Une illusion
Que s’est-il passé ? Pour la petite histoire, après la
Deuxième guerre mondiale, un certain nombre de grands chefs allemands comme
Guderian se sont retrouvés affectés à des postes clés de l’OTAN nouvellement
créée. Ces hommes ont alors réécris une histoire où la part belle était faite
aux capacités extraordinaires de leurs anciennes montures. Ils y avaient alors
peu de chefs alliés pour vanter la qualité du M4 , voire au contraire
beaucoup pour le critiquer. Le mythe est alors entré de la supériorité de la
technologie des chars allemands s’est alors imprimé dans les esprits.
Pourtant, c’est à cette même époque, c’est-à-dire au
lendemain de la guerre, qu’apparaissaient d’autres montures conçues de manière
bien différente et qui, eux, ont vraiment montré de belles qualités.
Le premier et le plus connu de ces chars est le T54/55. Char
issu des expériences soviétiques de la
« Grande guerre patriotique », il allie de multiples qualités. Il est
d’abord facile à produire, car il puise dans son illustre ancêtre le T34 un
certain nombre d’éléments, comme la suspension ou le moteur. Son moteur reprend
les qualités de simplicité et de robustesse du T34. Il ne nécessite pas un gros
entretien. Sa mise en œuvre est facile pour n’importe quel paysan du Caucase ou
du Tonkin. Robuste, il résiste aux pires conditions climatiques et combat aussi
bien dans le froid polaire qu’au désert africain en passant par la jungle du
Viet Nam. Son armement reste puissant même si l’arrivée du L7 de 105mm de
l’OTAN le met en difficulté. Plus de 70 ans après sa sortie, il est employé au
combat sur de nombreux théâtres dans le monde comme la Syrie et l’Ukraine.
Le second char vient d’Angleterre et se nomme le Centurion.
Char fruit de l’expérience Britannique de la Seconde guerre mondiale, il est
conçu en 1944 pour vaincre les nouveaux chars allemands qui entraient en
service. Arrivé trop tard pour la guerre mondiale, il va participer à de
nombreux conflits de la Guerre froide avec une endurance remarquable. Là
encore, c’est la fiabilité et la robustesse de l’engin qui sont d’abord
appréciées. Il est facile d’entretien (on peut tout faire avec trois
clés !!) et surtout, sa taille lui permet d’intégrer facilement de
nombreuses évolutions (armement, moteur etc..). Confortable et simple d’emploi,
il se montrera supérieur face à de nombreux blindés bien plus modernes.
Le troisième char, plus récent, vient de nouveau de
l’URSS : le T72. Ce char est, à sa sortie en 1974, une petite révolution
en terme de protection et de puissance de feu. Avec le T64, il inaugure
l’intégration de blindage composite pour un véhicule blindé. Ils s’arment tous
les deux d’un puissant canon de 125 mm bien supérieur au L7 qui venait juste
d’entrer en service. Ils disposent tous deux du premier chargement automatique
monté en série sur char. Avec une masse relativement léger, le T72 a un autre avantage : son moteur qui est,
lui aussi, un descendant du moteur du T34 et qui a de fait les mêmes qualités
de simplicité et de robustesse. Si la conduite de tir et les capteurs de tir de
nuit ne sont pas à niveau, l’engin reste très performant et apprécié pour son
entretien facile et sa fiabilité. En Syrie ou en Irak, les milices préféraient
un T72 à n’importe quel autre char, même américain, comme le M1. Rustique et
régulièrement modernisé, sa base technique est toujours employée sur le dernier
T90M Russe.
Ces chars brillent tous par quelques caractéristiques :
simplicité de production, d’entretien et d’emploi. Ils ne nécessitent que peu
d’heures de formation. Ils sont robustes et fiables et leurs équipages savent
que leur monture ne leur « claquera pas dans les mains ». Ils sont
capables de faire la guerre longtemps et dans les pires conditions, même sans
un soutien important. Même si ce ne sont pas les machines les plus
performantes, ce sont ses chars qui ont fait et défait les batailles des
guerres modernes.
Le Léopard 2
Le Léopard 2 n’a pas eu cette chance. Vaincu par les mines,
l’artillerie et les missiles, il n’a pas pu mettre en avant toute ses qualités.
Au regard de l’investissement consenti, ce résultat prévisible est
malheureusement décevant. Le rapport qualité-coût n’y est pas. D’ailleurs, pour
être honnête, aucun char n’aurait fait mieux. Il faut donc peut-être se poser
la question de définir ce qu’est réellement un bon char et surtout vers quoi se
diriger pour l’avenir.
