Tsahal vient d’adopter la dernière variante de son char
Merkava IV, le Barak, ultime modèle du célèbre char israélien. S’il ne diffère
pas extérieurement des versions précédentes du Merkava IV, il subit, par
contre, de nombreuses modifications de ses capacités optroniques et numériques,
lui permettant d’apparaître comme le char le plus moderne au monde.
Le conflit ukrainien confirme la pertinence des choix faits
par l’armée israélienne dans le domaine des blindés. La Guerre du Yom Kippour
de 1973 avait révélé la dangerosité des armes modernes et la vulnérabilité des
chars. Les Israéliens en tirèrent la conclusion que tout char sur un champ de
bataille est condamné à être touché. Le but est maintenant de ne pas être
détruit. Cette logique explique la volonté de protéger d’abord l’équipage, car
la formation de celui-ci coûte cher et les personnels aptes à servir dans un
pays comme Israël sont limités. Il convient aussi de protéger le véhicule pour
éviter une « catastrophe kill » avec un aménagement du véhicule
séparant les différents organes dans des cellules séparées et en mettant en
particulier les munitions à l’emplacement le moins exposé, c’est-à-dire à
l’arrière du véhicule, dans la caisse.
Une fois la protection assurée de cette manière, les
Israéliens ont pris en compte deux autres caractéristiques du combat de
1973 : la consommation de munitions et le tir indirect. Il faut, en 1973,
entre trois quarts d’heure et une heure et demie pour parer un char en
munitions et carburant. Pendant la bataille dans le Sinaï, certains chars ont
tiré jusqu’à 167 obus par jour. Cela nécessitait trois ravitaillements dans la
journée. Il fallait donc de 3 à 4 h pour ravitailler les chars sur une journée
de 16 h de combat environ. Un quart de
la journée minimum devait être consacré à cela. Grâce à la porte arrière en
caisse, les Israéliens se permettent un ravitaillement par palette d’obus, ce
qui divise le temps nécessaire par 3. De plus, la version initiale peut
transporter plus de 80 obus alors que la moyenne ne dépasse pas les 60 obus
maximum pour les autres chars (en 90mm, 100mm ou 105mm). Il est alors possible
de tenir plus longtemps sur le champ de bataille et de contre attaquer au moment où l’ennemi va se ravitailler.
La consommation excessive d’obus des chars était due en
grande partie au tir indirect et à la faiblesse de la conduite de tir. En
effet, le barrage de missiles antichar empêchait toute progression. Les
Israéliens, pour s’ouvrir un passage, effectuaient des tirs d’artillerie avec
en partie les chars à leurs dispositions. La limitation de l’élévation du tube
dans la tourelle des chars de l’époque leurs imposait de se mettre en position
sur des tumulus. Sur le Merkava, ce problème fut réglé par la possibilité
d’élévation jusqu’à 45° du tube. Ainsi, le char pouvait faire du tir indirect à
longue distance.
L’engagement du Merkava au Liban entre 1982 et 2006 a obligé
les Israéliens à corriger leur véhicule. C’est en raison de nouvelles
technologies et de nouvelles techniques antichars, que le char a subi ses
principales modifications. La première fut la correction du défaut tourelle
avant et arrière qui fut la cause de la destruction de deux Merkava dans une
embuscade en 1982. La réponse technique fut l’arrivée des chaînes en nuque de
tourelle. Puis ce furent les embuscades à l’IED qui entraînèrent le
renforcement du plancher. Les tirs plongeants à partir d’habitation
conduisirent à un renforcement du toit. Les embuscades multidirectionnelles
(plus de six attaques en même temps de plusieurs côtés) poussèrent à la mise en
place d’une protection active et un combat collaboratif au sein du peloton.
L’intensification du combat en zone urbaine et dans des reliefs difficiles fit
que les Israéliens abandonnèrent la bande caoutchouc sur les galets ou sur la
chenille. Celle-ci d’ailleurs resta à axe sec car plus résistante face aux
mines.
Le Merkava IV Barak est ainsi l’aboutissement de 50 ans
d’expérience guerrière. Au vu du conflit en Ukraine, on ne peut que penser à
tout ce qu’apporterait un Merkava IV Barak sur le champ de bataille. En premier
lieu, dans le domaine de la protection, le véhicule s’engagerait plus hardiment
dans les combats en rase campagne ou en zone urbaine. Sa protection active
mettrait à distance un grand nombre de menaces missiles, le renforcement du
toit protégeant contre les attaques de drones et autres tirs plongeants. Sa
capacité de tir indirect (96% de l’action d’un char actuellement en Ukraine)
lui permettrait d’accomplir cette mission avec efficacité. Sa puissance anti
infanterie (4 mitrailleuses plus un mortier de 60mm) en plus des munitions
spéciales anti personnels font du Merkava un adversaire redoutable.
Quand bien même le véhicule serait touché, sa capacité de
résilience garantie la survie des personnels à son bord comme la facilité de le
régénérer en remplaçant rapidement les blindages ou éléments endommagés. Facile
à réparer car composés d’éléments peu coûteux et fiables, le Merkava est
aujourd’hui un des engins les mieux conçus pour la guerre de haute intensité.
Bien qu’il n’existe pas de budget alloué à un remplaçant du
Leclerc (autre que le MGCS), il aurait été intéressant de réfléchir à un engin
construit comme le Merkava pour les mêmes raisons que les Israéliens. Ceci
d’autant plus que la France n’a plus beaucoup de soldats, et que sa population a de plus en plus de refus de servir aujourd’hui avec le risque concomitant
à la guerre de haute intensité.
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