Comment attaquer en haute intensité une ligne de défense : le cas ukrainien.

 


Suite à l’écriture de mes articles sur le char, l’arme des 1000 derniers mètres, j’avais exposé rapidement à quoi il devait ressembler. Pour rappel, j’avais parlé d’un char dont la forme ressemblerait à celle du M10 BOOKER avec moteur à l’avant, chenille souple, train de roulement oléopneumatique, canon à chargement automatique de 105 mm avec frein bouche, équipé d’une mitrailleuse coaxiale en 12,7mm et d’au moins trois mitrailleuses et/ou d’un lance grenade de 40mm de toit télé opéré. La protection de base devrait être efficace contre du 30 mm et  la protection réactive et active contre des charges creuses.  Il y aurait trois membres d’équipage dont deux dans la tourelle (organisation classique). Le char serait naturellement numérisé. Il disposerait d’un système PILAR V, de détecteurs lasers, de brouilleurs drones,  de radars de détections sur 360° et de caméras vidéos.  Les informations seraient envoyer en fusion de données directement dans les viseurs (voire un système IronVision pour tout l’équipage)

Comment combattre dans un environnement de haute intensité.

La première chose qu’il faut comprendre, c’est le changement de la profondeur du champ de bataille. Celui-ci ne se limite plus à la ligne de contact, comme dans le passé, mais à une zone profonde d’environ 20km de large où, de part et d’autre, les belligérants sont en mesure de se renseigner et de frapper. On remarque déjà qu’il est impossible de s’approcher à moins de 10km de la ligne de contact sans se faire repérer.

Cela change donc la vision que l’on doit avoir du combat de rencontre. Loin de se déplacer et de tomber nez à nez avec l’ennemi presque par surprise, le combat est aujourd’hui dirigé par des observateurs qui fixent un objectif et les renseignements sur celui-ci. Pour cela, ils disposent le plus souvent de drones ou de renseignements électromagnétiques. C’est seulement à l’issue de cette prise d’informations qu’une action est engagée.

Pour que soient optimisées les chances de survie, l’attaque doit être lancée de plus loin dans les arrières, là où il reste des zones d’ombre du renseignement. Une fois l’engagement entamé, la vitesse et la coordination avec les autres armes doivent être maximum pour avoir une chance de réussir.

D’abord, après la phase de renseignement donc, il faut frapper les objectifs repérés avec canon, mortier et roquettes d’artillerie. Puis, il faut brouiller et neutraliser, au moins temporairement, le renseignement ennemi. Ensuite, l’on doit déclencher une attaque par des drones contre des postes d’observations et de commandement avec des moyens de guerre électroniques, brouillages, micro-ondes, IEM etc. La phase de neutralisation du renseignement ennemi est la plus importante et c’est elle qui définit la réussite ou non de l’attaque.

Vient ensuite la divulgation de l’attaque et des moyens employés. La vitesse est primordiale. Elle doit permettre de traverser la zone de renseignement ennemi (les 10 km) le plus rapidement possible avant que celui-ci soit en mesure de réagir. Idéalement, le camouflage des axes et des véhicules avec, bien sûr, un silence électromagnétique, doit optimiser la discrétion et donc la surprise.

Coordonnés avec les forces d’attaque, des opérateurs drones d’attaque de type FPV décollent pour l’appui direct dans la zone des 3-5km. Ils doivent en effet neutraliser les opérateurs missiles et drones, et empêcher l’arrivée de renforts dans la zone d’attaque. Ils traitent aussi les contre-attaques blindées en neutralisant les chars postés ou en renfort.

Toujours avant contact, des drones kamikazes de type Harop se prépositionnent pour frapper les éventuels tirs d’artillerie de contre-batterie ou d’interdiction. Il faudrait aussi un drone du même type, mais à réacteur, pour se spécialiser dans la contre-batterie. Ce drone serait, en effet, projeté dès les premiers coups tirés par la pièce ennemie.  Sachant qu’il ne lui saura pas possible de détruire cette pièce ennemie avant qu’elle quitte sa position de tir, le drone pourra, par contre, la neutraliser pendant sa phase de déplacement. Cela peut être très utile contre les systèmes de type HIMARS.

 Le détachement d’assaut arrive à portée de tir. Il est composé de quatre à six véhicules avec au moins deux chars, des véhicules de transports de troupes, un véhicule du génie pour ouvrir la voie. C’est une attaque en profondeur. Il y a  d’autres détachements qui profiteront du trou créé par le détachement de tête pour s’infiltrer et exploiter la brèche.

Enfin, arrive l’assaut à proprement parlé. Toujours pour limiter les pertes et pour neutraliser des feux d’appui, des mortiers projettent un écran fumigène sur les arrières de la ligne de contact. Puis les chars se mettent en position et ouvrent les feux aux environs des 800- 1000  m, pour neutraliser des objectifs désignés par des opérateurs drones et qui se sont dévoilés à la dernière minute. S’en suit un feu de saturation avec leurs mitrailleuses pour s’approcher de l’objectif. Cela permet aussi de couvrir l’arrivée des transports blindés.

Débarqués à quelques dizaines de mètres de leurs objectifs, les soldats prennent d’assaut les positions ennemies. Les chars effectuent des tirs des neutralisation sur des objectifs d’opportunité. Si l’ennemi dispose d’un abri solide, un char va pouvoir le neutraliser en tir direct. La polyvalence des munitions lui permet de neutraliser un grand nombre de menaces.

La prise de l’objectif doit être rapide et brutale. Il ne faut pas rester trop longtemps sur zone au risque de se faire, à son tour,  attaquer. Le détachement embarque et repart en vue de traiter un autre objectif. Le roulement rapide des détachements, la coordination inter-armes, la vitesse de l’action couplée à la brutalité et la surprise doit assurer la réussite de la mission.

Voilà un exemple de ce à quoi pourrait ressembler une action sur un front de type Ukraine. Mais il ne faut pas oublier que tous les théâtres ne se ressemblent pas. Dans tous les cas, la profondeur du renseignement permettra de neutraliser toutes les menaces blindées avant la prise de contact direct. L’action sera optimisée par les drones de tous modèles qui  couvriront toutes les  missions, du renseignement à la guerre électronique en passant par le contre-renseignement, le close air support (CAS) et  la contre-batterie (voire, plus tard, l’évacuation sanitaire et la logistique).

Le choix d’une zone d’attaque faiblement défendue ou d’un secteur calme doit optimiser les chances de réussite. Submerger l’adversaire et l’empêcher de réagir limitera sa capacité de nuisance et donc les pertes dans notre camp. C’est à ce prix que nous pourrions gagner la bataille. 



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