Le Char à grande vitesse

 



Les guerres menées par l’occident et ses alliés dans le monde ont vu une augmentation continue de la masse des blindés. Cela s’explique par la prise en compte des nouvelles menaces comme les IED et tous leurs variants. A cela s’est aussi ajouté l’arrivée de nouveaux missiles antichars plus puissants ou avec de nouveaux axes d’attaque. Le résultat de cette prise de poids fut la perte de mobilité tactique et opérative des forces. Pour résoudre le problème, ces mêmes forces ont limité le nombre d’engins sur le terrain pour pouvoir les soutenir.

Les conséquences tactiques de cette transformation ont été nombreuses. La première, et non des moindres, est l’action limitée sur le terrain. En effet, il est difficile de sortir ces engins des axes en raison de leur taille et leur masse, ce qui facilite l’action de l’ennemi qui peut, lui, agir partout. La seconde conséquence est donc l’incapacité des navires et des avions à transporter tous ces nouveaux engins au moins au même nombre qu’avant. Il a fallu adapter les navires aux nouveaux véhicules.

Plus lourds, les engins demandent plus d’entretien et surtout, ont un plus de carburant. Les véhicules anciens, plus légers, contenaient moins de carburant et allaient plus loin que les véhicules qui les remplacent aujourd’hui.

Bien conscient du problème, la DARPA en 2014 a étudié un véhicule révolutionnaire à haute mobilité le GXV-T. de petite taille, léger et surtout très mobile. Le véhicule devait apporter la mobilité perdue tout en apportant une nouvelle protection.  Le véhicule, grâce à de grandes accélérations, loin de chercher à résister aux coups, pouvaient par contre les éviter. Il priorisait aussi une discrétion sonore et visuelle.Cependant, les recherches se sont arrêtées après les essais. De leur côté, les Américains n’ont pas non plus poursuivi dans une voie similaire.

La guerre en Ukraine relance la question de la protection des véhicules. En effet, le terrain gras peu favorable en automne et au printemps, n’est pas propice à la progression hors-piste des véhicules blindés. La menace antichar est, sur ce théâtre, la plus forte et nécessite, non seulement d’avoir une protection importante, mais aussi une maîtrise dans les savoir-faire tactiques de base et dans l’emploi des blindés.

De plus, loin d’être discret, les chars et autres blindés sont décelés très tôt par les moyens satellites, électromagnétiques et d’observation de l’adversaire. Il est impossible de concentrer des moyens en vue d’une percée sans que l’ennemi soit repéré. Il faut donc appliquer des mesures tactiques de camouflage très rigoureuses, se coordonner de la manière la plus précise avec les armes d’appui, et surtout exploiter au mieux des informations sur la défense ennemie. Cela est possible avec un système de communication numérisé performant. 

Une autre voie pourrait être prise, celle de l’adaptation des véhicules de combat. Si le véhicule est discret par sa taille, son camouflage pourrait en être facilité, et la difficulté de l’ennemi à le repérer en serait augmentée. Ce véhicule pourrait agir sans que l’ennemi réagisse ou trop tard. D’autre part, il faudrait que le véhicule frappe fort tout en se coordonnant avec les armes d’appui. Par sa manœuvre, il devrait compliquer la tâche du commandement ennemi qui réagirait trop tard.

Imaginons-nous maintenant dans un avenir proche sur un champ de bataille. L’adversaire, bien positionné en défensif, attend l’attaque. Comment le surprendre ? Pourquoi pas par la vitesse. Des chars rapides éparpillés à 80 km de la zone de contact se mettent en marche par de multiples chemins, routes ou pistes. Avançant à plus de 100km/h, ils parcourent la distance qui les sépare de la ligne de contact en un peu plus d’une heure. Bien incapable de définir d’où viendra la menace, l’adversaire constate la progression de multiples véhicules mais ne synthétise pas l’action en cours. 

Sur la ligne de front, les combattants retranchés se sentent en sécurité dans leurs fortifications. Appuyés par une puissante artillerie sol-sol et sol-air, les hommes disposent aussi d’une ligne d’armes antichars juste à l’arrière de leurs dispositifs et d’une ligne de mine devant.

L’artillerie sur CAESAR  a suivi le déplacement des chars. Encore à 20 km de l’objectif, ils font un raid d’artillerie en vue d’effectuer des frappes sur les défenses. Ils seront guidés par les drones qui se chargent de désigner les objectifs.

L’assaut est bref, à 1000 m de la ligne de contact, des chars rapides débouchent dans le paysage, se déplaçant aux environs de 80km/h. Presque silencieux, ils surprennent les défenseurs. Les chars traversent alors le champ de mines qui explosent derrière eux. En effet, si les chars avancent à une vitesse de 22m/s sur les mines, celles-ci ne peuvent exploser sous eux.

