La réponse d’Israël ou l’école de la détermination. 15/11/2023

 




" le gouvernement avait le choix entre la guerre et le déshonneur; il a choisi le déshonneur et il aura la guerre" Winston Churchill 


Le 7 octobre 2023, l’attaque surprise du Hamas a provoqué un cataclysme dans tout le Moyen-Orient. En effet, avant même la réponse israélienne, la propagande active du Hamas et d’autres mouvements djihadistes et révolutionnaires annonçaient la mort de civils innocents à Gaza. La guerre de propagande activement menée pour décrédibiliser la future réaction israélienne donne ainsi lieu à un étrange flottement dans la diplomatie occidentale.

Le choix du bon moment pour l’attaque surprise est le premier facteur de déstabilisation et constitue la force du Hamas. En effet, attaquer le jour de la fin du Yom Kippour, après des années de calme relatif, a surpris les Israéliens. Israël traversait, de plus, une crise démocratique. Le pays était divisé et la crise était à son paroxysme.

La défense israélienne, trop confiante dans son système d’écoutes électroniques, n’a pas vu venir l’attaque. Pourtant, elle savait que le Hamas construisait un puissant réseau de tunnels à travers toute la bande de Gaza. Elle savait également que la contrebande d’armes et la rétro-ingénierie d’équipements civils avaient permis de construire un puissant arsenal d’armes en mesure de frapper Israël.

En outre, elle savait que le Hamas et le Hezbollah travaillaient ensemble. Des formations communes étaient délivrées par des formateurs iraniens. La montée des tensions faisait suite à la fin des sanctions de l’ONU à l’encontre de l’Iran, alors même que ce dernier n’avait sans doute pas renoncé à l’uranium enrichi pour être en mesure de fabriquer une bombe nucléaire.

D’autre part, l’Iran a su créer un réseau d’influence. Un jeu complexe d’alliances entre Syrie, Yémen, et Liban lui a permis, en effet, de disposer d’une capacité de sortir de son isolement. Les guerres en Syrie, au Liban, en Irak et au Yémen ont ainsi donné à l’Iran l’opportunité de créer des contre-feux anti-Occident. Ses conflits ont fixé la diplomatie et les capacités militaires occidentales laissant le champ libre aux iraniens pour se moderniser. S’efforçant de répondre à toutes ces menaces, les Occidentaux et les Israéliens vont se révéler incapables de garantir l’ordre international. L’échec stratégique entraîne un repli américain de la région mais pas une fin de présence.

La guerre en Syrie, à partir de 2015, a provoqué une redistribution des cartes. La Russie, alliée du pouvoir syrien, sauva le régime de la débâcle. Le dicton « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » va alors s’appliquer dans cette région du monde. La Syrie est aussi alliée avec le Hezbollah et donc, de l’Iran. L’Iran et la Russie se rapprochent pour unir leurs forces contre leurs adversaires, dans un premier temps, la menace islamiste sunnite.

La condamnation par la communauté internationale de l’assassinat de l’opposant saoudien (le nommer : Kachogui) à l’ambassade saoudienne en Turquie provoque une rupture entre les Occidentaux et le nouveau prince saoudien Mohammed Ben Salman. Isolé à son tour, il trouve un nouveau partenariat avec la Russie.

Dernière pièce du puzzle, la Turquie d’Erdogan cherche à retrouver une sphère d’influence pour reconstruire un nouvel empire ottoman. Les guerres en Syrie et en Libye lui offrent une nouvelle ouverture stratégique. De nouvelles relations entre la Turquie et la Russie, suite à l’incident du bombardier russe qui s’était écrasé en Syrie en octobre 2017 sont à l’origine d’une réorientation stratégique turque plus audacieuse et plus indépendante.

Tous ces acteurs vont se retrouver pour dessiner un nouveau Moyen-Orient plus indépendant de l’Occident. L’Arabie Saoudite semble faire la paix avec l’Iran tandis que la Syrie rejoint la Ligue Arabe après en avoir été chassée.

Le refus saoudien d’augmenter la production de pétrole, en dépit des injonctions américaines, provoque une hausse du prix du baril qui permet à la Russie de financer sa guerre en Ukraine. Un nouveau bloc économique et politique s’agrandit ainsi avec les BRICS.

L’Occident n’a jamais été aussi isolé qu’aujourd’hui. C’est à ce moment qu’Israël est attaquée par le Hamas. La communauté internationale, loin de soutenir unanimement les Israéliens va, au contraire, s’éparpiller à ce sujet. Incapables de tenir un discours ferme en raison de l’influence des minorités musulmanes dans leurs pays, les dirigeants occidentaux vont demander aux Israéliens de la mesure dans leur riposte.

Le Hamas, profitant de cette faiblesse et d’une habile propagande sur les réseaux sociaux ouverts à toutes les influences, va faire le pari que la pression internationale fera céder les Israéliens. Pour optimiser l’image de criminel de guerre d’Israël, le Hamas et les autres groupes islamistes palestiniens vont installer leurs armes au cœur des écoles, des hôpitaux, des immeubles d’habitations ou encore dans les jardins d’enfants. C’est là que les islamistes, loin de s’intéresser au sort de leurs populations, vont installer des rampes de roquettes, les dispositifs de défenses et de commandement. Pour augmenter leur pouvoir de nuisance, ils ont aussi pris des otages parmi la population israélienne. Avec un tel montage, chaque image d’une attaque israélienne servira à retourner les opinions occidentales (et donc les dirigeants) et contribuera à effacer les crimes commis lors de l’attaque initiale du 7 octobre 2023.