Un char de combat
Le mythe du char « game changer », ou qui change
la donne, doit être oublié. Le char est ce qu’il est parce qu’il est intégré à
un ensemble de systèmes qui opèrent ensemble, chacun ayant un effet
particulier. Le char apporte la mobilité du feu sous protection en vue d’un
combat de contact. Il est engagé en première ligne, comme l’infanterie, et en
subit les mêmes attritions. Si l’on s’engage dans un conflit de forte
intensité, il faut être en mesure de s’adapter à un environnement très disputé
et mortel.
Dans ce cadre, reprenant les critères énoncés plus haut, la
recherche d’un char certes moins performant techniquement mais ayant les
qualités précédemment citées (simplicité de production, d’entretien, d’emploi,
de formation, de robustesse et de fiabilité), permettrait de construire le
« bon char » pour les guerres du futur.
A quoi pourrait-il ressembler ?
Il devrait se caractériser par sa facilité :
-
de production : une forme simple et une
limitation des opérations de soudures. Il faut le fabriquer avec des composants
rapidement reproductibles et il ne doit pas nécessiter de composants rares.
-
d’entretien : facilité d’accès, de
démontage, limitation du nombre d’outils nécessaires à son entretien et sa mise
en œuvre. Limitation des contraintes informatiques.
-
d’emploi : mise en œuvre simple et rapide,
pas de surcharge cognitive.
-
de prise en main : la formation doit être
adaptée à un personnel de notre temps ayant une connaissance rudimentaire de
l’informatique mais adepte des jeux vidéo. Il faut une prise en main rapide du
véhicule possible pour une personne ayant le permis de conduire.
Il doit faire preuve de robustesse : le matériel doit
pouvoir être utilisé dans des environnements difficiles sans modification
majeure et sans soutien autre que celui du 1er échelon.
Il doit être fiable : fiabilité des éléments mécaniques
et électroniques qui ne doit pas nécessiter de changement régulier.
Ce qu’il n’a pas besoin de faire ou ne doit pas faire :
-
Il n’a pas besoin de rouler à 80 km/h
-
Il n’a pas besoin de tirer à 4000m à 60km/h
-
Il n’a pas besoin de tirer une munition guidée
au-delà de la vue (les missiles le font très bien)
-
Il n’a pas besoin d’être tout numérique
-
il ne doit pas avoir besoin d’un soutien
important
-
il ne doit pas coûter cher
-
il n’a pas besoin de se concentrer sur la lutte
anti-char
-
il n’a pas besoin d’un blindage composite multi
impacts anti-flèche lourd et multi impact.
Ce qu’il doit pouvoir faire :
-
se déplacer longtemps aux alentours de 65 km/h
-
tirer des obus explosifs, fumigènes, à effet
dirigé
-
tirer de très près
-
disposer de beaucoup d’armements défensifs
-
tirer comme une pièce d’artillerie
-
franchir les coupures humides
-
être protéger sur 360°
-
être communiquant
tirer en roulant à courte distance et à grande vitesse
-
être réparable rapidement
Ce char doit allier rusticité et modernité dans un système
très fiable. Ainsi conçu, l’engin doit apporter de nouvelles capacités aux
forces armées.
La première capacité nécessaire est la
résilience. En raison de la facilité à réinjecter des chars dans la bataille,
en raison de la production ou de la réparation, le char permet de faire durer
une armée dans un champ de bataille très contesté. De plus, la formation
facilitée permet de compenser les pertes humaines.
La seconde est l’autonomie. Le faible soutien apporte la
capacité de pouvoir engager plus facilement une masse de manœuvre plus
importante sans surcharger la logistique. Disposant d’un corps de bataille au
volume constant, le char peut faire basculer le champ de bataille en faveur de
celui qui l’utilise.
La dernière capacité est la rapidité.
Que ce soit grâce à la production et la prise en main faciles, ou aux courts
délais de mise en œuvre, le char apporte du temps qui permet d’accélérer le
rythme opératif et stratégique. Il permet aussi une chose essentielle qui est
la meilleure qualification des équipages, en particulier dans le domaine
tactique.
Car, en réalité, plus que la technologie, c’est la formation
des hommes qui fait la différence. La technologie apporte 20% de
plus-value ; la formation et la compétence, 100%.
(1)https://fr.topwar.ru/
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