De tous les équipements actuellement en service, le char
fait peut-être partie de ceux que l’on
remet le plus en cause. La raison principale en est l’investissement important
nécessaire pour créer, construire et produire cette machine complexe. Puis, il
faut régulièrement le mettre à jour avec de nouvelles technologies en vue de
lui permettre de rester à la pointe de la technologie, malgré un âge certain
(le Léopard 2 est en service depuis 1979…)
Il faut aussi pouvoir déplacer et employer les unités de
chars, ce qui coûte aussi très cher. La consommation d’un char tourne autour
des 100l à l’heure. Enfin, il ne faut pas oublier les réparations et
l’entretien courant. Le Leclerc est devenu ainsi le deuxième budget d’entretien
derrière les hélicoptères et tout cela pour emploi très limité.
Malgré les efforts financiers et technologiques, il n’est
pas garanti que l’engin survive bien longtemps sur un champ de bataille
moderne. La concentration actuelle d’armes antichars empêche le char de dominer
le terrain comme il l’a fait dans le passé (guerre du Sinaï de 1967). Lors du
début de l’offensive de juin 2023, certains Léopard 2 ukrainiens n’ont même pas
tiré un coup de canon avant d’être détruits.
Conçus pour tirer à 4000m tout en roulant à 60km/h, en réalité, les
chars réalisent la plus grande partie de
leurs missions à l’arrêt et en appui feu indirect (93% de l’activité selon les
Russes). Dans les phases les plus offensives, il n’y a que 1 à 2 % de combat
antichars le reste consistant à de l’appui feu au profit de l’infanterie. La
distance moyenne d’engagement ne dépasse pas 1000 m (et est même souvent en
dessous de 200m !) malgré un terrain plat.
Dans le conflit du Haut Karabach, 69% des chars furent
détruit par l’artillerie (le chiffre est même supérieur en Ukraine), environ
20% par missiles et drones et seulement 1% en duels de chars. En Ukraine, la
part des drones est proche des 30%.
Pourtant, la fonction principale du char est la lutte
antichar en tir direct longue distance et en roulant, ce qui n’arrive
pratiquement pas. Il en va de même de la protection axée sur la protection
anti-flèches sur l’arc frontale, alors que le char est majoritairement touché
sur le côté, à l’arrière ou sur le
dessus.
Ce constat devrait nous faire réfléchir sur ce qu’est un
char aujourd’hui.
Redéfinir le char
A l’aune de ce constat, je pense qu’il faut redéfinir la
fonction du char. Il apparaît aujourd’hui que celui-ci doit se tourner en
priorité vers l’action anti-fantassin, anti-infrastructure pour un engagement
moyen aux environs de 2000m. Un rééquilibrage du volume de l’artillerie doit
permettre de couvrir le tir d’appui feu indirect.
La protection du char doit se faire en
priorité contre les armes à charges creuses, mais sur 360°. Le char doit
disposer d’une forte accélération pour pouvoir s’extraire rapidement d’un tir
d’artillerie avec une forte capacité de manœuvrer dans des espaces réduits.
Cela nécessite une machine plus petite, ce qui doit également l’aider à être plus
discret et donc plus difficile à prendre à partie.
Mais malgré ces modifications techniques, je pense que le
plus important c’est le coût de l’engin. En effet, le rapport entre le coût, la
facilité de production et l’efficacité
des armes antichars et le coût ainsi que la production d’un char rend
celui-ci économiquement et tactiquement pas rentable.
Il faut donc imaginer des machines qui réduisent cet écart
grâce à un coût d’achat et de production plus faible (de l’ordre du million
d’euros voir moins) et qui puissent être produites facilement.
On a oublié aujourd’hui la guerre de haute intensité se gagne aussi
dans les usines. A l’exemple du M4 Sherman produit à 49 000 exemplaires ou du
T34 produit à environ 50 000 exemplaires, c’est la capacité à se régénérer et
densifier ses moyens qui donne la victoire (pour exemple, la division
d’infanterie US en 1944 avait autant de chars qu’une panzer division…). La
capacité de production de nos usines peut faire basculer un conflit si nous
nous en donnons les moyens.
Le char doit être pris pour ce qu’il est, à savoir un
véhicule consommable, au même titre que l’infanterie, dans un conflit de haute
intensité. La force actuelle des Russes semble être la capacité à moderniser et
à produire presque autant de chars qu’ils perdent par mois. Cet avantage leur
permet de maintenir une capacité de combat pendant que les Ukrainiens et l’OTAN
se démilitarisent.
Le même phénomène a entraîné l’échec de la Wehrmacht sur le
front russe et la bascule stratégique en 1943 en faveur des Russes alors que le
nombre de soldats était pratiquement équivalent.
Commentaires
Enregistrer un commentaire