Comment percer dans la guerre moderne ou comment relire Pétain

 



Le conflit ukrainien nous présente une situation paradoxale pour l’époque moderne, celle du retour de la guerre en ligne. Bien connue à l’époque de la Première guerre mondiale, elle est le signe de l’équilibre des forces qui existe entre les deux protagonistes. Cet équilibre se caractérise par le fait que, quelque soit la force qui attaque, l’adversaire est condamné a être vaincu par l’artillerie ou par les drones.

Le blocage opérationnel nous rappelle la situation en Europe de l’Ouest en 1916 . La situation va pourtant se débloquer grâce à de nouvelles inventions et tactiques. En 1918, ces innovations vont rendre la guerre de nouveau mobile.

Je pense qu’il existe aujourd’hui des solutions pour rendre la guerre de nouveau mobile. La solution nous est fournie par les manœuvres des armées du passé.


La vision stratégique de Pétain


Pétain, lorsqu’il prend le commandement de l’armée française en 1917, trouve un système de combat affaibli par des années d’offensives infructueuses. La dernière, celle du Chemin des Dames, provoque une révolte des soldats qui refusent d’être sacrifiés inutilement. Le plan de Pétain comprend, en réponse, une nouvelle doctrine offensive et défensive. Il s’agit dans les deux cas de limiter l’exposition des hommes aux feux.

La doctrine défensive consistait à laisser la première ligne vide à l’exception de point d’appui renforcé et de privilégier la deuxième ligne.

La doctrine offensive est basée sur les 7 offensives.


Le 7 offensives.


Pétain fait un constat très simple : à chaque fois qu’il y a une offensive, les réserves arrivent et contre-attaquent les troupes usées qui viennent d’attaquer. Chaque offensive s’embourbe ensuite et n’obtient pas de réussite stratégique.


Pétain comprend qu’il doit éparpiller les réserves ennemies avant de lancer une attaque principale. Il sait aussi que la préparation de chaque assaut est trop longue et trop visible. L’offensive doit, pour réussir, être une surprise. Il crée des réserves d’artillerie et de chars qui doivent renforcer les armées au moment de chaque offensive. Chaque armée devra préparer des stocks logistiques pour l’arrivée des renforts.

D’autre réserves, à base de cavalerie et d’artillerie lourde, doivent aider à percer et exploiter les failles dans le dispositif ou accélérer la manœuvre latérale pour l’offensive suivante.

Enfin, des divisions aériennes doivent interdire le champ de bataille aux renforts ennemis.

L’offensive est donc déclenchée dans un secteur mais reste limitée en profondeur. Le but est de diriger les réserves ennemies dans le secteur. Puis, une autre offensive se déroule dans un autre endroit, toujours de manière limitée. Ces offensives se poursuivent de cette façon, jusqu’au moment ou l’ennemi n’a plus de réserves à envoyer. C’est à ce moment-là que l’offensive principale est lancée avec, cette fois, toutes les forces, avec la volonté d’attaquer dans la profondeur. La grande offensive de Lorraine en 1919 devait être cette attaque.


La mise en œuvre de ce plan s’appliquait surtout avec l’arrivée des Américains et des chars. L’offensive allemande de 1918 va précipiter les choses.


L’Ukraine


l’offensive ukrainienne de l’été 2023 ressemble aux offensives de 1916 et 1917. Beaucoup de moyens concentrés engendrent des attaques sans surprise et meurtrières.

Il y a fort à parier que les Russes vont, cet hiver, comme l’hiver précédent, relancer des offensives qui risquent de ne pas obtenir de meilleurs résultats.


Pourtant, des mesures tactiques et techniques pourraient permettre de relancer la guerre de mouvement.


Comment attaquer aujourd’hui.


Se renseigner


La première attaque doit apporter le plus de surprise. Il faut choisir un terrain le moins préparé et bouleversé par l’artillerie. Il faut, grâce au renseignement spatial, aérien et électromagnétique, définir le plus précisément possible les forces et les faiblesses du dispositif. Cette phase doit être la plus discrète possible .


Se camoufler


la mise en place ne doit pas indiquer la présence des renforts. La montée en ligne doit se faire sur un temps long pour ne pas éveiller les soupçons. Des travaux préparatoires doivent être réalisés pour masquer les déplacements, sachant qu’aujourd’hui, de tels mouvements peuvent facilement être observés par satellite, par exemple.


Renforcer


Pour ne pas révéler l’assaut, l’échelon d’assaut de la taille de la brigade ou la division, doit être renforcé par de l’artillerie, des drones d’attaque, et des moyens de contre-batterie.


En deuxième échelon, des forces bien plus importantes, de la taille d’une division, doivent se tenir prêtes pour relancer l’attaque dans la profondeur. Il faut aussi pouvoir concentrer des moyens aériens.


Attaquer


Loin de faire l’habituel barrage d’artillerie, l’attaque doit, au contraire, s’appuyer sur des tirs très précis pour neutraliser les points les plus forts, le zone de regroupement. Les unités d’assaut attaquent la première ligne, tout en s’infiltrant dans le dispositif pour atteindre la deuxième ligne de défense.


Contre-battre


Au même moment, les drones et les moyens de détection recherchent les batteries d’artillerie ennemies pour les empêcher d’effectuer des tirs de barrage. Des drones kamikazes, préalablement projetés, s’attaquent à l’artillerie à longue portée ennemie. Je pense qu’il faut disposer de drones à réacteurs pour accélérer l’efficacité de la contre-batterie, suite à un renseignement électromagnétique. L’important est de neutraliser cette artillerie.


Prendre de la vitesse


Dès que le front est ouvert, les unités amies en deuxième échelon doivent se projeter sur les axes et couloirs de pénétration. La vitesse de projection doit permettre de conquérir le plus d’espace possible et, si possible, une ville, avant que l’ennemi n’ait eu le temps de la mettre en défense.


Interdire


l’aviation doit intervenir pour empêcher l’ennemi de monter des renforts pendant que des forces héliportées doivent prendre les ponts et les points de passage obligés.


Une fois que l’ennemi a envoyé des renforts dans le secteur pour essayer de colmater les brèches, il faut repérer quel secteur du front est dégarni et effectuer la même opération.


La prise de l’initiative doit se succéder en lançant d’autres offensives jusqu’au moment où l’ennemi ne soit plus en mesure de répondre. Ce sera le moment de lancer l’offensive généralisée qui devra faire effondrer le front.


Conclusion


Le front ukrainien, qui semble figé actuellement, peut se déverrouiller. Comme je l’ai écrit, les trois fondement de la guerre de mouvement moderne sont surprise, vitesse et brutalité. L’échec de l’un de ses éléments augmente le risque de revers de l’attaque.

D’autre part, le front ukrainien peut être débloqué, si l’artillerie ennemie est contre-battue avec succès. Si l’artillerie échoue à arrêter les attaques, les forces d’assaut pourront progresser et conquérir des espaces. La réussite de ces attaques pourra entraîner la destruction de la force morale de l’adversaire et donner la victoire.

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