Un gigantesque piège se referme sur l’occident et Israël en particulier. La guerre à l’occident a été déclarée, il y a maintenant bien longtemps, par les djihadistes. Le retour des empires et des blocs nous entraîne dans un bras de fer diplomatique qui, pour l’instant, nous est défavorable. Mais peut- être que la réaction de fermeté d’Israël nous sauvera d’un désastre stratégique.

En effet, loin de se laisser dominer par les événements, les Israéliens ont su réagir avec volonté et détermination. Loin de se laisser déstabiliser par la surprise, Israël a enclenché une mobilisation générale, ce qui a envoyé le signal politique, diplomatique et militaire que leur volonté de réagir à la menace était inébranlable et absolue. Pourtant, en Israël même, il y a des divisions au sein de l’union politique de circonstance. Les opinions sur la nature de la réaction sont mitigées, souvent à cause de la présence des otages.

Israël a opté pour une fermeté impitoyable. Même au prix d’une désapprobation générale de la communauté internationale, les Israéliens bombardent massivement la bande de Gaza et organisent son assaut terrestre. Loin de céder aux menaces, elle a choisi l’affrontement terrestre avec les islamistes. Même si ceux-ci avaient préparé l’intervention militaire, ils vont découvrir à leurs dépens que les Israéliens avaient, eux aussi, préparé leurs guerres. Depuis plusieurs années en effet, la BITD israélienne travaille à produire les armes pour ce combat en tunnels. Les militaires, eux, ont réfléchi à des doctrines et préparé leurs soldats dans des centres d’instruction les plus réalistes possibles. Les véhicules de combat, lourdement protégés par du blindage passif et actif, permet au soldat d’arriver sur la zone de contact sans perte. La protection sauve la vie des soldats et les armes tuent l’adversaires.

Les Israéliens sont en train de faire payer un lourd tribut en hommes et en matériels aux islamistes. Loin de se laisser contraindre par la menace d’exécutions d’otages, c’est apparemment Israël qui impose ses conditions au Hamas dans la négociation des trêves humanitaires. Qu’Israël se montre prête à rayer Gaza, s’il le faut, montre sa détermination à ne pas subir.

En faisant cela, elle sauve peut-être un Occident trop timoré d’un énième échec stratégique. Israël, de plus, utilise aussi l’influence grandissante qu’elle exerce au Moyen-Orient. Les gouvernements des pays voisins ont tous renoué des relations officielles, voire officieuses, avec elle. L’Iran, malgré les apparences bellicistes, cherche en réalité à créer des liens économiques plus forts avec ses voisins. L’instabilité interne à l’Iran pourrait s’estomper avec une augmentation de la richesse intérieure. Beaucoup de pays du Golfe Persique voudraient voir arrêter ses cycles de guerre qui ont entaché ces 50 dernières années. L’accord historique entre L’Arabie Saoudite et l’Iran en est l’exemple. Israël peut en profiter car elle est un partenaire économique de premier ordre.

La Russie et la Turquie sont les seules à avoir intérêt à une guerre longue dans cette région. La première, parce qu’une telle guerre diminue l’aide à l’Ukraine et permet de baisser la pression occidentale (et surtout de continuer de l’appauvrir). La seconde, cherchant à augmenter son influence comme acteur régional de première ordre, y voit une occasion d’agrandir sa sphère d’influence aux dépends de l’occident et des autres pays arabes.    

 A la guerre, il y a pire que d’avoir un mauvais plan, c’est de ne pas en avoir du tout. Voilà à peu près la triste réalité de l’action occidentale, à l’exception notable des Américains qui ont montré leur détermination à ne pas voir le Proche-Orient s’enflammer. Les autres pays, dont la France, mènent une politique ambiguë. Soutenant Israël d’un côté, mais voulant limiter la réponse de celle-ci, les Occidentaux font preuve d’une cohésion toute relative en raison du risque terroriste sur leurs territoires.

Bien que rien ne soit écrit, la détermination israélienne paiera peut-être. Sous la pression, les islamistes se verront sans doute dans l’obligation de libérer les otages. S’ils feront le choix de les tuer, cela ne leurs rendra pas service. Les Israéliens auront alors encore moins de scrupules à utiliser toute leur puissance de feux pour les anéantir.

Si la rue arabe reste un soutien de poids au Hamas, les gouvernements arabes, eux, ne veulent pas d’un conflit long. Le risque de frappe américaine sur le Sud Liban ou l’Iran semble pour l’instant calmer les revendications bellicistes.

Si Israël rase la bande de Gaza, il peut y avoir plusieurs fins à l’histoire. Soit, à la suite de l’évacuation de la bande de Gaza par les Israéliens, les Palestiniens y reconstruiront un réseau terroriste en mesure de frapper de nouveau Israël, et la guerre n’aura pas de fin. Soit, toujours après l’évacuation, des négociations seront entamées par les deux belligérants pour trouver une solution au conflit.

Mais, une troisième possibilité peut être envisagée. C’est celle du refus de continuer le bras de fer. Les Palestiniens retrouveraient des villes rasées, un grand nombre de combattants et de civils morts pour rien. La situation n’aura juste fait qu’empirer. Le prix à payer aura été si élevé qu’il y aura peut-être une volonté de jeter l’éponge ou du moins de ne plus vouloir renchérir.    

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