VITESSE, SURPRISE ET BRUTALITE

 

VITESSE, SURPRISE ET BRUTALITE

 




Le 10 mai 1940 débute l’offensive allemande sur l’ensemble du front de l’Ouest. Six semaines plus tard, la Hollande, la Belgique et la France étaient vaincues. Pour cela, les Allemands ont appliqué des principes déjà anciens : l’attaque brusque rapide et par surprise.

L’Allemagne ne part pourtant pas favorite en ce début de conflit. Elle a été vaincue part les alliés en 1918 et a subi plus de 15 années de contrainte dans le domaine militaire, que ce soit dans le secteur industriel ou de façon structurelle. L’Allemagne sait que dans une guerre longue, elle est condamnée à être vaincue par les moyens militaires et surtout économiques de ses adversaires. Elle s’est appliquée, de 1936 à  1939,  à se défaire de la menace de ses adversaires. Envahir la Pologne était le pari le plus risqué, mais il a réussi. La doctrine offensive basée sur l’action brutale dans la profondeur du dispositif obtient ses succès tactiques et opératifs à ce moment-là.

Limitée en capacité, l’Allemagne sait qu’elle ne peut pas laisser l’initiative à ses adversaires. Une guerre longue entraînerait au même résultat que lors de la Première guerre mondiale. Mais les forces alliées ne sont pas petites ; il y a même un léger avantage en nombre de divisions si on inclut la Belgique, mais les forces alliées sont désunies et surtout, elles ne sont pas prêtes. La France ne prévoit de lancer sa première offensive qu’en 1941. Pour l’instant, elle essaie de rattraper son retard dans la course aux armements et tout particulièrement dans le domaine de l’aviation.

Les alliés se doutaient qu’il allait y avoir une offensive allemande en Belgique et avait établi un plan, l’opération Dyle Breda, visant à y répondre. Cependant, les Allemands avaient aussi un plan, celui de s’assurer la surprise en attaquant à l’endroit le plus « difficile » et surtout le moins défendu : les Ardennes.

Le 10 mai donc, l’offensive débute et dès le 12 au soir, les reconnaissances allemandes sont sur la Meuse et ils commenceront à la franchir le 13 mai. Le commandement Français mettra plus de 28 heures à réagir. Les premières contre-attaques sont repoussées et la chevauchée peut commencer. Le 18 mai, soit 5 jours après le franchissement de la Meuse, les Allemands sont sur la Manche et les alliés voient leurs meilleures unités encerclées. Le 6 juin, les Allemands relanceront leurs offensives contre la France. Le 25 juin, soit 6 semaines après le début de l’offensive, la France était vaincue.

Je retiendrai de cette opération trois principes fondamentaux : vitesse, surprise et brutalité.

La vitesse est employée deux fois de manière opérative. La première est la traversée des Ardennes. Estimée à 5 jours par le commandement allié, les Allemands le feront en trois jours. La deuxième fois fut, immédiatement après la percée, la chevauchée des divisions blindées jusqu’à la mer qui va se solder par l’encerclement  des troupes alliées.

Ces deux actions vont provoquer deux surprises. La première est le franchissement de la Meuse avant l’heure. Jamais le commandement Français n’avait imaginé un franchissement aussi rapide. La seconde surprise est tout aussi inattendue car le commandement allié s’inquiète d’abord d’une attaque sur Paris,  donc la manœuvre d’encerclement, par son rythme, bouscule un commandement français qui se désorganise tout seul.

La brutalité du passage de la Meuse est aussi, en soi, une surprise, puisque le commandement français pensait qu’il faudrait au moins une semaine pour faire venir de l’artillerie lourde. Il est complètement surpris par la concentration de bombardiers le jour du passage. C’est d’ailleurs la plus grosse concentration de la Luftwaffe de toute la guerre. Le bombardement additionné au manque de moyens anti-aériens et au manque de moyens de communication ainsi que le manque de préparation seront fatals à cet endroit. L’offensive qui va suivre verra un appui continu de la Luftwaffe tout le long du corridor des chars. La concentration des moyens et des feux ne laisseront que peu de chance aux unités qui sont mises en bouchons pour ralentir la progression. Même si les chars étaient moins bien armés et protégés que les chars français, ils les ont écrasés grâce à la vitesse, la brutalité et la surprise d’une manœuvre dynamique qui a entraîné le débordement ou l’encerclement des unités alliées.

Les contre-exemples sont nombreux. Lors de l’opération « Shingle », le 22 janvier 1944, les troupes alliées décident de contourner la Ligne gothique par la mer. Elles effectuent un débarquement à Anzio, petite ville à l’Ouest de Rome. Les alliés débarquent sans opposition. Ayant une opportunité d’encercler toute l’armée Allemande en défensive sur la Ligne gothique et de libérer Rome, les forces alliées débarquent et ne lancent que quelques reconnaissances timides sans envergure, perdant un temps précieux. Ce temps est par contre récupéré par les Allemands pour rameuter des unités pour encercler la tête de pont. La surprise ne faisant plus effet, encerclée, la manœuvre se transforma en échec. Tout particulièrement après l’arrivée sur zone de deux canons allemands sur voie ferrée qui vont bombarder de manière continue le camp retranché allié. Le manque d’audace de la manœuvre était, pour certains, justifiée par le doute sur la capacité des 40000 hommes de résister à la contre-attaque allemande qui aurait quand même eut lieu. Mais si la manœuvre avait été exécutée en coordination avec un assaut de la Ligne gothique, cela aurait peut-être pu déstabiliser les Allemands. 

Appliqué ces trois principes que sont la surprise, la vitesse et la brutalité, permettent à une force égale ou légèrement inférieure de détruire des armées bien supérieures. La vitesse permet d’imposer son temps à l’ennemi qui, de son côté, est obligé de courir après l’adversaire. « Ne tapotez pas…frappez !! », tel est l’injonction du général Guderian lors de son attaque du 10 mai. Sans une action brutale, l’ennemi peut se ressaisir et réagir, mettant en danger l’opération. La brutalité au moment et à l’endroit où l’on cherche a faire plier l’adversaire, donne un avantage décisif. La surprise est élément essentiel pour déséquilibrer l’adversaire. Cumulée aux deux autres, elle permet d’assurer la victoire.

Cela s’applique autant d’un point vue stratégique qu’opératif ou tactique. Au niveau du peloton, la mise en place rapide sur une position favorable, cumulée à une action initiale de feu brutale, limite ou empêche la réaction et assure le succès. Ces principes appliqués à toute l’armée garantiraient la victoire.

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