BRUTALITE, FACTEUR DE MOBILITE
« Ne tapotez pas…frappez!! ». Tels sont les ordres
du général Guderian à ses subalternes lors de l’offensive allemande des
Ardennes de 1940. Le précepte du généralissime fait référence à l’importance de
faire preuve de plus d’agressivité au niveau des contacts pour engendrer une
fracture plus rapide du front.
Si le concept est employé en tactique, on l’oublie qu’il
fait aussi partie du concept même des chars. Le char Tigre en 1943 s’ouvre, à
coups de 88mm, un passage dans les vagues de chars russes, à Koursk. Les
Israéliens, en 1967, dans le Sinaï, débordent et encerclent, grâce aux tirs de
canon de 105mm des chars Shot et M48, les T55 et autre T34/85. En 1991, les M1
Abrams détruisent les T72 de la garde républicaine irakienne, de nuit, à plus
de 3000m.
Dans tous ces cas, c’est la force des canons qui a ouvert la
voie aux chars. Si vous êtes capable de voir et de détruire en premier votre
adversaire, vous pouvez alors vous déplacer vers l’avant. Si vous faites cela
en roulant, vous accélérez le rythme de la manœuvre globale et vous obtenez une
victoire rapide sur votre adversaire.
Pour cela, il faut donc le moyen de renseignement et le
moyen de destruction le plus rapide et le plus efficace. Le moyen de
renseignement doit couvrir une grande surface, rapidement, sans laisser de
trou où l’ennemi pourrait se cacher. Sur
un char, il s’agit le plus souvent de moyens optiques ou optroniques avec des
visions jour, intensificateurs de lumière ou thermiques. Le moyen de
destruction, lui, est basé sur le canon d’un calibre entre 75 et 125 mm. Outre
l’artillerie, c’est surtout sa munition qui va entraîner la destruction de
l’objectif. Comme tous les chars disposent des mêmes équipements, pour faire la
différence, il faut aujourd’hui innover.
Dans le domaine du renseignement, la
principale innovation vient de l’intégration de technologies radar
électromagnétiques, voire laser, avec le
LIDAR. Celui-ci permet, non seulement de repérer un objet mobile ou fixe, mais
aussi à quelle distance celui-ci se trouve,
et de détecter un tir. La technologie est la suite logique de la voie
optique car elle permet de voir plus loin et plus précisément. Elle permet
aussi un degré d’automatisation car la télémétrie est directement fournie de
manière instantanée. La perception de l’objet ajoutée à celle de sa distance
permettrait une prise en charge autonome de l’objectif de manière rapide. Le
défaut du système, par contre, est son manque de discrétion et sa grande
consommation d’énergie. C’est pourtant le choix fait par les Russes pour le
T14.
Une autre solution, plus discrète, est l’intégration d’un
drone pour chercher les objectifs. Un tel drone permettrait de repérer en
avance les cibles, limitant le temps de recherche pour l’engin. Les capacités
du drone en moyens optiques lui permet de détecter les cibles sur le terrain.
Mais il faut encore interpréter le renseignement pour le restituer dans un tir.
En effet, la cible repérée doit être visualisée par le système (distance du
drone, du char, cap, altitude), puis par
l’équipage (visualisation spatiale de la cible soit par la vision directe du
drone, soit par incrémentation sur écran ou NEB). Le défaut du système est
qu’il nécessite soit la présence d’un membre attaché uniquement à la tâche du
service du drone, soit l’utilisation d’un opérateur externe qui devra
incrémenter une base de données numériques (NEB). Le deuxième défaut est le
temps de vol du drone limité à quelques dizaines de minutes. Cette solution est
actuellement l’objet de réflexion sur le char allemand KF51 ou EMBT.
La voie passive serait une alternative. Elle consiste en
l’utilisation de moyens optiques, sonores, électromagnétiques passifs pour
repérer les cibles. Comme je ‘explique dans l’utilisation de double viseurs
panoramiques, le terrain peut être
balayé rapidement et en permanence. L’utilisation de nouvelles technologies
optiques combinant thermiques, IL et voie jour, couplée à de la fusion de
données (incrémentées par le NEB) dans
le visuel de l’opérateur en observation, doit
permettre de rapidement prendre en compte des objectifs, quel que soit
leur état de camouflage. La détection sonore amplifie les sons, peut aider à
détecter des véhicules ou des personnels, même au-delà de la crête et à
percevoir l’environnement. Des capteurs électromagnétiques passifs détectant
l’émission d’onde radio complètent le système.
Dans le domaine de l’armement, il est envisagé plusieurs
voies. La plus classique est l’amélioration de la cadence de tir du canon par
l’adaptation d’un chargeur automatique pour les munitions. Le système n’est pas nouveau,
particulièrement en Russie, avec les carrousels en fond de tourelle. Il
pourrait se généraliser sur les nouveaux modèles de chars occidentaux avec
l’arrivée de nouveaux calibres plus gros (130mm ou 140mm), rendant complexes le
chargement manuel en roulant (et même à l‘arrêt).
Le principe du convoyeur installé en nuque de tourelle à
l’image du char Leclerc paraît la solution la plus simple et pratique. J’ai
déjà abordé aussi l’idée d’un convoyeur latéral pour alimentation d’un canon à
culasse rotative de gros calibre. La grande cadence de tir permise par le
système (de l’ordre de 60 coups minutes, voire plus) assure une brutalité des
feux hors de comparaison par rapport au véhicules actuels. Le système assomme tout
adversaire de coups. Il peut aussi créer un écran de fumigène rapide lors d’un
combat urbain, détruire rapidement une colonne de véhicules. On peut même
imaginer un tir anti aérien à base d’obus programmables (capacité d’élévation
de 45°) etc..
La supériorité du système par culasse
rotative couplé à des organes de visée multiple (cf mon double viseur
panoramique) permettrait de traiter et
d’assommer les menaces, mais aussi d’imposer
un rythme offensif très agressif. Cela dépendra de la capacité d’emport en
munitions et surtout du grand nombre de modèles de munition disponible
(fumigène, explosif programmable, à effet dirigé, flèche, charge creuse
etc..). Quel que soit la solution technologique choisi, l'important est de disposer d'une grande cadence de feu.
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