Le 7
octobre 2023, l’attaque surprise du Hamas a provoqué un cataclysme dans tout le
Moyen-Orient. En effet, avant même la réponse israélienne, la propagande active
du Hamas et d’autres mouvements djihadistes et révolutionnaires annonçaient la
mort de civils innocents à Gaza. La guerre de propagande activement menée pour
décrédibiliser la future réaction israélienne donne ainsi lieu à un étrange
flottement dans la diplomatie occidentale.
Le
choix du bon moment pour l’attaque surprise est le premier facteur de
déstabilisation et constitue la force du Hamas. En effet, attaquer le jour de
la fin du Yom Kippour, après des années de calme relatif, a surpris les
Israéliens. Israël traversait, de plus, une crise démocratique. Le pays était
divisé et la crise était à son paroxysme.
La
défense israélienne, trop confiante dans son système d’écoutes électroniques,
n’a pas vu venir l’attaque. Pourtant, elle savait que le Hamas construisait un
puissant réseau de tunnels à travers toute la bande de Gaza. Elle savait
également que la contrebande d’armes et la rétro-ingénierie
d’équipements civils avaient permis de construire un puissant arsenal d’armes
en mesure de frapper Israël.
En outre,
elle savait que le Hamas et le Hezbollah travaillaient ensemble. Des formations
communes étaient délivrées par des formateurs iraniens. La montée des tensions
faisait suite à la fin des sanctions de l’ONU à l’encontre de l’Iran, alors
même que ce dernier n’avait sans doute pas renoncé à l’uranium enrichi pour
être en mesure de fabriquer une bombe nucléaire.
D’autre
part, l’Iran a su créer un réseau d’influence. Un jeu complexe d’alliances
entre Syrie, Yémen, et Liban lui a permis, en effet, de disposer d’une capacité
de sortir de son isolement. Les guerres en Syrie, au Liban, en Irak et au Yémen
ont ainsi donné à l’Iran l’opportunité de créer des contre-feux anti-Occident. Ses
conflits ont fixé la diplomatie et les capacités militaires occidentales
laissant le champ libre aux iraniens pour se moderniser. S’efforçant de
répondre à toutes ces menaces, les Occidentaux et les Israéliens vont se
révéler incapables de garantir l’ordre international. L’échec stratégique
entraîne un repli américain de la région mais pas une fin de présence.
La
guerre en Syrie, à partir de 2015, a provoqué une redistribution des cartes. La
Russie, alliée du pouvoir syrien, sauva le régime de la débâcle. Le dicton
« l’ennemi de mon ennemi est mon ami » va alors s’appliquer dans
cette région du monde. La Syrie est aussi alliée avec le Hezbollah et donc, de
l’Iran. L’Iran et la Russie se rapprochent pour unir leurs forces contre leurs
adversaires, dans un premier temps, la menace islamiste sunnite.
La
condamnation par la communauté internationale de l’assassinat de l’opposant
saoudien (le nommer : Kachogui) à l’ambassade saoudienne en Turquie
provoque une rupture entre les Occidentaux et le nouveau prince saoudien
Mohammed Ben Salman. Isolé à son tour, il trouve un nouveau partenariat avec la
Russie.
Dernière
pièce du puzzle, la Turquie d’Erdogan cherche à retrouver une sphère
d’influence pour reconstruire un nouvel empire ottoman. Les guerres en Syrie et
en Libye lui offrent une nouvelle ouverture stratégique. De nouvelles relations
entre la Turquie et la Russie, suite à l’incident du bombardier russe qui s’était
écrasé en Syrie en octobre 2017 sont à l’origine d’une réorientation stratégique
turque plus audacieuse et plus indépendante.
Tous
ces acteurs vont se retrouver pour dessiner un nouveau Moyen-Orient plus
indépendant de l’Occident. L’Arabie Saoudite semble faire la paix avec l’Iran
tandis que la Syrie rejoint la Ligue Arabe après en avoir été chassée.
Le
refus saoudien d’augmenter la production de pétrole, en dépit des injonctions
américaines, provoque une hausse du prix du baril qui permet à la Russie de
financer sa guerre en Ukraine. Un nouveau bloc économique et politique s’agrandit
ainsi avec les BRICS.
L’Occident
n’a jamais été aussi isolé qu’aujourd’hui. C’est à ce moment qu’Israël est
attaquée par le Hamas. La communauté internationale, loin de soutenir
unanimement les Israéliens va, au contraire, s’éparpiller à ce sujet. Incapables
de tenir un discours ferme en raison de l’influence des minorités musulmanes
dans leurs pays, les dirigeants occidentaux vont demander aux Israéliens de la
mesure dans leur riposte.
Le
Hamas, profitant de cette faiblesse et d’une habile propagande sur les réseaux
sociaux ouverts à toutes les influences, va faire le pari que la pression
internationale fera céder les Israéliens. Pour optimiser l’image de criminel de
guerre d’Israël, le Hamas et les autres groupes islamistes palestiniens vont
installer leurs armes au cœur des écoles, des hôpitaux, des immeubles
d’habitations ou encore dans les jardins d’enfants. C’est là que les
islamistes, loin de s’intéresser au sort de leurs populations, vont installer
des rampes de roquettes, les dispositifs de défenses et de commandement. Pour
augmenter leur pouvoir de nuisance, ils ont aussi pris des otages parmi la
population israélienne. Avec un tel montage, chaque image d’une attaque
israélienne servira à retourner les opinions occidentales (et donc les dirigeants)
et contribuera à effacer les crimes commis lors de l’attaque initiale du 7
octobre 2023.
