Ainsi, la campagne de
frappes ukrainiennes en Crimée a eu pour résultat stratégique d’obliger la
flotte russe de la mer Noire à changer de port. Il s’agit là d’une conséquence
qui n’est que la suite de la destruction du croiseur russe Moskova, de l’attaque
régulière de drones contre les navires en mer et des frappes de missiles sur le
port de Sébastopol. Un habile habillage communicationnel a donné l’impression
d’actions bien plus coercitives qu’elles ne l’étaient en réalité.
Les drones aériens et navales posent actuellement la
question de la vulnérabilité de nos équipements conventionnels. Il suffit de
comparer le coût d’un char moderne occidental sans protection APS qui se situe
entre 6 et 10 millions de dollars au coût de l’effecteur qu’est le drone qui
tourne entre 1000 et 100 000 dollars. Dans les arsenaux occidentaux, produire
un char nécessite entre dix et quinze ans de conception et de tests, puis cinq
à dix ans de production pour une utilisation pendant près de 40 ans avec une
revalorisation à mi-vie. A l’opposé, les drones sont imaginés et construits
rapidement grâce à de nouvelles technologies comme l’imprimante 3D. Economique
et précis grâce à la caméra montée dessus, le drone peut attaquer tout type de
matériel terrestre quel que soit le degré de protection, à l’image des Merkava
IV équipés Trophy détruits par une grenade antichar lancée par drone.
La vitesse de progression technologique des drones peut
faire penser que celui-ci proposera la parade aux systèmes futurs de protection
les plus coûteux, avant que ceux-ci ne soient mis en œuvre sur les engins
futurs. Elle rend actuellement caduque la supériorité technologique occidentale
du champ de bataille.
En second, les moyens de renseignement et de détections
deviennent de plus en plus nombreux rendant le champ de bataille
« transparent » sur plus de 10km (en Ukraine, par exemple). La
vitesse de diffusion de l’information au sein des unités, mais aussi dans le
cadre de la guerre informationnelle va rendre difficile le camouflage des forces
ou de l’information. Ces informations sont aujourd’hui exposées à la sphère
médiatique et numérique et réemployées à des fins stratégiques. L’exemple de
faux massacres et d’une propagande axée sur une information biaisée, comme la
soi-disant volonté colonialiste occidentale mise en avant en Afrique, a mis la
France en situation de devoir abandonner ses positions au Mali, au Burkina Faso
et maintenant au Niger et cela, sans un coup de feu.
Cette forme de conflictualité moderne n’est pas encore
pleinement prise en compte par nos chefs militaires, ni politiques et nous
laisse sans arme actuellement. L’information va constituer un champ de bataille
où il sera difficile de discerner le vrai du faux. Les progrès de la
technologie pourront permettre, demain ( mais déjà aujourd’hui), de mettre en
scène de faux discours d’hommes politiques rendant l’appréciation de la
situation encore plus complexe. Même les soi-disant « preuves » vidéo
et audio ne vaudront plus rien. Les conséquences stratégiques sont pour l’instant
inimaginables.
En outre, la précision, la portée et la vitesse vont
accélérer la mise en œuvre de la guerre. Il n’y aura nul abri qui ne puisse
être frappé. L’accélération du temps rendra un plan caduc plus rapidement que
par le passé. Il n’y aura plus de moment ou de zones où se reposer et se
régénérer. Les pertes seront importantes et même des drones ou des robots
n’empêcheront pas des destructions humaines importantes.
Tout cela nous oblige à nous poser des questions sur la
guerre du futur. Sur nos moyens et sur forces. Demain et à nos portes. Or, nous
nous préparons à une guerre de « haute intensité » avec bien des
lacunes. Il semble que les élites endormies par 30 ans de « pax
america » ne soient pas intellectuellement préparées à la hauteur des dangers
futurs.
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