C’est le moment que choisissent les obus d’artillerie pour tomber sur les défenseurs. Le tir est bref et assommant. En se relevant, les défenseurs survivants sont déjà surpris par les chars rapides qui traversent leurs positions. Un char passe à leur niveau et assène deux coups rapides de 105 mm sur leurs positions. Cela aura duré à peine 1mn.

Les premiers chars ayant traversé les tranchés sont déjà au contact de la ligne antichar. Les opérateurs de missiles sont pris de vitesse par les véhicules qui frappent leurs positions. Le temps de visée étant trop court, beaucoup de missiles tombent à côté. Pour un temps de vol de 45s, le char a déjà fait 1km. Le temps d’inter-visibilité s’en trouve réduit et la capacité du défenseur de correctement viser est également moindre.

Les chars rapides sont maintenant sur les arrières. Ils vont exploiter les renseignements pour attaquer l’artillerie et le deuxième échelon ennemi. La manœuvre a été si rapide qu’il n’est pas en mesure de réagir. C’est alors une poursuite qui est lancée par les forces amies pour empêcher l’ennemi de se ressaisir sur une position favorable.

Est-ce que cela est possible ?   

Dans les années 2000, dans le cadre du programme FCS, une société privée américaine avait travaillé sur un châssis chenillé haute mobilité pour drone de combat. Il est toujours d’actualité pour le programme Robotique Combat Véhicule light. La société a continué à travailler sur des modèles habités mais pour civils : il s’agit du véhicule Howe & Howe Ripsaw EV3-F4.


Ce  tank est motorisé par un V8 turbodiesel Duramax de 6,6 litres. Ce bloc développe 800 ch mais surtout 2033 Nm de couple. Cela permet au Ripsaw d’être l’engin à double chenille le plus rapide au monde en atteignant les 100 km/h pour  4,5 tonnes. Certes le véhicule en lui-même n’a pas intéressé les militaires. Mais le concept est intéressant.

Le véhicule que je propose reprend les caractéristiques sommaires de la version américaine. Le train de roulement à chenille est souple et à suspension à fort débattement. Le moteur se situe toujours à l’arrière avec la boîte de transfert et le barbotin. Huit cent à 1000ch sont nécessaire pour la motorisation. La particularité est que la partie motrice est faiblement blindée. Elle doit juste protéger contre la « ferraille du champ de bataille ».

La partie avant est composée du poste de combat à deux places : celles du pilote et de l’opérateur armes. Partie la plus protégée du véhicule, elle doit garantir a minima la survie de l’équipage face à du 30mm.

Pour le pilote, le point particulier est que la grande vitesse ne permet pas de faire la navigation. Il reçoit directement dans son champ de vision l’itinéraire à prendre avec les points à atteindre. Cet itinéraire doit être soit préparé avant de partir, soit donné par le commandement pendant la mission (éventuellement par l’opérateur armement).

A côté du pilote, l’opérateur armes a le même problème. La grande vitesse réduit la zone d’inter visibilité et donc le temps d’observation. Les objectifs lui sont donnés par des drones au plus loin. La grande vitesse provoque aussi beaucoup de combats surprises  à très courte distance dans lesquels il est important pour l’opérateur de disposer rapidement d’une vision grand champ de son environnement.

C’est pour cela que je privilégie des écrans de grande taille connectés à des caméras. Il s’agit d’avoir  une connaissance meilleure et rapide de l’environnement. Ce dispositif est aussi plus facile à intégrer que de l’optique. 

L’armement est composé d’un canon de 105mm CTA monté en tourelle télé-opérée. La particularité, là encore, de l’armement est qu’il n’est pas axé en priorité sur l’antichar. La guerre en Ukraine et dans le Haut Karabagh ont montré qu’entre 65 et 80% des chars sont détruit par l’artillerie et que moins de 1% du temps de combat est consacré à la lutte antichar. La densification de la dronisation du ciel ne fera qu’augmenter la neutralisation des chars à distance par d’autres armes que le char.

Principalement axé sur la neutralisation des véhicules moins protégés et légers, mais aussi sur les fortifications de tous types, l’armement doit donner plus de souplesse dans l’action grâce entre autres à une grande capacité d’élévation et une grande fiabilité du chargement propre au canon CTA.

Le véhicule doit être le plus léger possible par rapport aux contraintes techniques propres à la protection et à l’armement. Idéalement, le véhicule devrait peser entre 8 et 12 tonnes pour que soit privilégiée sa mobilité. 

Très rapide, puissamment armé, le char apporte la vitesse, la surprise et la brutalité nécessaires à la réussite de la mission, tout en renouant avec la légèreté des véhicules passés. Plus mobile, il peut être transporté plus facilement en grand nombre, par air ou par mer, en vue de déséquilibrer tactiquement un adversaire.  





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