Un
gigantesque piège se referme sur l’occident et Israël en particulier. La guerre
à l’occident a été déclarée, il y a maintenant bien longtemps, par les djihadistes.
Le retour des empires et des blocs nous entraîne dans un bras de fer
diplomatique qui, pour l’instant, nous est défavorable. Mais peut- être que la
réaction de fermeté d’Israël nous sauvera d’un désastre stratégique.
En
effet, loin de se laisser dominer par les événements, les Israéliens ont su
réagir avec volonté et détermination. Loin de se laisser déstabiliser par la
surprise, Israël a enclenché une mobilisation générale, ce qui a envoyé le
signal politique, diplomatique et militaire que leur volonté de réagir à la
menace était inébranlable et absolue. Pourtant, en Israël même, il y a des
divisions au sein de l’union politique de circonstance. Les opinions sur la
nature de la réaction sont mitigées, souvent à cause de la présence des otages.
Israël
a opté pour une fermeté impitoyable. Même au prix d’une désapprobation générale
de la communauté internationale, les Israéliens bombardent massivement la bande
de Gaza et organisent son assaut terrestre. Loin de céder aux menaces, elle a
choisi l’affrontement terrestre avec les islamistes. Même si ceux-ci avaient
préparé l’intervention militaire, ils vont découvrir à leurs dépens que les
Israéliens avaient, eux aussi, préparé leurs guerres. Depuis plusieurs années
en effet, la BITD israélienne travaille à produire les armes pour ce combat en
tunnels. Les militaires, eux, ont réfléchi à des doctrines et préparé leurs
soldats dans des centres d’instruction les plus réalistes possibles. Les
véhicules de combat, lourdement protégés par du blindage passif et actif,
permet au soldat d’arriver sur la zone de contact sans perte. La protection
sauve la vie des soldats et les armes tuent l’adversaires.
Les
Israéliens sont en train de faire payer un lourd tribut en hommes et en
matériels aux islamistes. Loin de se laisser contraindre par la menace
d’exécutions d’otages, c’est apparemment Israël qui impose ses conditions au
Hamas dans la négociation des trêves humanitaires. Qu’Israël se montre prête à
rayer Gaza, s’il le faut, montre sa détermination à ne pas subir.
En
faisant cela, elle sauve peut-être un Occident trop timoré d’un énième échec
stratégique. Israël, de plus, utilise aussi l’influence grandissante qu’elle
exerce au Moyen-Orient. Les gouvernements des pays voisins ont tous renoué des
relations officielles, voire officieuses, avec elle. L’Iran, malgré les
apparences bellicistes, cherche en réalité à créer des liens économiques plus
forts avec ses voisins. L’instabilité interne à l’Iran pourrait s’estomper avec
une augmentation de la richesse intérieure. Beaucoup de pays du Golfe Persique
voudraient voir arrêter ses cycles de guerre qui ont entaché ces 50 dernières
années. L’accord historique entre L’Arabie Saoudite et l’Iran en est l’exemple.
Israël peut en profiter car elle est un partenaire économique de premier ordre.
La
Russie et la Turquie sont les seules à avoir intérêt à une guerre longue dans
cette région. La première, parce qu’une telle guerre diminue l’aide à l’Ukraine
et permet de baisser la pression occidentale (et surtout de continuer de
l’appauvrir). La seconde, cherchant à augmenter son influence comme acteur
régional de première ordre, y voit une occasion d’agrandir sa sphère
d’influence aux dépends de l’occident et des autres pays arabes.
A la guerre, il y a pire que d’avoir un mauvais plan, c’est
de ne pas en avoir du tout. Voilà à peu près la triste réalité de l’action
occidentale, à l’exception notable des Américains qui ont montré leur
détermination à ne pas voir le Proche-Orient s’enflammer. Les autres pays, dont
la France, mènent une politique ambiguë. Soutenant Israël d’un côté, mais
voulant limiter la réponse de celle-ci, les Occidentaux font preuve d’une
cohésion toute relative en raison du risque terroriste sur leurs territoires.
Bien
que rien ne soit écrit, la détermination israélienne paiera peut-être. Sous la
pression, les islamistes se verront sans doute dans l’obligation de libérer les
otages. S’ils feront le choix de les tuer, cela ne leurs rendra pas service.
Les Israéliens auront alors encore moins de scrupules à utiliser toute leur
puissance de feux pour les anéantir.
Si la
rue arabe reste un soutien de poids au Hamas, les gouvernements arabes, eux, ne
veulent pas d’un conflit long. Le risque de frappe américaine sur le Sud Liban
ou l’Iran semble pour l’instant calmer les revendications bellicistes.
Si
Israël rase la bande de Gaza, il peut y avoir plusieurs fins à l’histoire.
Soit, à la suite de l’évacuation de la bande de Gaza par les Israéliens, les
Palestiniens y reconstruiront un réseau terroriste en mesure de frapper de
nouveau Israël, et la guerre n’aura pas de fin. Soit, toujours après
l’évacuation, des négociations seront entamées par les deux belligérants pour
trouver une solution au conflit.
Mais,
une troisième possibilité peut être envisagée. C’est celle du refus de
continuer le bras de fer. Les Palestiniens retrouveraient des villes rasées, un
grand nombre de combattants et de civils morts pour rien. La situation n’aura
juste fait qu’empirer. Le prix à payer aura été si élevé qu’il y aura peut-être
une volonté de jeter l’éponge ou du moins de ne plus vouloir renchérir.
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