rappel sur la révolution militaire en cours

 


Aujourd’hui, les industriels comme les chefs militaires essayent d’imaginer à quoi va ressembler la guerre du futur et quelles seront ses conséquences sur les armements. Je considère qu’il y a trois révolutions qui bouleversent déjà le milieu de la guerre. La première est celle du drone aérien et naval qui vient de bouleverser l’équilibre des forces dans le conflit en Ukraine. La seconde révolution est celle de la numérisation et de l’information qui ouvre un spectre de conflictualité nouveau dont nous ne voyons que le début des capacités. La troisième est celle de la précision et de la portée où l’on voit des frappes et des armes détruire des belligérants ou les obliger à changer leurs déplacements et leurs protections.

Ainsi,  la campagne de frappes ukrainiennes en Crimée a eu pour résultat stratégique d’obliger la flotte russe de la mer Noire à changer de port. Il s’agit là d’une conséquence qui n’est que la suite de la destruction du croiseur russe Moskova, de l’attaque régulière de drones contre les navires en mer et des frappes de missiles sur le port de Sébastopol. Un habile habillage communicationnel a donné l’impression d’actions bien plus coercitives qu’elles ne l’étaient en réalité.

Les drones aériens et navales posent actuellement la question de la vulnérabilité de nos équipements conventionnels. Il suffit de comparer le coût d’un char moderne occidental sans protection APS qui se situe entre 6 et 10 millions de dollars au coût de l’effecteur qu’est le drone qui tourne entre 1000 et 100 000 dollars. Dans les arsenaux occidentaux, produire un char nécessite entre dix et quinze ans de conception et de tests, puis cinq à dix ans de production pour une utilisation pendant près de 40 ans avec une revalorisation à mi-vie. A l’opposé, les drones sont imaginés et construits rapidement grâce à de nouvelles technologies comme l’imprimante 3D. Economique et précis grâce à la caméra montée dessus, le drone peut attaquer tout type de matériel terrestre quel que soit le degré de protection, à l’image des Merkava IV équipés Trophy détruits par une grenade antichar lancée par drone.

La vitesse de progression technologique des drones peut faire penser que celui-ci proposera la parade aux systèmes futurs de protection les plus coûteux, avant que ceux-ci ne soient mis en œuvre sur les engins futurs. Elle rend actuellement caduque la supériorité technologique occidentale du champ de bataille.

En second, les moyens de renseignement et de détections deviennent de plus en plus nombreux rendant le champ de bataille « transparent » sur plus de 10km (en Ukraine, par exemple). La vitesse de diffusion de l’information au sein des unités, mais aussi dans le cadre de la guerre informationnelle va rendre difficile le camouflage des forces ou de l’information. Ces informations sont aujourd’hui exposées à la sphère médiatique et numérique et réemployées à des fins stratégiques. L’exemple de faux massacres et d’une propagande axée sur une information biaisée, comme la soi-disant volonté colonialiste occidentale mise en avant en Afrique, a mis la France en situation de devoir abandonner ses positions au Mali, au Burkina Faso et maintenant au Niger et cela, sans un coup de feu.

Cette forme de conflictualité moderne n’est pas encore pleinement prise en compte par nos chefs militaires, ni politiques et nous laisse sans arme actuellement. L’information va constituer un champ de bataille où il sera difficile de discerner le vrai du faux. Les progrès de la technologie pourront permettre, demain ( mais déjà aujourd’hui), de mettre en scène de faux discours d’hommes politiques rendant l’appréciation de la situation encore plus complexe. Même les soi-disant « preuves » vidéo et audio ne vaudront plus rien. Les conséquences stratégiques sont pour l’instant inimaginables.

En outre, la précision, la portée et la vitesse vont accélérer la mise en œuvre de la guerre. Il n’y aura nul abri qui ne puisse être frappé. L’accélération du temps rendra un plan caduc plus rapidement que par le passé. Il n’y aura plus de moment ou de zones où se reposer et se régénérer. Les pertes seront importantes et même des drones ou des robots n’empêcheront pas des destructions humaines importantes.

Tout cela nous oblige à nous poser des questions sur la guerre du futur. Sur nos moyens et sur forces. Demain et à nos portes. Or, nous nous préparons à une guerre de « haute intensité » avec bien des lacunes. Il semble que les élites endormies par 30 ans de « pax america » ne soient pas intellectuellement préparées à la hauteur des dangers futurs.  


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