Un Char plus léger : pourquoi ?

 

Un Char plus léger : pourquoi ?


1944, le forces alliées débarquent en Normandie. Le commandement allemand réagit en envoyant des renforts sur ce nouveau front. Problème, la distance de certaines unités. En effet, des unités allemandes appelées en renfort  doivent venir par certaines du sud de la France. Deux moyens de se déplacer : le train ou la route. Le problème est que les alliés effectuent une campagne d’interdictions qui vise justement à détruire tous les ponts entre la Normandie et le restant de la France. Ils attaquent aussi toutes les gares et les convois ferroviaires. Cela pose un problème majeur pour les chars  allemands, puisque, pour faire des économies sur la mécanique de la machine et sur l’essence, ils ne se déplacent qu’en train.  Certaines unités allemandes vont alors mettre des semaines pour arriver sur la zone de combat, laissant le temps aux alliés de se renforcer.

Arrivés enfin avec leurs engins sur le champ de bataille, les Allemands connaissent de nouvelles  difficultés : le ravitaillement et surtout l’entretien des chars. Ceux-ci sont plus lourds et plus complexes à entretenir. Il faut des véhicules particuliers pour les récupérer sur le champ de bataille. Quand bien même ils sont récupérés, les « Jabots » alliés détruisent les camions de pièces détachées en mitraillant les routes.  Beaucoup de chars allemands sont alors abandonnés par manque d’entretien. Les Allemands vont perdre la bataille et leurs terribles panzer divisions vont fondre comme neige au soleil dans les champs de Normandie.

 Quand fin juillet début août, les alliés attaquent, ils se trouvent devant le même problème que les Allemands : la traversée des ponts. Mais ils disposent alors de deux avantages. Le premier est un corps de génie correctement équipé et qui fournit des ponts bateaux ou des ponts démontables. Le deuxième avantage est que leur char est plus léger, plus étroit, plus rustique et fiable que les modèles allemands. C’est le fameux M4 Sherman (cf l’article consacré à ce char). Les chars alliés ont alors traversé toute la France et ne sont arrêtés que par manque de ravitaillement au niveau de la Lorraine.

En 2014, L’OTAN est confrontée à une nouvelle menace : la Russie. Les alliés ont réagi en effectuant une réassurance de leur flan oriental, c’est-à-dire l’envoi de forces face à la frontière avec la Russie. Et là, surprise : lorsque les lourds convois de chars américains M1 ont voulu traverser l’Allemagne et la Pologne, on s’est aperçu qu’aucune réglementation ou droit ne régissait la traversée de frontières par de tels convois. Pire encore, les infrastructures étaient incapables de supporter le poids de ces convois.

Le problème administratif a été rapidement réglé, mais l’OTAN a dû financer un plan spécial de remise aux normes des infrastructures de transports. Comment se serait comporté l’OTAN si elle avait découvert cela en pleine guerre ? Encore récemment, la mise en place de la mission Aigle visant (déploiement, dans le cade de l’OTAN, de forces françaises  en Roumanie après l’invasion de l’Ukraine par la Russie) a montré la difficulté de transporter des chars sur porte-char à travers l’Allemagne. Pour un problème de nombre d’essieux sur le camion, les véhicules ont été bloqués…

Si, dans les pays occidentaux, cela arrive, alors il faut imaginer ce que cela donne dans des pays qui ne disposent pas de telles infrastructures. C’est d’ailleurs le cas de l’Ukraine et c’est l’argument des militaires américains contre la fourniture de M1 Abrams aux Ukrainiens. Il y a fort à parier que les forces alliées se retrouveraient comme les forces allemandes en Normandie si l’ennemi se met a effectuer des frappes sur les infrastructures ferroviaires.

De plus, en Ukraine, le terrain est très gras. Je ne peux m’empêcher de penser que si un T72 s’embourbe, le M1 ne ferait pas mieux. Et là aussi, il faudrait un véhicule particulier pour le tirer de ce mauvais pas (en espérant que le véhicule de dépannage ne s’embourbe pas non plus). Il faut aussi entretenir les chars avec des techniciens compétents et surtout le ravitailler en carburant. La part que pourrait prendre le ravitaillement de quelques dizaines de chars de ce type serait un véritable handicap pour une armée comme celle d’Ukraine. Ce serait aussi une faiblesse que pourrait exploiter un adversaire. On se retrouve de nouveau dans le scénario normand mais cette fois, ce sont les chars alliés qui seraient bloqués… 

Pour ce qu’il est de la  France , elle est éloignée d’une menace directe sur son territoire et doit donc projeter ses forces. Plus les contraintes techniques du char seront importantes (masse, consommation, gabarit), moins les forces auront de mobilité et plus elles seront soumises au risque de se voir neutralisées.

C’est dans ce cadre opératif que la nécessité d’un char plus léger se fait sentir. Il faudrait qu’il ait un gabarit routier (autour de 3m20) avec une masse  égale à celle d’un camion semi-remorque, c’est-à-dire 45 tonnes. Il serait moins contraignant à déplacer et grâce à sa masse limité, sa consommation, s’en trouveraient réduites. S’il est de plus fiable et rustique, on peut espérer qu’il n’ait  pas besoin d’un gros soutien technique. Ainsi, nos armées pourraient retrouver une mobilité opérative moins coûteuse et plus simple, améliorant notre capacité de projection et de réaction face à une menace stratégique. Ce n'est pas un hasard si le premier véhicule déployé fut l'AMX 10 RCR.   

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