Aujourd’hui, un fantassin est équipé d’un fusil d’assaut.
Cette arme est le fruit d’une langue évolution des armes à feu portatives qui
commence aux XIVe siècle. Je ne remonterai pas aussi loin ; j’insisterai
plutôt sur l’évolution au XXe siècle.
A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, l’infanterie
moderne se dote de nouvelles armes à répétition. Ces armes, comme le Lebel
modèle 1884, le Mauser 98, le Lee Enfield MK1, sont des armes à verrou et
chargeur de 5 à 10 cartouches. Utilisées par un soldat entraîné, chacune
d’elles peut tirer jusqu’à environ
1000m.
Ces armes sont le fruit de la vision des stratèges de leurs
temps qui voient la guerre comme une continuité des batailles napoléoniennes.
Pour partir à l’assaut, es compagnies et les bataillons se déplacent encore en
rangs serrés, baïonnette au canon et uniforme clinquant. Cette vision sera
d’ailleurs une des raisons de l’hécatombe de 1914, l’année la plus meurtrière
de la guerre.
Les Anglais et les troupes coloniales françaises sont les
premiers à découvrir la puissance de feu des nouvelles armes. La mitrailleuse,
critiquée en raison du gaspillage de munitions, se généralise aussi. Très
rapidement, ces forces modifient leurs tactiques en privilégiant des formations
éparpillées (en tirailleurs) pour limiter l’effet des nouvelles armes.
Pourtant, les états-majors métropolitains et les politiques
ne prendront pas en compte les avertissements d’outre-mer. La Première guerre
mondiale commence avec des armées qui manœuvrent presque comme celles de
Napoléon, mais avec une puissance de feu qui n’a plus rien à voir. La journée
du 22 août 1914 fait 27000 morts : c’est la journée la plus meurtrière
pour l’armée française.
Cela précipite la mise en place de protections pour se
soustraire aux effets du feu. Les hommes construisent, en quelques mois, un
réseau de tranchées profondes qu’ils vont renforcer tout au long de la guerre.
La première conséquence technique est que les fusils en
dotation dans l’infanterie ne sont plus adaptés au combat de tranchées, car ils
sont trop longs et encombrants. Il est à noté que les divisions se
transforment. Si, en 1914, pratiquement 90% des hommes combattent, en 1918, il
ne reste plus que 20 à 30 % de combattants. Les hommes sont passés au service
de nouvelles armes : mitrailleuses, mortier, chars, artillerie. De plus,
toute la logistique nécessaire pour soutenir le combat transforme la guerre et
la manière de la faire.
La technologie évolue et le besoin de combattre à courte
distance impose la grenade, le pistolet, le fusil mitrailleur. A la toute fin
de la guerre, apparaîssent les premiers pistolets mitrailleurs.
Si le fusil reste l’arme principale du fantassin, il évolue
dans l’entre deux guerre pour devenir une arme plus compacte, comme le Mauser
98 K ou le MAS 36. L’exigence de tir à longue distance n’est plus le premier
impératif. La légèreté, la maniabilité et la grande cadence de tir priment.
La Seconde guerre mondiale, qui est pourtant une guerre de
mouvement, va voir apparaître un nouveau type d’arme appelé fusil d’assaut.
Constatant que la distance moyenne d’engagement avoisinait les 300m, en raison
en particulier du changement de tactique de l’infanterie qui favorisait
l’infiltration et la discrétion, les Allemands ont demandé à disposer d’un
fusil qui aurait la puissance d’un fusil mitrailleur, mais plus léger. Le tir
longue distance étant effectué par les armes d’appui et les mitrailleuses, le
fantassin avait besoin d’une arme au plus près, pour le 5m, 300m. Cette arme
n’exigeait pas des cartouches lourdes et longues, mais au contraire des
cartouches plus petites et plus légères, comme celles des pistolets
mitrailleurs. Cela donna le Sturmgewehr 44. Le fusil d’assaut était né.
Quel est la relation entre l’arrivée du fusil d’assaut et le
char de combat moderne ?
En fait, la même logique produit les mêmes effets. Nos
chars, comme les fusils du début du siècle dernier, tirent à très longue
distance (4000 m). Mais cette obligation est le fruit des guerres du passé
lorsque les chars attaquaient groupés pour optimiser l’effet de masse. La
guerre du Yom Kippour de 1973 vit les chars israéliens, sur le plateau du Golan
ou dans le Sinaï, détruire leurs
adversaires à plus de 3500 m.
Déjà, les armes nouvelles comme le missile, avaient commencé
à changer la donne. Les conflits récents ont montré que si l’on se trouve face
à un adversaire correctement armé, une charge de char est une folie. Le conflit
ukrainien confirme cela : il n’y a que 5% de combats de chars et la grande
majorité se font à moins de 1000m. Cela est dû à l’effort de camouflage des
véhicules, des déplacements, mais aussi au fait que la majorité des
destructions de chars sont imputables à d’autres armes, principalement
l’artillerie (comme l’infanterie pendant les deux guerres mondiales) et les
drones.
On peut donc en tirer des conséquences techniques et
opérationnelles. Les engins trop gros, difficiles à soutenir, à déplacer, ne
sont plus que des cibles sur le champ de bataille. Seuls des engins discrets,
mobiles et armés pour le combat de courte distance ont une chance de prendre
l’avantage.
Si je poussais la logique jusqu’au bout, je dirais qu’il
serait nécessaire de disposer d’armements à tir rapide ( lire mon article sur
le canon CTA de 105 ou 120 mm), ce qui permettrait de compenser le nombre
réduit de véhicules arrivant au contact, par une grande puissance de feu.
Pour l’instant, aucune grande armée n’a ce genre de
réflexion. Pourtant, il serait intéressant que les nouvelles générations de
véhicules qui seront imaginés et produits à l’issue du conflit ukrainien soient
le résultat de telles réflexions.
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