VITESSE, SURPRISE ET BRUTALITE
L’Allemagne ne part pourtant pas favorite en ce début de
conflit. Elle a été vaincue part les alliés en 1918 et a subi plus de 15 années
de contrainte dans le domaine militaire, que ce soit dans le secteur industriel
ou de façon structurelle. L’Allemagne sait que dans une guerre longue, elle est
condamnée à être vaincue par les moyens militaires et surtout économiques de
ses adversaires. Elle s’est appliquée, de 1936 à 1939,
à se défaire de la menace de ses adversaires. Envahir la Pologne était
le pari le plus risqué, mais il a réussi. La doctrine offensive basée sur
l’action brutale dans la profondeur du dispositif obtient ses succès tactiques
et opératifs à ce moment-là.
Limitée en capacité, l’Allemagne sait qu’elle ne peut pas
laisser l’initiative à ses adversaires. Une guerre longue entraînerait au même
résultat que lors de la Première guerre mondiale. Mais les forces alliées ne
sont pas petites ; il y a même un léger avantage en nombre de divisions si
on inclut la Belgique, mais les forces alliées sont désunies et surtout, elles
ne sont pas prêtes. La France ne prévoit de lancer sa première offensive qu’en
1941. Pour l’instant, elle essaie de rattraper son retard dans la course aux
armements et tout particulièrement dans le domaine de l’aviation.
Les alliés se doutaient qu’il allait y avoir une offensive
allemande en Belgique et avait établi un plan, l’opération Dyle Breda, visant à
y répondre. Cependant, les Allemands avaient aussi un plan, celui de s’assurer
la surprise en attaquant à l’endroit le plus « difficile » et surtout
le moins défendu : les Ardennes.
Le 10 mai donc, l’offensive débute et dès le 12 au soir, les
reconnaissances allemandes sont sur la Meuse et ils commenceront à la franchir
le 13 mai. Le commandement Français mettra plus de 28 heures à réagir. Les
premières contre-attaques sont repoussées et la chevauchée peut commencer. Le
18 mai, soit 5 jours après le franchissement de la Meuse, les Allemands sont
sur la Manche et les alliés voient leurs meilleures unités encerclées. Le 6
juin, les Allemands relanceront leurs offensives contre la France. Le 25 juin,
soit 6 semaines après le début de l’offensive, la France était vaincue.
Je retiendrai de cette opération trois principes
fondamentaux : vitesse, surprise et brutalité.
La vitesse est employée deux fois de manière opérative. La
première est la traversée des Ardennes. Estimée à 5 jours par le commandement
allié, les Allemands le feront en trois jours. La deuxième fois fut,
immédiatement après la percée, la chevauchée des divisions blindées jusqu’à la
mer qui va se solder par l’encerclement
des troupes alliées.
Ces deux actions vont provoquer deux surprises. La première
est le franchissement de la Meuse avant l’heure. Jamais le commandement
Français n’avait imaginé un franchissement aussi rapide. La seconde surprise
est tout aussi inattendue car le commandement allié s’inquiète d’abord d’une
attaque sur Paris, donc la manœuvre
d’encerclement, par son rythme, bouscule un commandement français qui se
désorganise tout seul.
La brutalité du passage de la Meuse est aussi, en soi, une
surprise, puisque le commandement français pensait qu’il faudrait au moins une
semaine pour faire venir de l’artillerie lourde. Il est complètement surpris
par la concentration de bombardiers le jour du passage. C’est d’ailleurs la
plus grosse concentration de la Luftwaffe de toute la guerre. Le bombardement
additionné au manque de moyens anti-aériens et au manque de moyens de
communication ainsi que le manque de préparation seront fatals à cet endroit.
L’offensive qui va suivre verra un appui continu de la Luftwaffe tout le long
du corridor des chars. La concentration des moyens et des feux ne laisseront
que peu de chance aux unités qui sont mises en bouchons pour ralentir la
progression. Même si les chars étaient moins bien armés et protégés que les
chars français, ils les ont écrasés grâce à la vitesse, la brutalité et la
surprise d’une manœuvre dynamique qui a entraîné le débordement ou
l’encerclement des unités alliées.
Les contre-exemples sont nombreux. Lors de l’opération
« Shingle », le 22 janvier 1944, les troupes alliées décident de
contourner la Ligne gothique par la mer. Elles effectuent un débarquement à
Anzio, petite ville à l’Ouest de Rome. Les alliés débarquent sans opposition.
Ayant une opportunité d’encercler toute l’armée Allemande en défensive sur la
Ligne gothique et de libérer Rome, les forces alliées débarquent et ne lancent
que quelques reconnaissances timides sans envergure, perdant un temps précieux.
Ce temps est par contre récupéré par les Allemands pour rameuter des unités
pour encercler la tête de pont. La surprise ne faisant plus effet, encerclée,
la manœuvre se transforma en échec. Tout particulièrement après l’arrivée sur
zone de deux canons allemands sur voie ferrée qui vont bombarder de manière
continue le camp retranché allié. Le manque d’audace de la manœuvre était, pour
certains, justifiée par le doute sur la capacité des 40000 hommes de résister à
la contre-attaque allemande qui aurait quand même eut lieu. Mais si la manœuvre
avait été exécutée en coordination avec un assaut de la Ligne gothique, cela
aurait peut-être pu déstabiliser les Allemands.
Appliqué ces trois principes que sont la surprise, la
vitesse et la brutalité, permettent à une force égale ou légèrement inférieure
de détruire des armées bien supérieures. La vitesse permet d’imposer son temps
à l’ennemi qui, de son côté, est obligé de courir après l’adversaire. « Ne
tapotez pas…frappez !! », tel est l’injonction du général Guderian
lors de son attaque du 10 mai. Sans une action brutale, l’ennemi peut se
ressaisir et réagir, mettant en danger l’opération. La brutalité au moment et à
l’endroit où l’on cherche a faire plier l’adversaire, donne un avantage
décisif. La surprise est élément essentiel pour déséquilibrer l’adversaire.
Cumulée aux deux autres, elle permet d’assurer la victoire.
Cela s’applique autant d’un point vue stratégique
qu’opératif ou tactique. Au niveau du peloton, la mise en place rapide sur une
position favorable, cumulée à une action initiale de feu brutale, limite ou
empêche la réaction et assure le succès. Ces principes appliqués à toute
l’armée garantiraient la victoire.
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