991, l’URSS explose, signant la fin du communisme comme
bloc d’opposition à l’occident. Vainqueurs par abandon, les libéraux qui
avaient toujours eu peur du risque de submersion du communisme en occident
voient cela comme une victoire absolue de leur vision du monde. Jusque-là, il
avait dû accepter un modèle social-démocrate qui équilibrait la répartition des
ressources entre les travailleurs et les actionnaires. La fin du communisme
sonne comme la fin de cet équilibre.
Le libéralisme en grand vainqueur va bouleverser le monde et
la nouvelle mondialisation de l’an 2000 va voir la croissance mondiale
exploser. Le transfert des systèmes productifs de l’occident vers l’ancien
tiers-monde va permettre de décupler la richesse des investisseurs occidentaux
et de voir de nouvelles puissances émerger.
L’occident aspire alors à une croissance sans fin grâce à la
mondialisation des économies et des hommes qui entraîne la fin des conflits
entre états et la théorique « fin de l’histoire ». En effet, uni par
un commerce mondial interdépendant sans frontière, il semble que le monde ne
risque plus d’être déchiré par des conflits.
Sauf que la réalité est tout de suite plus complexe. La
chute du Mur de Berlin entraîne aussi explosion des conflits intra-étatiques.
En effet, la logique des blocs imposait des règles de limitation de l’action
entre belligérants. Le changement vient alors de ce que l’opposition entre les
blocs ne fait plus son travail de régulateur, ce qui entraîne les
confrontations jusqu’alors contenues. De plus, un grand nombre d’armes se sont
retrouvées sur le marché régulier et irrégulier. Jamais il n’y a eu autant de
déplacements d’armes depuis la Seconde guerre mondiale.
L’occident libéral peut aussi, avec la fin des blocs, voir
enfin appliquer le droit international. En effet, le libéralisme, par essence,
refuse la conflictualité. Pour les libéraux, le droit doit régir la relation
entre les hommes, mais aussi entre les entreprises ou les états. Les grandes
puissances, c’est-à-dire les puissances occidentales, se voient chargées des opérations de police au nom de ce droit
international.
Or, le droit et les devoirs supposent l’appartenance à un
ensemble ayant des règles communes bien définies acceptées de tous. Les
libéraux croient à l’universalisme de
ces règles. Ils y croient tellement qu’ils refusent le débat politique qui est
d’abord un affrontement d’idées parfois contradictoires. L’économisation des discours
politiques occidentaux qui permet de s’abstenir de toute remise en cause du
système sans être accusé d’extrémisme en est l’exemple.
Sauf que les autres peuples et les cultures dans le monde se
trouvent contraints par des règles qu’ils n’ont pas définies. Ils peuvent
s’octroyer le droit de refuser l’obligation morale d’adhérer aux règles
imposées par l’occident. De plus, le sentiment de toute puissance peut aussi
influencer les occidentaux dans leurs interventions. Sûrs de leur puissance et
d’être dans leur bon droit, les occidentaux libéraux se sont alors lancés dans
des multiples opérations militaires de « police ».
Le résultat stratégique a été alors plus que mitigé. Le
refus du duel politique propre au libéralisme se traduit en conflits armés
contre des pays désignés comme des adversaires. L’adversaire est invisibilisé
par le système lui-même, le rendant d’autant plus difficile à combattre. La
volonté de s’appliquer une ligne morale dans l’action rend le combat plus
complexe. Les alliés de l’occident échouent également dans leurs opérations
tolérées par l’arc « démocratique », les mêmes causes entraînant les
mêmes effets.
L’adversaire, lui, pour gagner, joue sur la fatigue des
opérations et des différents politiques pour se trouver des combattants. Malgré
son infériorité et ses nombreuses défaites, c’est sa persistance, et la
faiblesse de la volonté occidentale qui lui permet de durer.
Loin de comprendre les raisons de leurs échecs, les
occidentaux s’enferment encore davantage dans l’idéologie comme le montre le
wokisme, ou progressisme exacerbé, ultime avatar occidental. Il s’agit de
l’idéologie la plus en contradiction avec les valeurs les plus traditionnelles
d’un grand nombre de pays dans le monde. Alors que l’occident s’enferme dans
ses illusions universalistes, d’autre pays décident de reprendre la main.
Le retour des blocs
L’absolutisme de l’occident aboutit à la création d’un front
adverse appelé «axe du mal »par les occidentaux. Le vocabulaire
messianique choisi pour désigner ces concurrents ne fait que montrer l’excès de la pensée libérale. Le dialogue avec le « mal » étant
impossible, le manichéisme occidental condamne nos concurrents à l’affrontement
pour préserver leur existence.
Cependant, ces pays veulent absolument éviter une
confrontation directe avec les armées occidentales bien trop puissantes. La
stratégie indirecte est alors choisie par « proxi » interposé. Fixés
dans des conflits mineurs sans fin, les occidentaux, avec le temps, se sont
désarmés autant physiquement que moralement. Le refus de la mort inutile pour
des causes lointaines, la professionnalisation des armées, le manque de
patriotisme (conséquence de l’universalisme des hommes « sans
racine »), la déconstruction des valeurs traditionnelles qui faisaient
lien au sein des nations, la réduction des efforts de défense au profit d’une
inféodation plus poussée aux seuls Etats-Unis, provoquent un abaissement global
de la puissance occidentale.
Au même moment, d’autres nations se sont réarmées. Nos
concurrents ont renforcé la force morale de leurs nations en s’appuyant sur la
religion, la tradition, la culture et l’histoire. Ils ont en même temps
construit une base industrielle de défense et de technologique leur permettant
d’avoir une autonomie stratégique. Leur principal axe d’effort s’est porté sur
des moyens anti-accès et de frappe en profondeur.
L’occident est aujourd’hui en repli partout. Les échecs au Moyen Orient, en Afrique et en Afghanistan ne sont pas que des échecs militaires, ce sont aussi des
échecs politiques et moraux. La parole de l’occident s’est décrédibilisé sur la
scène internationale à cause de multiples promesses de soutien indéfectible non
tenues.
Les fragilités se font ressentir au sein même de l’occident.
L’immigration massive, l’archipellisation des sociétés individualistes, le
manque de cohésion déstabilisent des nations occidentales en plein doute. Il
existe même des risques de guerre civile qui ressurgiraient dans des pays qui
n’ont pas connu la guerre depuis la Seconde guerre mondiale.
Plus que jamais, l’occident doit réapprendre l’autocritique
et à analyser froidement les raisons de
ses échecs. Sans cela, il risque fort de se voir déclassé, voire
de « disparaître de l’histoire » conformément, d’ailleurs,
au souhait de certains libéraux.
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